Jean Daniel Gardère est l'une des figures de la communauté française du Cambodge. Désormais à la retraite, l'ancien chef de la mission économique a choisi de poursuivre dans le privé son histoire d'amour avec le Royaume khmer. Un choix qui ne doit rien au hasard. Portrait
(crédit: Jean Daniel Gardère)
Jeune fonctionnaire, Jean Daniel Gardère effectue sa première mission en Asie en 1968 pour le compte du ministère des Finances. A tout juste 25 ans il entame ainsi une carrière des plus prometteuses dont la première étape le mène à Singapour. La "Cité Etat"vit alors sous le régime très austère de Lee Kuan Yew, et le "gamin"qu'est alors Jean Daniel ne va tarder à multiplier "les longs week-ends", et pour cela très vite le Cambodge devient sa destination favorite.
Le Royaume était alors "en paix et fleurissant"selon les mots mêmes de Jean Daniel, le Cambodge du Sangkum est le terrain idéal des excursions à moto. "Une atmosphère incroyable"se remémore Jean Daniel qui se sent encore honteux aujourd'hui de ne pas avoir su appréhender la situation locale : "le pays est en guerre civile, les inégalités sont très fortes au sein de la population, et la relation entre ville et campagne est difficile"rappelle-t-il, "cela finira par donner lieu à la révolution républicaine de 1970 et ensuite à la révolution Khmer Rouge". Lucide il conclue sur cette période : "tous les ingrédients d'une situation explosive sont là, et je ne me rends compte absolument de rien". Ce qu'il retient, c'est avant tout la gentillesse de la population, les paysages a couper le souffle. "J'ai eu un choc esthétique, humain, qui l'a emporté sur tout le reste"confesse t-il. Et c'est finalement sur une très lucrative victoire au poker qu'il quitte le Cambodge puis l'Asie...
Dur retour à la réalité
Après trois années en poste au Brésil, Jean Daniel Gardère choisit une première fois de rejoindre le privé, mais rapidement arrive une proposition "qui ne se refuse pas": un poste de conseiller auprès de l'ambassade de Phnom Penh. Hélas, en 1972, la situation du pays est alors catastrophique, et le ministère de tutelle décide de bloquer les départs. Durant deux ans c'est le statu quo, la France attend, lui aussi, et finalement la mutation est annulée. "J'ai eu une très grosse frustration ce jour-la, qui explique mon séjour ici aujourd'hui. J'avais vraiment envie de ça, quelles que soient les difficultés? J'avais quitté mon travail dans l'édition, les billets étaient déjà réservés et mes affaires prêtes à partir".
Pendant plus d'une vingtaine d'années, il restera éloigné du Cambodge, même s'il poursuivra ses nombreux voyages, au fil de ses affectations professionnelles, de l'Iran aux Etats-Unis en passant par l'Italie. Son retour en France au début des années 90 marque son arrivée au sein de l'inspection générale des missions à l'étranger, poste qui lui permettra de renouer avec le Cambodge. En effet, en 1991, au cours d'une mission dans la région, Jean Daniel Gardère revient au pays khmer, la France étudie alors la possibilité de rouvrir son ambassade phnompenhoise. "J'ai été bouleversé par le contraste entre mes souvenirs et la réalité"se souvient-il, "j'avais connu cette perle de l'Asie Pacifique, souriante, verdoyante et j'avais devant moi une ville sombre, défoncée, grise, aux façades sans fenêtre".
Jean Daniel établit un rapport favorable au retour de la France au Cambodge, et après plusieurs séjours, c'est seulement en 2002 qu'il saisit l'opportunité de venir lui même s'installer au Cambodge. A l'approche de ses 60 ans, ce "baroudeur"s'ennuie à Bruxelles, exerçant, selon lui, un métier peu stimulant. "J'ai dû faire un forcing pour que l'administration me confie le poste de chef de mission au Cambodge... Avec mon ancienneté et mon expérience, personne ne comprenait pourquoi j'acceptais ce poste perdu au bout du monde".
Après trois années passées à la tête de la mission économique de Phnom Penh, Jean Daniel Gardere ne regrette pas son choix et décide même de poursuivre l'aventure dans le privé. Exerçant une fonction de conseils aux investisseurs au sein de la société City Star, il travaille en parallèle à la rédaction d'une étude pour le compte de la Banque nationale du Cambodge. Et si ses différents projets ne sont pas encore terminés, il confie, non sans hésitation, qu'un départ n'est pas à exclure, "pour se rapprocher de mes enfants".
Steffy BENEAT. (www.lepetitjournal.com Cambodge) vendredi 12 septembre 2008