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Chenda Clais-Khay : L'engagement d'une vie

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Écrit par Thibault Bourru
Publié le 7 mars 2018, mis à jour le 10 mars 2018

Chenda « Cassius »* Khay est une femme battante, engagée. Dans le monde du sport, du handicap, de la cause animale, ou encore sur un sujet qui lui tient naturellement à cœur, la place des femmes dans la société. Elle dirige l'association Cambodia Women Business Federation soutenant les femmes entrepreneuses dans leur vie professionnelle et personnelle. Le combat d'une vie.

Du haut de ses 46 ans, Chenda Clais-Khay estime être légitime pour montrer l'exemple, de par son parcours. « Lorsque j'étais étudiante, la grande majorité des femmes arrêtaient leurs études et se mariaient très jeunes, ce n'est plus vraiment le cas aujourd'hui », témoigne-t-elle. Chenda ne voyait pas la vie comme cela. Elle n'est pas née pour jeter l'éponge si facilement. Elle a préféré étudier et a obtenu sa licence. « À l'université, nous n'étions que trois filles sur 25 dans ma classe. Je voulais que la société khmère change, et cela est en train de se passer. »

 

Façonner sa garde

Petite, Chenda subit de plein fouet les neutralisations du régime de l'Angkar. Elle verra pour la dernière fois son père, emprisonné en 1978, accompagnée de sa mère lors d'un parloir improvisé. Il lui lancera : « ne me considère plus comme vivant, je suis déjà mort : j'ai dit toute la vérité. Mais bientôt c'est la libération. Il faut que les enfants aillent à l'école. » Des paroles qui resteront gravées. À la libération, Chenda travaille avec sa tante aux champs de rizière, cherche feuilles et coquillages, entretient la maison. Elle affirme : « De 1979 à 1989, c'est un enfer, on vit dans la terreur. » 

Quand les Vietnamiens arrivent, beaucoup fuient vers la Thaïlande : les Vietnamiens saisissent alors de jeunes désignés volontaires pour construire le « Mur de bambous » à la frontière avec la Thaïlande, une zone alors fortement minée, faisant des dizaines de milliers de morts. Rien de tout ce climat nauséabond ne pouvait laisser augurer la carrière de Chenda, qui rêve alors de gagner en tout et pour tout quelque 300$ par mois afin de subvenir aux besoins de sa famille. Paul Brulat écrivait : « La misère paralyse les faibles, elle est un stimulant pour les forts », Chenda en est l'exemple. Passé les années 1980, elle est prête à en découdre. L'allonge exceptionnelle. La brune ébène s'apprête à s'engager pour de nombreuses causes. Donner de sa personne pour les autres.

 

La confiance en soi

Depuis 1999, Chenda vit grâce au secteur hôtelier. Elle et son mari ont lancé leur premier hôtel il y a 19 ans. L'expérience, elle l'a. 20 ans. Elle s'en sert grandement lors de ses activités au sein de l'association Cambodia Women Business Federation. Aider ces femmes entrepreneuses, « qui représentent 90% de l'entrepreneuriat au Cambodge, assure-t-elle. Les femmes sont aujourd'hui considérées comme la colonne vertébrale de l'économie du pays. Elles ont plus confiance en elles ». Sa mission : leur donner des conseils pour s'affirmer encore plus tant au niveau professionnel que personnel. « Il faut du temps pour que les mentalités changent. Cela ne se fait pas d’un coup. L’éducation est très importante. Il y a encore beaucoup trop de violences conjugales », assène Chenda. Elle se bat au quotidien pour changer ces mentalités.

Pleine de valeurs, buste relevé, elle est sûre d'elle quand elle conseille les 100 membres de Cambodia Women Business Federation. « Fais comme moi, le matin tu dis à ton mari que tu as beaucoup de travail ce soir-là. Il faut tout dire. Ne montre jamais la moindre chose qui pourrait le rendre jaloux. Sois honnête, directe. Il faut oser, être sûre de soi. N'exhibe aucune hésitation. Indique que parfois, tu sors le soir pour les affaires. Ne mens jamais à ton mari. » Coach Chenda.

 

Vole comme un papillon, pique comme une abeille

Intrépide dans toutes ses activités, la quarantenaire se démène chaque jour pour ses causes. Droite, gauche. Comme sur un éternel ring de boxe. Avec pour rares temps morts, sa vie de famille. Elle ne fait pas que donner des conseils pour les femmes entrepreneuses membres de Cambodia Women Business Federation. Elle cherche des lieux d'exposition, étudie les marchés correspondants, organise des networkings, recherche des formations. « Le mois dernier, sept membres de notre fédération sont parties pour une formation à Tokyo. Un consultant est venu des Etats-Unis pour les former au commerce. » Elle est déterminée, sûre de ses capacités, et a surtout une grande confiance envers ces femmes. « Avant nous étions mises de côté par rapport aux hommes. Aujourd’hui ce n'est plus le cas, nous osons parler en public, nous sommes reconnues par la société dans le monde du travail, ce n'est plus tabou », enchaîne-t-elle.

Chenda n'apprécie pas l'essence de la journée de la femme. Elle préfère l'idéaliser. Pour elle, ce jour devrait être la célébration d'une année marquée par l'égalité des sexes. La mère de famille se désaxe du féminisme et balaye sa forme perverse, de plus en plus fréquente. « Je n'aime pas les femmes qui veulent tout avoir parce qu'elles ont souffert des inégalités passées. Celles qui râlent tout le temps. Je pense qu'au niveau professionnel, chaque poste requiert des compétences particulières. Être femme ne doit pas devenir un prétexte pour obtenir un emploi. » Problème de quotas.

Toujours est-il qu'au 46ème round, Chenda continue de se battre pour ses convictions, avec passion, opiniâtreté et une bonne dose de caractère. Le but n'est pas d'envoyer des personnes au tapis, K.O, mais de trouver des solutions, faire évoluer les choses en restant actif en toute circonstance.


*En référence à Cassius Clay

Thibault Bourru
Publié le 7 mars 2018, mis à jour le 10 mars 2018

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