Un nouveau rapport de la Commission du Mékong (MRC) appelle à une action collective contre la pollution par les plastiques qui peut affecter à la fois l'écosystème et la santé humaine.
La Commission du Mékong tire la sonnette d'alarme sur le problème croissant des macroplastiques et des microplastiques, et exhorte ses quatre pays membres à mettre en place un mécanisme commun et permanent pour surveiller et nettoyer les polluants qui s'infiltrent dans le sol, l'air et les pêcheries et peuvent affecter à la fois l'écosystème et la santé humaine.
En publiant aujourd'hui son tout premier rapport sur la "pollution plastique fluviale" dans le bassin inférieur du Mékong, la MRC recommande également au Cambodge, au Laos, à la Thaïlande et au Viêt Nam d'adopter et d'appliquer de nouvelles règles et réglementations sur les déchets sauvages, les "3R" (réduire, réutiliser, recycler) et la gestion des déchets plastiques fluviaux.
En effet, les risques liés à la pollution par les plastiques sont de plus en plus urgents. Le programme de surveillance des plastiques dans les rivières (RPM) de la MRC - le premier au monde - a estimé qu'en 2020, ses quatre pays avaient produit environ huit millions de tonnes de déchets plastiques. Par exemple, quelque 70 à 90 % des déchets solides retrouvés dans les ports et sur les quais, ont été identifiés comme étant des bouteilles en plastique, des sacs en plastique et du polystyrène.
"Alors que notre région connaît un développement économique et une urbanisation rapides, le plastique a trouvé une grande variété d'applications, en raison de son coût relativement faible, de sa légèreté, de sa durabilité, de son omniprésence et de sa malléabilité", déclare le Dr Anoulak Kittikhoun, directeur général du secrétariat du MRC.
Pourtant, nous devons combler nos lacunes en matière de connaissances sur la pollution plastique et son flux, afin de minimiser son impact sur le Mékong et contribuer à préserver les océans.
Les experts considèrent désormais la pollution plastique comme un obstacle majeur à une "économie océanique durable", dont dépendent quelque trois milliards de personnes dans le monde. Une action collective est nécessaire, car la plupart de ces pollutions s'écoulent des quelque 1 000 fleuves du monde, directement dans les océans. Selon certaines estimations, le Mékong est l'un des principaux pollueurs plastiques des océans.
La dangerosité des micro plastiques
Moins visibles que les déchets solides, mais encore plus nocifs, les "microplastiques" sont des morceaux minuscules de plastique dégradé, de fibres synthétiques et de billes de plastique qui peuvent être facilement ingérés par les humains et les animaux. Comme l'a décrit l'éditeur universitaire Scientific American :
c'est très dangereux, car on a constaté que les microplastiques endommagent physiquement les organes. Ils peuvent nuire au système immunitaire, interrompre la croissance et la reproduction.
La question de la pollution par les plastiques a pris de l'importance pour la première fois en 2017, avec les recherches marquantes d'une équipe dirigée par l'Allemagne qui a documenté la façon dont les grandes rivières étaient la principale source de pollution des différents océans. Ces chercheurs ont établi un classement des fleuves charriant le plus de déchets, Le Mékong s 'y est classé au 10e rang.
Cela dit, en 2021, une équipe de chercheurs a nuancé ce classement : "les émissions de plastique sont réparties sur un plus grand nombre de rivières que ce que l'on pensait. Nous estimons que plus de 1000 rivières sont responsables de 80% des émissions annuelles mondiales [...], les petites rivières urbaines étant parmi les plus polluantes."
La nécessité d’une approche globale et transfrontalière
En ce qui concerne le Mékong, la MRC - en tant qu'agence intergouvernementale s'attaquant aux problèmes d'eau transfrontaliers - s'est liée au Programme des Nations unies pour l'environnement en 2019, qui était alors la seule organisation à surveiller le Mékong pour la pollution par les plastiques. Grâce au projet CounterMEASURE du PNUE, le MRC a contribué à cartographier le problème de la pollution du Mekong.
En 2020, le MRC a également commandé une étude complète sur la pollution par les plastiques, notamment au sein des poissons. Ce rapport contient ces conclusions et propositions. Comme il l'indique, les activités de cartographie menées avec le PNUE n'ont eu qu'une efficacité limitée, faute de méthodes d'enquête normalisées et d'un suivi synchronisé. Cette expérience a également renforcé la nécessité d'impliquer et de coordonner les pays membres eux-mêmes, depuis les échelons supérieurs du gouvernement jusqu'aux collecteurs de données sur le terrain.
Selon le rapport de la MRC la complexité des "débris plastiques fluviaux" nécessite "des approches globales, notamment une coopération multisectorielle et des connaissances océanographiques." La surveillance continue et la collecte de données devraient conduire à des politiques plus sages et plus efficaces qui gèrent et réduisent la pollution par les déchets plastiques, grâce à une application ciblée et à des activités de nettoyage de routine.
"Notre travail ne s'arrête pas là, car il reste encore beaucoup à faire pour protéger le bassin du Mékong", déclare le Dr Kittikhoun.
Nous nous pencherons sur d'autres campagnes de sensibilisation du public et sur la manière d'encourager les responsables gouvernementaux concernés à prendre des mesures significatives.
Source : commission du Mékong