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La version cambodgienne de Cendrillon : Con Tàm et Con Càm

cendrilloncendrillon
Thomas ferry

L’histoire de Cendrillon a été rendue célèbre en Occident grâce au dessin animé de Walt Disney. Mais la trame du film est tirée d’un conte bien plus ancien, dont les premières versions remontent jusqu’à la Rome Antique. Loin de se répandre seulement en Occident, cette histoire est parvenue jusqu’en Asie, où elle a également inspiré des contes. 

LePetitJournal.com vous présente aujourd’hui la version cambodgienne de Cendrillon, bien plus sanglante que la nôtre : L’histoire de Con Tam et de Con Cam. 

 

Un mari et sa femme avaient chacun une fille; la fille du mari s'appelait Càm, la fille de la femme s'appelait Tàm. Elles étaient de même taille et l'on ne savait qui était l'aînée, qui la cadette. Leurs parents leur donnèrent à chacune un panier tressé et les envoyèrent prendre du poisson ; celle qui en prendrait le plus serait l'aînée. Ce fut Càm qui en prit le plus.

Tàm alors s'avisa d'un stratagème. Elle dit à sa sœur d'aller cueillir une fleur de nénuphar de l'autre côté du fleuve; pendant ce temps, elle mit tous les poissons dans son panier et s'en alla. Lorsque Càm revint, elle ne trouva plus de tous ses poissons qu'un long mu*. Elle s'assit sur la place et se mit à pleurer. Un génie, ému de sa douleur, descendit du ciel et lui demanda ce qu'elle avait. Elle lui raconta comment elle avait été trompée par sa sœur. Le génie demanda si elle n'avait rien laissé et, voyant le long mu, ordonna à Càm de le garder et de le mettre dans un puits pour le nourrir. A chaque repas, elle devait lui donner à manger en l'appelant : « O mû I ô mù! Voici du riz blanc et du poisson frais ! Voici des restes de riz et de poisson, vient en manger »

Elle lui donna ainsi à manger quelque temps; mais un jour, pendant qu'elle gardait les buffles, Tàm, qui avait épié ses actions, vint au puits et appela le poisson qu'elle fit cuire. Lorsque Càm revint des champs, elle ne le retrouva plus et se mit à pleurer. Le coq lui dit : « Oh ! Donne-moi trois grains de riz, je te montrerai ses arêtes ».

Càm lui donna du riz, et le coq lui montra les arêtes que l'on avait jetées derrière la maison.

 

Càm les ramassa et pleura. Le génie lui apparut de nouveau, lui dit d'aller acheter quatre petits pots, pour y mettre ces arêtes, et de les enterrer aux quatre coins de son lit. Au bout de trois mois et dix jours, elle y trouverait tout ce qu'elle désirerait. Quand elle ouvrit les pots elle y trouva un habit, un pantalon et une paire de souliers. Elle alla les vêtir dans les champs, mais les souliers furent mouillés et elle les fit sécher. Un corbeau enleva un de ces souliers et alla le porter dans le palais du prince héritier.

 

Le prince fit proclamer qu'il prendrait pour femme celle qui pourrait chausser ce soulier.

La marâtre ne permit pas à Càm de se rendre au palais pour essayer le soulier; elle y alla d'abord avec sa fille, mais sans succès. Càm cependant se plaignait et demandait à tenter l'aventure à son tour. La marâtre mêla des haricots et du sésame, et lui dit que lorsqu'elle les aurait triés elle pourrait y aller.

Le génie envoya une troupe de pigeons pour l’aider dans cette opération ; mais la marâtre ne voulut pas encore la laisser aller, prétendant que les pigeons avaient mangé son grain Le génie fit rendre par les pigeons le grain qu'ils avaient mangé et la marâtre permit enfin à Càm de se rendre au palais Là, elle essaya le soulier qui se trouva juste à son pied, et le fils du roi la prit pour femme.

 

Un jour, on lui fit dire de venir à la maison de son père qui était malade. Le père était couché et sa femme avait mis sur le lit des oublies qu'il brisait en se retournant. La marâtre dit à Càm que ce bruit était produit par le froissement des os de son père, qu'il était accablé par la maladie et avait fantaisie tantôt d'une chose, tantôt d'une autre; pour le moment, il voulait de l'arec frais, et elle ordonna à Càm d'aller en cueillir sur l'arbre. Càm se dépouilla de ses vêtements de princesse et grimpa sur un aréquier. Mais Tâm coupa l'aréquier sur lequel elle était montée, de sorte qu'elle tomba et se tua.

Tâm revêtit les habits de Càm et alla se présenter à sa place au fils du roi, mais celui-ci ne voulait pas d'elle et regrettait toujours sa première femme.

 

Tâm avait lavé les habits de son mari et les mettait à sécher. Càm, transformée en hoành hoàch** se mit à crier: « hoành hoàch lave proprement ces habits, fais- les sécher sur une perche, ne les fais pas sécher sur une palissade pour les déchirer, les habits de mon mari ».

 

les habits sechent
Thomas Ferry

Le fils du roi dit au hoành hoàch : « Si je suis ton mari, entre dans ma manche ; si je ne suis pas ton mari, sors de ma manche. » Le hoành hoàch entra dans la manche de l’habit du fils du roi; celui-ci prit l’oiseau et le nourrit; mais un jour qu'il était absent, Tam s'en empara, le tua et le mangea. Quand le fils du roi revint, il demanda où était l’oiseau. Tam lui répondit: « Je suis enceinte, j'ai eu une envie et j’ai mangé l'oiseau. » Le fils du roi lui demanda : « Puisque tu as mangé l'oiseau, où as-tu jeté ses plumes ? » Elle lui répondit qu'elle les avait jetées derrière la palissade. Le fils du roi alla en cet endroit et vit qu'il avait poussé une pousse de bambou fraîche et forte.

Un jour, pendant que le fils du roi était à la chasse, Tàm coupa la pousse de bambou, la fit cuire et la mangea. Elle jeta l’écorce et de cette écorce naquit un thi***. Le thi porta un beau fruit. Tàm voulait le manger, mais elle ne put le cueillir.

 

Une vieille mendiante avait l'habitude de venir s'asseoir sous ce thi. Voyant ce beau fruit, elle en eut envie et dit : " O thi ! puisse-t il se faire que ce thi tombe dans la besace de la vieille ! » Le fruit tomba dans la besace de la vieille; elle le rapporta chez elle et le mit dans un pot avec du riz.

Pendant que la vieille était dehors à mendier, Càm sortit du fruit, fit cuire du riz et nettoya la maison. La vieille, étonnée de ce prodige, se cacha et la surprit. Càm alors lui raconta son histoire, et la vieille la garda comme sa fille adoptive. Vint le jour anniversaire de la mort du mari de la mendiante. Celle-ci dit à Càm : "Je ne sais comment faire pour offrir un sacrifice à ton père (adoptif), je n'ai pas d'argent. »

Càm lui dit : «  Ma mère, ne vous inquiétez pas; lorsque viendra le terme, il y aura tout ce qu'il faudra. » Pendant la nuit, elle éleva un autel en plein air et adressa ses vœux au génie qui l'avait protégée antérieurement. Celui-ci lui donna immédiatement tout ce qu'elle désirait.

 

Après l’offrande, Càm dit à la vieille d'aller inviter le fils du roi à venir prendre part à son festin. Le fils du roi se moqua de la vieille mendiante, lui demandant ce qu'elle avait de beau pour venir ainsi l'inviter. « Si vous voulez que je vienne, lui dit-il, tapissez-moi tout le chemin de soie brodée, couvrez la porte d'ornements d'or. » La vieille alla rapporter à Càm ce que lui avait dit le fils du roi. Celle-ci répondit: « Peu importe, invitez-le à venir. Il sera fait comme il a dit. »

Elle adressa ses vœux au génie qui tapissa le chemin de soie, couvrit la porte d'ornements d'or.

 

Quand le fils du roi arriva dans la maison de la vieille, il vit une boîte qui contenait des chiques de bétel parfaitement confectionnées. Il demanda à la vieille qui les avait faites. Celle-ci entra dans l'appartement intérieur et demanda à Càm ce qu'il fallait répondre. Càm répondit qu'elle avait fait les chiques elle-même. Le fils du roi ordonna alors à la vieille d'en faire une pour voir. Càm se transforma en mouche et se mit à voler autour de la vieille pour l'aider à faire la chique. Le fils du roi voyant cette mouche reconnut que c'était elle qui donnait cette faculté à la vieille, il la chassa donc d’un coup d'éventail et la vieille se trouva incapable d'aller plus avant.

Le fils du roi posa de nouvelles questions à la vieille, et celle-ci, effrayée, avoua la vérité et dit que c'était sa fille qui avait fait les chiques. Le fils du roi lui ordonna de faire venir sa fille et en elle il reconnut aussitôt la femme qu'il avait perdue.

Càm lui raconta toutes ses aventures et le fils du roi ordonna à la vieille de la ramener chez lui. Lorsque Tàm vit revenir sa sœur, elle feignit une grande joie, « Où avez-vous été depuis si longtemps, lui demanda-t-elle? Comment faites-vous pour être si jolie? Dites-le-moi que je fasse comme vous. »

 — Si vous voulez être aussi jolie que moi, lui répondit Càm, faites bouillir de l’eau et jetez- vous dedans ». Tàm la crut, elle se jeta dans de l’eau bouillante et mourut. Càm fit saler sa chair et l'envoya à sa mère.

Celle-ci crut que c'était du porc et se mit à en manger. Un corbeau perché sur un arbre cria: « Le corbeau vorace mange la chair de son enfant et fait craquer ses ossements. » La mère de Tàm entendant ce corbeau se mit en colère et lui dit: « C'est ma fille qui m'a envoyé de la viande, pourquoi dis-tu que je mange la chair de ma fille. »

Mais quand elle eut fini la provision, elle trouva la tête de Tàm et sut ainsi qu'elle était morte.

 

On le voit , le conte présente beaucoup de similitude avec la version occidentale. Mais en plus ... violent.

 

*Ce nom désigne  les Gobiidés, le Gobius biocellatus est le plus commun.

**Ou quach quach; c'est le nom d'un oiseau, tiré de son cri.

***C’est un fruit jaune d'une odeur pénétrante

 

 

Source : Cambodge : Contes et légendes ;  Adhémard Leclère, Léon Feer, 1895.

 

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