Des agriculteurs cambodgiens protestent contre les faibles prix du riz, réclamant un soutien gouvernemental. Le débat sur le riz OM et le riz parfumé met en lumière les défis du secteur.
Le 13 janvier, une vingtaine d'agriculteurs du district de Mong Russey, dans la province de Battambang, ont bloqué une portion de la Route Nationale 5. Leur objectif : demander au gouvernement de garantir un marché pour leur riz blanc récemment récolté. Cette variété, connue sous le nom de riz OM, est décrite par le ministère de l’Agriculture comme étant peu adaptée à l’exportation, en raison de sa faible valeur commerciale.
Face aux prix très bas proposés par les négociants, les agriculteurs souffrent de pertes financières importantes, aggravées par le poids de leurs dettes. Certains envisagent de quitter le pays pour travailler en Thaïlande, espérant y trouver une solution à leurs difficultés économiques.
Un désaccord sur les variétés de riz
Le ministère de l'Agriculture attribue ces fluctuations du marché aux agriculteurs, qui privilégient la culture du riz OM, une variété vietnamienne productive pendant la saison sèche, mais moins demandée à l'exportation. Il recommande la culture de variétés parfumées, davantage prisées par les acheteurs étrangers.
Cependant, les agriculteurs insistent pour que l'État intervienne afin de stabiliser les prix de leurs rendements actuels. Ils réclament également un soutien accru pour développer une industrie rizicole plus viable.
« Nous demandons au ministère de l'Agriculture de Battambang de nous aider à augmenter le prix du riz. Je ne veux qu’une chose : régler ma dette, s’il vous plaît, aidez-moi », a supplié un manifestant dans une vidéo diffusée en direct sur Facebook.
Des coûts en hausse et un endettement insoutenable
Les riziculteurs dénoncent également l’envolée des coûts des engrais, pesticides et carburants, qui grèvent leurs budgets. Ces charges élevées, combinées à la chute des prix du riz, les empêchent de dégager des bénéfices.
« Si le riz est bon marché, les agriculteurs ne peuvent pas survivre. Si je ne peux pas payer mes dettes, je prendrai mes enfants et j’irai travailler en Thaïlande », a déclaré un agriculteur lors d’une retransmission en direct.
Cette situation a également poussé des agriculteurs d'autres provinces à exprimer leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Ils dénoncent la dépendance au riz OM pour la saison sèche et les faibles prix proposés par les négociants.
Une crise aux multiples dimensions
Keo Vina, agricultrice dans la province voisine de Banteay Meanchey, déplore la chute des prix même pour les variétés parfumées. Selon elle, le riz Neang Khon, autrefois vendu 10 000 bahts (288 dollars) la tonne, ne se vend aujourd'hui qu'à 6 000 bahts (173 dollars).
« Avec des prix aussi bas, il est épuisant de tout gérer, entre les engrais, les pesticides et les autres dépenses », explique-t-elle. Vina envisage de recourir aux prêts de microfinance, malgré leurs taux élevés, ou d’émigrer en Thaïlande avec sa famille si la situation s’aggrave.
Les limites des solutions proposées
Le ministère de l'Agriculture a tenté de rassurer les manifestants en promettant de mieux encadrer les récoltes futures. Il appelle les agriculteurs à cultiver des variétés parfumées, offrant un marché intérieur plus stable.
Le ministre Dith Tina a toutefois souligné que la surabondance de riz OM sur le marché vietnamien maintient les prix bas, contrairement au riz cambodgien parfumé, qui conserve sa valeur.
« Le problème vient des choix des agriculteurs, motivés par le profit immédiat. Cette année, 700 000 hectares de riz de saison sèche ont été cultivés, principalement du riz OM », a-t-il déclaré.
Il a proposé des réformes à long terme, telles que la formation de communautés agricoles modernes, afin de faciliter l’accès à des prêts pour améliorer les rendements.
Un marché mondial en mutation
Selon la Fédération cambodgienne du riz (CRF), le Cambodge a exporté près de 652 000 tonnes de riz en 2023, dont 76 % de riz parfumé, générant plus de 491 millions de dollars.
Cependant, Song Saran, président de la CRF, souligne que la faiblesse des prix du riz blanc est un problème international. « Les prix ont chuté de 20 à 30 % en deux ans en raison de l’abondance des stocks », précise-t-il.
Des défis structurels
Ky Sereyvath, chercheur en économie, appelle à des réformes profondes pour réduire la dépendance aux intrants importés et renforcer la production locale. Il recommande également d’attirer des investisseurs pour recycler les surplus de riz et mieux répondre aux besoins du pays.
Le Cambodge, en quête de stabilité pour son secteur rizicole, devra relever ces défis pour garantir un avenir plus durable à ses agriculteurs.