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Au Cambodge l’association Toutes à l'école passe au vert

Depuis deux ans, l'association "Toutes à l'école", qui oeuvre pour l'éducation des jeunes filles défavorisées au Cambodge, a fait le pari de tendre vers l'autosuffisance alimentaire grâce à la création d'une ferme solidaire sur le campus de l'école Happy Chandara.

les filles de toutes à l'école les filles de toutes à l'école
photo : Dalva Dhont / Le petit Journal
Écrit par Dalva Dhont
Publié le 21 mars 2025, mis à jour le 22 mars 2025

Le campus de Happy Chandara abrite trois bâtiments principaux : l'un dédié à la maternelle, un autre pour le collège et le dernier pour le lycée. Entre ces structures, les cours regorgent d'arbres et de fleurs, oasis entre les bâtiments et outil pour s’abriter de la chaleur Khmère.

Partout, on peut voir les élèves jouer, courir et rire. En arpentant les couloirs, il n'est pas rare d'entendre les jeunes filles chanter ou réciter leurs leçons. Cette joyeuse effervescence témoigne de l'énergie qui anime ce lieu.

Une ferme pour nourrir et éduquer

Le projet de ferme a été initié en 2015, mais c'est véritablement en 2023 qu'il a pris son envol. À quelques centaines de mètres des bâtiments scolaires, de grandes serres abritent les cultures principales, tandis que plusieurs potagers ont également été aménagés au sein même du campus. Ces espaces de plantations, disséminés dans les locaux de l'école, permettent aux élèves d'être directement connectées à l'agriculture et de voir, au quotidien, le fruit de leur travail et des efforts collectifs.

Avec environ 100 élèves par niveau et le choix assumé de ne pas agrandir davantage l'école, l'association a décidé de concentrer ses efforts sur la qualité de vie des élèves et la pédagogie environnementale. L'un des piliers de cette nouvelle orientation est la recherche scientifique environnementale avec notamment la ferme, qui s'étend sur environ un hectare et emploie sept jardiniers.

Chaque jour, l'école doit fournir environ 2000 repas, dont 1500 destinés aux élèves et le reste au personnel. Autrefois, ce budget alimentaire oscillait entre 1000 et 1400 euros par jour. Pour réduire ces coûts et garantir une alimentation saine et variée, l'association a développé deux potagers en agro-écologie et des serres pour cultiver des légumes khmers traditionnels, mais aussi expérimenter des plantes venues d'ailleurs, comme les tomates espagnoles et françaises ou encore le maïs.

 

potager
photo : Dalva Dhont / Le petit Journal 

 

L’école pousse

Les résultats parlent : en décembre 2023, la ferme produisait entre 200 et 300 kilos de légumes par mois. Un an plus tard, en décembre 2024, cette production a grimpé à 2 à 3 tonnes par mois. Ce bond spectaculaire permet non seulement de réduire les coûts alimentaires, mais aussi de renforcer la qualité des repas grâce à des produits issus de l'agriculture biologique et raisonnée.

 

un homme dans une serre
photo : Dalva Dhont / le petit journal 

 

Les filles ont la main verte

Mais l'objectif de cette ferme ne se limite pas à la seule production. Elle devient un véritable outil pédagogique pour les élèves, qui bénéficient désormais d'une heure d'écologie par semaine. Ces cours, souvent pratiques, sont centrés sur l'agriculture durable, sensibilisant les jeunes filles aux enjeux environnementaux et à la lutte contre le changement climatique. Matis Brasca, à la tête de ce projet écologique, souligne l'importance de "se développer avec son temps". Il insiste sur le fait que, dans le futur, les filles seront mieux préparées à s'orienter vers des projets environnementaux, répondant ainsi aux besoins croissants d'emplois durables et essentiels pour les années à venir.

 

matis brasca
Matis Brasca.    photo : Dalva Dhont / Le petit Journal 

 

Par ailleurs, le projet implique activement les communautés locales. Les parents des élèves, souvent petits cultivateurs, sont invités à participer à des ateliers pour découvrir des techniques agricoles durables et des alternatives économiques respectueuses de l'environnement. Cette collaboration vise à renforcer les liens entre l'école et les familles tout en diffusant des pratiques écologiques au-delà du campus.

Éduquer les filles, c’est aussi sauver la planète

Comme le souligne l'association, "éduquer les filles, c’est aussi sauver la planète". En intégrant l'agriculture durable dans leur quotidien, les élèves de Happy Chandara ne se contentent pas d'apprendre, elles deviennent actrices du changement. Ce projet ambitieux prouve qu'une éducation de qualité va bien au-delà des salles de classe et qu'elle peut aussi rimer avec engagement écologique et solidarité locale. « Dans l’éducation, il faut savoir se réinventer. Nous avançons avec l’environnement, car c’est un enjeu actuel », souligne Matis Brasca. « Peut-être que l’Éducation nationale pourrait s’en inspirer. » En effet, avec un taux de réussite de 100 % à l’équivalent du baccalauréat, Toutes à l’école se félicite de son modèle pédagogique.

 

Place aux filles 

Quand on questionne Matis sur le bien fondé d'avoir une école uniquement réservée aux filles dans le Cambodge d'aujourd'hui, alors que celles ci ont depuis plusieurs années des de meilleurs résultats au baccalauréat cambodgien (58% des bacheliers 2024 sont des bachelières) celui ci nous répond que le concept dépasse les notes du bac : "dans de nombreux pays, et particulièrement au Cambodge, les filles restent les premières victimes des inégalités éducatives. Issues de milieux défavorisés, elles sont trop souvent contraintes d’abandonner leurs études pour contribuer aux revenus familiaux ou pour se plier à des mariages précoces. Happy Chandara leur offre un refuge, un espace où elles peuvent grandir, apprendre et rêver sans entraves."

L'association soutient aussi les familles  avec le  "programme boys", le samedi matin avec des activités ludiques et pédagogiques pour les garçons. 

L'objectif dépasse largement les bancs de l'école : il s'agit de briser le cercle de la pauvreté par le savoir, de bâtir une génération de femmes fortes, instruites et prêtes à façonner le monde de demain.

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