Depuis 15 ans, Fabienne Hankard consacre son énergie à changer la vie des enfants de Klang Leu, un quartier défavorisé de Sihanoukville. Vice-présidente de l’ONG franco-cambodgienne Enfants de Klang Leu (EKL), elle nous livre les espoirs et les défis de son engagement pour l’éducation au Cambodge.
Une rencontre qui change tout
Le coup de cœur pour le Cambodge et pour l’association remonte à 2010, lors d'une rencontre avec Anne et Jacques Collineau, les fondateurs d’EKL.
« Ce couple m’a ouvert les yeux sur une réalité que je ne soupçonnais pas. »
A l’époque, à Klang Leu, les familles n’avaient l’accès ni à l’électricité ni à l’eau potable. Plusieurs d’entre elle vivaient dans cahutes en tôles et en bois, entre les tas de déchets. Les enfants dormaient à même le sol, et très peu allaient pas à l’école. Le quartier ne disposait d’aucune infrastructure sanitaire. EKL accueillait alors 25 enfants de manière régulière dans une maison construite par leurs soins, faite de bois et de paille, et proposait des repas quotidiens, des soins médicaux de base, des activités ludiques et ponctuellement du soutien aux familles.
Fabienne se souvient encore des regards curieux des enfants, souvent privés de tout. « Quand j’ai rencontré les enfants pour la première fois, cela a été une révélation : la précarité abyssale dans laquelle ils vivent est inimaginable. J’ai pris conscience de l’ampleur des besoins, et je me suis promis de contribuer, à mon échelle, à apporter des solutions concrètes et durables. » Elle réorganisa alors sa vie et divisa son temps entre le Cambodge et Singapour.
En 2019, Anne Collineau lui demanda de reprendre les rênes de l’association avec Gwenaelle Delbard et Florence Massardier. Depuis Fabienne passe trois mois de l’année au Cambodge. « J’y vais six fois par an, parfois sur des périodes courtes, d'autres fois plus longues selon les priorités à gérer » explique-t-elle avec un sourire empreint de détermination.
Mais derrière cet engagement de tous les instants se cachent des défis quotidiens, parfois immenses.
L’éducation à Sihanoukville, un défi de taille aux multiples facettes
EKL est une des principales ONG qui continue à œuvrer pour l’éducation à Sihanoukville après la pandémie, qui a poussé à la fermeture de plusieurs d’entre elles. EKL encourage les parents à envoyer et maintenir leurs enfants à l’école. En contre partie à travers le Centre d’accueil basé à Klang Leu, facilite l’accès à une éducation de qualité, fournit des soins de santé essentiels et une alimentation équilibrée. EKL propose des activités artistiques, sportives, et ludiques, offre un soutien aux familles et une aide à la parentalité, pour créer un environnement stable et sain, indispensable à l'épanouissement personnel et à la réussite scolaire des enfants.
« Croire qu’il vaut mieux ne rien faire parce nous n’avons pas grand-chose est une erreur monumentale » martèle Fabienne. « Chaque petit geste compte. Nous pouvons nourrir un enfant, offrir un manuel scolaire ou simplement écouter une maman en détresse. » Pourtant, elle reconnaît que la réalité humanitaire est souvent brutale : « Tous les jours, nous devons faire le deuil de quelque chose : un projet qui échoue, une famille qui se désengage et met un enfant ou un adolescent au travail parce que les besoins immédiats de survie, comme avoir de quoi manger ou payer un loyer, passent avant l’éducation. Nous recontrons auss des difficultés à convaincre certaines familles de la nécessité d'investir dans l'éducation pour le long terme, face à l'urgence du quotidien. »
Dans ces moments difficiles, l'action de EKL prend toute son ampleur. À travers les rencontres familiales, EKL sensibilise les parents à l’importance de l’éducation à long terme. Fabienne met en lumière l’importance d’un accompagnement global, que l’équipe a mieux structuré sur les cinq dernières années :
« Soutenir une famille, c’est leur montrer qu’ils ne sont pas seuls face à leurs difficultés et qu’il existe des solutions réalistes pour préserver l’avenir de leurs enfants. Cet accompagnement peut inclure un soutien alimentaire mensuel offert par EKL, la prise en charge des frais médicaux des parents pour qu’ils puissent maintenir leur emploi, ou encore les aider à s’installer dans un logement stable ou retrouver un emploi »
Elle évoque aussi les défis systémiques qui compliquent l’accès à l’éducation et aux soins : « Les priorités établies par les gouvernements ou les choix politiques impactent directement nos bénéficiaires. Cela peut rendre l’accès aux droits fondamentaux particulièrement ardu, mais c’est dans ces contextes que notre travail est capital. »
Une équipe engagée, atout clé d’un pilotage à distance
Pour Fabienne, l’une des plus grandes forces d’EKL réside dans son équipe. « Nous avons la chance incroyable d’avoir une équipe locale engagée, fidèle et extrêmement compétente. Certains membres sont là depuis la création de l’association, ce qui témoigne de leur dévouement et de leur passion pour notre mission. En outre, EKL est aussi un lieu d'opportunité pour notre équipe, à laquelle nous permettons de développer leurs talents et d’apprendre de nouvelles expertises, qui bénéficient au Centre et à la communauté de Klang Leu ». Un des atouts majeurs de cette équipe est leur connaissance approfondie du terrain, de la culture et du contexte socio-économique de la région, ce qui enrichit considérablement leur impact.
EKL compte une dizaine de collaborateurs permanentes basés à Klang Leu, essentiellement cambodgiens mais aussi français, et malgache. Des bénévoles permanents basés en Europe et en Asie renforce l’équipe, et enfin une trentaine de volontaires de tous horizons s’y relaient annuellement. « De plus, la diversité multiculturelle et la pluridisciplinarité de notre équipe apportent une richesse d’approches et de compétences, renforçant leur capacité à répondre aux besoins complexes des bénéficiaires. Chaque membre apporte quelque chose d’unique, et cela crée une dynamique exceptionnelle. Grâce à leur travail, nous soutenons 60 enfants quasi-quotidiennement, parmi lesquels trois adolescents sont inscrits à des études supérieures et 7 ont atteint les niveaux du collège et du lycée. »
Fabienne revient souvent sur l’idée de ténacité, cette capacité à ne rien lâcher face aux difficultés. « Dans l’humanitaire, il faut une détermination sans faille. Il faut être capable de tenir bon face aux obstacles et à l’adversité ; au sein de notre équipe »,
« On ne lâche rien ! ».
Les donateurs, piliers de l’association
Pour que ces projets deviennent réalité, le rôle des donateurs est crucial. Chaque don contribue directement à améliorer la vie des enfants et des familles soutenues par EKL. Un simple repas offert ne se limite pas à apaiser une faim passagère : il garantit aux enfants l'énergie nécessaire pour apprendre et jouer. Un uniforme scolaire, au-delà de l’aspect pratique, renforce leur sentiment d'appartenance et leur dignité, les incitant à poursuivre leur scolarité. Une consultation médicale, parfois inaccessible pour des familles en grande précarité, peut prévenir des maladies graves et offrir à ces enfants une chance de grandir en bonne santé. Ces gestes simples, rendus possibles grâce aux dons, construisent jour après jour un avenir meilleur pour toute une communauté.
Malgré les défis, Fabienne reste profondément optimiste. Les sourires des enfants, leurs progrès à l’école et les familles qui retrouvent espoir sont des victoires immenses. « Tous les enfants ont le droit de rêver et d’avoir un avenir digne. Tant que des personnes soutiendront cette mission, toute l’équipe d’EKL continuera à se battre pour eux. »
Contacter les Enfants de Klang Leu – EKL : ekl@lesenfantsdeklangleu.org
Tre, +855 89 965 534