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Srin Sokmean, collectionneur solitaire des lieux du passé cambodgien

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Srin Sokmean durant une des ses excursions à la recherche du patrimoine architectural cambodgien. Photo fournie
Écrit par Marylou Cler
Publié le 7 août 2019, mis à jour le 7 août 2019

Du 10 au 12 août 2019, la galerie d’art Kbach retrace les excursions photographiques de Srin Sokmean, fondateur de Amazing Cambodia, à la découverte de sites méconnus du vieux patrimoine architectural cambodgien.

Du 10 au 12 août 2019, la galerie d’art Kbach à la Factory de Phnom Penh propose de découvrir 50 sites méconnus du patrimoine architectural cambodgien, à travers une série de photographies de Srin Sokmean. Un parcours éphémère qui retrace les excursions d’un jeune professeur d’anglais de Phnom Penh qui revêt sur son temps libre les habits d’un promeneur solitaire, collectionneur des lieux du passé. Cela fait plus de dix ans que Srin Sokmean sillonne les rues de Phnom Penh et les routes des provinces du Cambodge en quête de lieux et d’histoires méconnues du patrimoine national. A 26 ans, l’archiviste autodidacte a acquis une petite renommée sur les réseaux sociaux depuis la fondation de la page facebook Amazing Cambodia en 2012, sur laquelle il partage les trouvailles de ses explorations sur le terrain ou sur le net, auprès d’une communauté qui compte aujourd’hui plus de 64 000 personnes. Professeur d’anglais dans le district de Toul Kork à Phnom Penh et rédacteur pour le magazine Sovrin, il consacre son temps libre à une passion chronophage et autofinancée qui l’anime depuis l’enfance.

« Le résultat d’années à chercher un équilibre entre ma passion et mon devoir dans la société »

Elevé par sa grand-mère, Srin Sokmean fait le récit d’une enfance réservée et souvent confinée dans sa chambre de Phnom Penh, où il vit par procuration les aventures de Tom et Jerry, Tam Tam ou encore Mom et Mab, héros de jeunesse de l’époque qui lui inspirent ses premiers rêves de voyage. Il est marqué par les sorties au cinéma que propose la sœur de sa grand-mère, lorsqu’il découvre des classiques comme 12 Sisters de Ly Bun Yim ou Kakey réalisé par Biv Chhaileang en 1967, alors projetés au Lux Cinema qui avait réouvert en 2001. Il commence alors à se documenter sur les films, la musique et l’architecture des bâtiments qui ont fait la renommée de la capitale au tournant de l’indépendance, et qui feront l’objet d’une première exposition à la Meta House en 2013. Diplômé en 2014 après avoir suivi un double cursus en langues étrangères et en tourisme à Phnom Penh, il a commencé à travailler le mois suivant son diplôme. Ses recherches prennent vite une autre dimension lorsqu’il a les moyens de s’acheter son premier ordinateur portable, qui lui permet d’aller plus loin et de croiser les sources numériques et témoignages oraux qu’il collecte au gré de ses expéditions sur l’ensemble du pays.

 

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« Aujourd’hui, malgré l’intérêt croissant pour mes recherches et le soutien que beaucoup m’apportent dans leur coeur, je continue de travailler seul, explique-t-il. Ce n’est pas que cela me plaît mais je peine à trouver d’autres personnes dont l’implication et l’engagement soient à la mesure de cette passion : comme beaucoup de jeunes je n’ai pas toujours eu le soutien espéré de la part de ma famille, mais le soin à porter au passé repose en chacun, en tant qu’individu ». En multipliant les événements culturels grand public, il espère sensibiliser sa génération aux enjeux de conservation du patrimoine, mais aussi à la précarité du statut de chercheur au Cambodge, qu’il est contraint de vivre « comme un hobby » et financer avec ses autres emplois.

« Si je ne peux pas capturer les lieux, alors je capte leur démolition »

Pour Kbach Gallery, Srin Sokmean a suivi l’adage « one trip, one memory » (un voyage, un souvenir), entre rigueur scientifique et carnet de voyage. Il a sélectionné cinquante lieux sous-estimés ou méconnus du public, hors des sentiers battus et rebattus par le tourisme et la nouvelle mode du vintage. « Je ne pratique aucune discrimination pour les lieux, les époques ou les formes culturelles : ma seule limite est de présenter le patrimoine d’avant 1975, ce qui me permet de présenter une grande variété de monuments, allant du célèbre mouvement de la Nouvelle architecture khmère de Vann Molyvann, à l’architecture du XVIe siècle pendant la période de Longvêk ». Loin de prétendre à l’exhaustivité, il souhaite mettre en valeur des lieux pas toujours impressionnants mais qui suscitent un intérêt de par leur histoire, les paysages atypiques qui les entoure ou qu’ils détournent parfois, comme le site historique de Kampong Preah « qui se transforme en île flottante pendant la saison des pluies ». Mais également les lieux dont la destruction est plus ou moins achevée, comme le cinéma Capitol de Vann Molyvann, où le passé continue de surgir en négatif dans les coins de rue familiers.

 

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Pour l’inauguration vendredi 9 août, l’architecte et responsable de l’urbanisation de Phnom Penh Vannak Seng sera notamment invité pour parler de problématiques liées à la conservation du patrimoine au Cambodge, en complément de projections d’images d’époque, partant du principe que « les gens sont généralement plus sensibles aux images car elles parlent directement des mutations engendrées par le développement urbain ». La suite sera rythmée par des performances faisant également la part belle au patrimoine immatériel : danses populaires kuos angre (danses du pilon) par les jeunes danseurs de l’orphelinat NACOPCA fondé par le couple de comédiens Peng Phan et son mari Sou Savang (aka Fuzo), ainsi qu’une performance du conteur et comédien de théâtre Bassac, Peak Chapech. « L’un des 17 trésors nationaux vivants du Cambodge, venu de Svay Rieng pour l’occasion », précise Srin Sokmean.

L’événement payant (5 dollars) vise à soutenir ces artistes dont les occasions de se produire sont de plus en plus rares. Il permettra aussi de collecter des fonds pour soutenir la publication de ses deux livres : Phnom Penh: 50-years Then & Now et  Phnom Penh’s Former Cinema Buildings. Et d’appeler à de nouveaux projets que Srin Sokmean espère collectifs.

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Publié le 7 août 2019, mis à jour le 7 août 2019

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