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SIHANOUKVILLE - Une solution originale pour combattre la pêche illégale ?

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 23 juin 2010, mis à jour le 8 février 2018

Une communauté de pêcheurs dans les eaux autour de l'île de Koh Rung Sangleum a mis en place des patrouilles pour lutter contre le trafic du corail et des autres ressources maritimes

Deux bateaux pirates capturés par les patrouilles villageoises (Phnom Penh Post)
Les eaux peu profondes aux reflets turquoises de l'île de Koh Rung Sangleum sont tapissées de récifs coralliens et de richesses marines. Elles ont longtemps fournies aux quelques habitants de l'île ressources et gagne-pain. Au petit dock en bois du village appelé '23', les pêcheurs apportent les prises fraîches de calamars, la surface des créatures toujours vivante d'impulsions électriques colorées. A l'extérieur des cabanes du bord de mer, une petite crique est annelée de cocotiers et d'habitants occupés à placer les calamars sur des égouttoirs. Ceux-ci dépériront doucement au soleil comme une rangée de petits parachutes déployés. En dépit d'une abondance apparente, les pêcheurs de cette île en forme de fer à cheval, à 25 kilomètres du continent, peinent à se remettre d'une série de braconnages qui a provoqué des dégâts sur les écosystèmes marins et bouleversé le rythme de vie séculaire de l'île.

Une région hors-la-loi
Les habitants de l'île de Koh Rung Sangleum affirment que les lois ont toujours été peu ou pas appliquées. Depuis la chute du régime des khmers rouges, l'île vit presque complètement isolée du reste du pays, avec seulement quelques contacts sporadiques avec les autorités. En 2002, des pêcheurs thaïlandais et vietnamiens sont arrivés sur la zone et ont rapidement commencé à déclasser le commerce local de la pêche avec leurs méthodes modernes et souvent en toute illégales. Profitant du vide juridique, ils ont surexploité les ressources des îles de Kho Rung Sangleum et Kho Rong. Leur présence est devenue si courante, que les pêcheurs désignent désormais un des estuaires du nom de "Chhak Yuon" (la baie vietnamienne). Les conséquences sur les moyens de subsistance des villageois sont dévastatrices. Ainsi Van Da, un pêcheur de 49 ans, raconte ce qu'il a constaté: "Avant, en un jour, nous pouvions pêcher entre 30 et 50 kilogrammes de poissons. Aujourd'hui, nous arrivons à peine à en prendre un seul".

Des pilleurs prêts à tout
Paul Ferber, le fondateur de la Conservation Maritime du Cambodge, qui met en place des projets de conservation sur Koh Rung Sangleum, affirme que les braconniers sont imprudents dans leur recherche de richesses sous-marines. Ils n'hésitent pas, par exemple, à plonger de petits bateaux munis d'une simple ceinture de plomb artisanale et d'un petit tuyau pour leur apporter de l'air. Ainsi équipés, ils capturent hippocampes, ormeaux et autres ressources des fonds marins. La prise de plus grande valeur est le "corail fouet" ? une espèce de corail qui vaut des centaines de dollars par lot ? que les pêcheurs arrachent à la scie à métaux. Plus incroyable encore, les nouveaux arrivants utilisent également des capsules de cyanure pour endormir puis capturer les poissons vivants afin d'en obtenir un meilleur prix dans les restaurants vietnamiens.

Paul Ferber regrette que lorsqu'ils plongent jusqu'à 25 mètres, ces hommes marchent à travers les coraux, les cassant au passage et détruisant ainsi l'écosystème marin. "Le corail est un lieu où les poissons se rassemblent, se reproduisent, dorment la nuit et trouvent protection pour les plus petits. Si vous détruisez ou endommagez une chose, tout le reste en souffre". Et de rappeler que selon l'article 55 de la loi de 2001, la possession, l'achat, la vente, le transport ou le stockage de corail sont interdits tout comme toute action qui pourrait endommager le récif, les bateaux qui jettent l'ancre par exemple.

Patrouilles de villageois contre braconnage
Au début de l'année dernière, les autorités de la province de Preah Sihanouk ont autorisé le village 23 à mettre en place une zone de pêche communautaire. Ils ont également investi les pêcheurs de la mission de faire respecter les lois environnementales. Un an après, les pilleurs se font beaucoup plus rares. Lay Thai, chef de la communauté de pêche, est formel sur le succès de l'opération "Depuis que nous avons établi la communauté, le nombre de poissons et de calamars a augmenté". Il ajoute aussi que les pêcheurs du village sont maintenant capables de protéger entre 70 et 80% de la zone de pêche à travers des patrouilles régulières et la "rééducation" et parfois même l'arrestation des braconniers. Kong Rithy, le chef de la police de la commune de Kho Rong rapporte que lorsque des pêcheurs illégaux sont interceptés par une patrouille locale, les coupables sont, une première fois, mis en garde et avertis de la réglementation en vigueur. Mais s'ils sont pris une seconde fois, ils sont livrés aux autorités.

Difficultés
Avant l'établissement de patrouilles, le commerce de contrebande marine était facilitée par l'impunité des pilleurs. Certains bénéficiaient en effet de la protection de responsables pourtant sensés lutter contre le braconnage. Ainsi Kong Rithy raconte que les pêcheurs arrêtés fournissent souvent des licences écrites à la main et délivrées illégalement par les autorités cambodgiennes. Paul Ferber a aussi en mémoire un cas où des pêcheurs attrapés par une patrouille communautaire en 2009, et remis aux autorités, avaient été relâchés puis revus dans les même eaux quelques mois après. Il ajoute également que les patrouilles communautaires ne peuvent dépasser Koh Rung Sangleum et ses environs immédiats, faute de juridiction.

Participer à des patrouilles peut également se révéler dangereux puisque les pêcheurs illégaux travaillent désormais souvent de nuit. En dépit de ces difficultés, les villageois affirment que ces patrouilles leur donnent une chance de retomber sur leurs pieds. Suy Koy, 28 ans, un pêcheur du village 23  en rappelle l'importance: "Nous dépendons tous de la pêche ici. Si nous ne pouvons pas pêcher, alors nous n'aurons rien d'autre pour gagner de l'argent et nous mourrons."

Sebastian Strangio et May Titthara de notre partenaire The Phnom Penh Post
Traduit par MLT (www.lepetitjournal.com/cambodge.html) jeudi 24 juin 2010

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Publié le 23 juin 2010, mis à jour le 8 février 2018

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