Alors que le calendrier chinois va entrer dans l’année du Chien, le Cambodge est confronté aux défis imposés par l’afflux massif de capitaux chinois dans le pays depuis plusieurs années.
Le 11 janvier, le Premier ministre chinois Li Kequiang chapeautait la signature de dix-neuf accords avec le Cambodge. Parmi ces projets figurent notamment le développement d’une zone économique spéciale à Sihanoukville, la construction d’une autoroute Phnom Penh-Sihanoukville et la construction d’un nouvel aéroport à Phnom Penh. La signature de ces mémorandums, à l’occasion des 60 ans de l’établissement de relations diplomatiques entre le Cambodge et la République populaire de Chine, consacrait le statut de partenaire stratégique du géant chinois.
En 2016, la Chine représentait 30% des investissements en capitaux dans le royaume. Entre 2011 et 2015, les entreprises chinoises ont réalisé près de 5 milliards de dollars de prêts et investissements, souvent dans des projets d’infrastructures - routes, ponts, gratte-ciels et barrages hydroélectriques notamment. Durant la même période, la Chine est devenue le principal partenaire commercial du Cambodge. En 2016, le soutien chinois représentait plus d’un tiers des 732 millions de dollars d’aides bilatérales reçues par le Royaume. Les pays membres de l’OCDE ont quant à eux sensiblement réduit le montant de leur aide au développement depuis 2015.
Les excellentes relations économiques entre la Chine et le Cambodge sont aussi dues à leur proximité politique et vision commune en termes de gouvernance. Au lendemain de la dissolution du CNRP pour trahison, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères déclarait que la Chine soutenait les “efforts du gouvernement cambodgien pour sauvegarder sa sécurité nationale et sa stabilité.” En contrepartie, le Cambodge soutient la Chine au sein de l’ASEAN à propos des conflits territoriaux en mer de Chine méridionale.
Les investissements chinois ont toutefois fait naître des tensions entre Chinois et Cambodgiens. La pratique chinoise d’importer sa propre main d’oeuvre pour opérer ses investissements au Cambodge est à l’origine d’interrogations sur les gains que représentent l’arrivée de capitaux chinois en terme de créations d’emplois dans le Royaume. Une des manifestations les plus concrètes de l’afflux de capitaux chinois a eu lieu dans la ville côtière de Sihanoukville, où de nombreux hôtels et casinos ont été récemment construits à l’attention de la classe moyenne émergente chinoise - la Chine a récemment supplanté le Vietnam en tant que premier pays d’origine de visiteurs étrangers.
Fin janvier, le gouverneur de la province de Preah Sihanouk a notamment fait état d’injustices économiques subies par les entrepreneurs cambodgiens - expulsions, explosion des prix fonciers - et d’une augmentation de la criminalité liée au blanchiment d’argent, à des trafics humains et à l’ouverture de casinos illégaux. En réponse, le gouvernement cambodgien a créé une task force interministérielle, et l’ambassade chinoise a admis qu’une minorité de ses ressortissants s’étaient rendus coupables d’agissements criminels, tout en demandant aux autorités cambodgiennes d’appliquer plus strictement la loi.