Le bureau de haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a publié jeudi 18 juillet un rapport qui dénombre 73 affaires de « justice populaire » au Cambodge, un phénomène qui se traduit par le passage à tabac ou la mise à mort par une foule de personnes suspectées d'avoir commis un crime.
En juillet 2017 à Phnom Penh, un garçon de 15 ans marchait près de maisons habitées par des ouvriers. Une personne l’accusa de porter un t-shirt similaire à un vêtement récemment volé dans le quartier. On lui attacha les mains dans le dos puis il fut battu et roué de coups de pieds. A genoux, ses larmes se mélangeant avec le sang qui coulait de son crâne, il demandait pardon. Il tenta alors de fuir et tomba dans un étang qui servait de décharge. Les personnes présentes le regardèrent se noyer, sans tenter de le sauver. Plusieurs personnes furent entendues par un procureur, mais personne ne fut arrêté.
La « justice populaire », un phénomène qui se traduit par le passage à tabac ou le meurtre de personnes suspectées d’avoir commis des crimes, prospère en raison de préjugés, de tensions et de frustrations accumulées. Le bureau du haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme au Cambodge (OHCHR) a publié jeudi 18 juillet un rapport sur ce phénomène, intitulé « Tribunal du peuple : prévenir et répondre à la “justice populaire” ».
Les affaires de justice populaire, parfois qualifiables de lynchages, ont parfois lieu lors de la réaction soudaine d’une foule après un incident, mais concernent également des meurtres prémédités de personnes souvent accusées de sorcellerie, qui deviennent alors les boucs émissaires des multiples problèmes qui peuvent survenir dans les communautés rurales. Les responsables de ces violences considèrent systématiquement qu’ils agissent de façon juste et que le reste de la population approuve leurs actions.
Entre 2010 et 2018, l’OHCHR a compté 73 affaires de « justice populaire ». Dans 57 cas, des personnes ont été tuées après avoir été accusées de vols, de comportements sociaux et d’autres crimes, notamment des accidents de la route (22 morts) et des actes de sorcellerie (35 morts). Dans les 16 cas restants, des personnes ont été blessées ou harcelées.
D’après le rapport, ces cas de « justice populaire », parfois qualifiables de lynchages, sont en grande partie basés sur le manque de confiance dans le système judiciaire cambodgien et la perception de la corruption des autorités policières et judiciaires. L’OHCHR mentionne en outre les attitudes discriminatoires dans la société, la pauvreté, et le manque d’éducation parmi les facteurs qui expliquent ces affaires
Bien que le rapport de l’OHCHR pointe une diminution du nombre d’affaires de « justice populaire », il souligne aussi que dans de nombreux cas, les autorités judiciaires ne traduisent pas en justice les responsables de ces violences, ce qui alimente le cercle vicieux de l’impunité. Les auteurs du rapport appellent notamment le gouvernement cambodgien à condamner systématiquement ces pratiques, s’assurer qu’elles fassent l’objet de poursuites et conduire une étude sur la pratique des paiements informels dans le système judiciaire.