Le Petit Journal a rencontré FONKi, grapheur Montréalais, né en France et d'origine khmère, auteur de nombreuses fresques et murales semées un peu partout au Cambodge et dans le monde. Il revient sur son parcours et partage avec nous ses projets à venir.
Quand on le questionne sur ses origines multiculturelles, FONKi répond : « Je prends le meilleur des trois ». Et c'est en effet ce qui fait la richesse et la force du tagueur comme en témoigne son travail, entre art ancestral et contemporain ; entre hommage, partage et transmission. « J'ai consciemment commencé à grapher à 15 ans, c'est un ami qui m'a initié à la culture du tag. J'ai toujours gribouillé un peu partout, dès l'âge de 3-4 ans; le plancher de mes parents s'en souvient », raconte FONKi. « J'ai beaucoup appris par moi-même et c'est en 2012 que j'ai vraiment choisi d'en vivre après être revenu au Cambodge pour tourner The Roots Remain ».
The Roots Remain (Retour aux sources) est un documentaire réalisé par Jean-Sébastien Franc?ur et Andrew Marchand-Boddy, primé aux RIDM (Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal. On découvre FONKi qui se rend sur les terres de sa famille, 37 ans après le génocide Khmers Rouge. Bien plus qu'un hommage, ce « pèlerinage » a permis à l'artiste de découvrir et forger sa véritable identité artistique ; un mélange d'influence entre passé et présent, teinté d'art khmer, art millénaire. Il utilise dans son travail, le Kbach, style ornemental présent sur les temples d'Angkor et notamment pour une de ses fresques murales à Phnom Penh, réalisée en 2012, qui avait aussitôt été recouverte par les autorités. « Au fil des années, on a réussi à démocratiser cet art. Au Cambodge, il y a un côté conservateur mais les gens sont aussi très ouverts. Certaines murales restent, d'autres disparaissent, se font effacer?mais ce n'est pas grave car le graffiti est éphémère», explique FONKi.
Divers contrats pour des privés, pour de grosses corporations, des festivals ainsi que ses projets personnels ont contribué à parsemer le pays de ses ?uvres. Parmi celles-ci, une murale à l'UNESCO, une toile pour Wildlife Alliance (protection des forêts et animaux), une à l'Université de Puthisastra, une encore à côté du Musée National dans la rue des tableaux et dans d'autres villes comme Kampot ou Siem Reap. « Quand je voyage et visite un endroit, j'aime laisser une trace. Il faudrait vraiment que je fasse une map un jour », dit FONKi.
Une de ses murales les plus récentes représente le visage d'une femme, une cambodgienne, qu'il a peinte sur l'ancienne demeure du roi Sisowath à Kampot. FONKi ne l'a pas choisi par hasard, il nous raconte cette anecdote : « Une dame, habillée humblement, accompagnée de ses petites filles, voulait assister à un spectacle de danse. Un garde lui a refusé l'entrée dû à la présence d'un personnage officiel dans la salle. Mon père, passionné de photographie, est intervenu en disant que cette dame était avec lui pour ainsi lui donner l'opportunité d'assister au spectacle ». C'est tout le concept développé par FONKi, rencontrer des Cambodgiens, créer un lien, une connexion humaine avec eux, récolter leur histoire et les peindre d'après des photos, principalement prises par son père. « Je trouvais intéressant de juxtaposer le temps à l'histoire de cette dame, c'est ça que je recherche quand je fais des portraits », dit-il.
Le projet qui s'en suit est FONKi World, une websérie, réalisée par Thomas Szacka-Marier et distribuée par La Fabrique Culturelle, à la fois complémentaire et complètement différente de The Roots Remain. « Le documentaire était un hommage, pour la série je m'intéresse aux vivants », explique FONKi. Au fil des épisodes, on accompagne le tagueur à travers le Cambodge, au Vietnam et à Montréal pour une complète immersion dans un street art plein de sourires, d'échanges, de partages et de bombes de peinture. Le dernier projet lancé par l'artiste est celui de Father, Son and Motherland, à la symbolique très forte, pour lequel il peint des portraits de son père sur d'anciennes maisons coloniales.
Pouvoir faire une exposition à partir de toutes ses différentes ?uvres serait une consécration de plus pour l'artiste. « Ce qui serait bien d'avoir au Cambodge, c'est un musée d'art contemporain ! La nouvelle génération a beaucoup de choses à dire et les transmette en peinture », dit le grapheur qui nous annonce par la même occasion l'ouverture prochaine de l'Urban Art Gallery. Une affaire à suivre?
Le travail de FONKi a aujourd'hui une portée internationale et continue de révolutionner la scène culturelle et artistique, célébrant ses origines et les Cambodgiens en semant leur visage.
Quelques ?uvres de FONKi (si vous ne pouvez pas visionner la vidéo, cliquez ici).
Leïla Pelletier (www.lepetitjournal.com/cambodge) vendredi 10 février 2017









































