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ARTS TRADITIONNELS - Cambodian Living Arts fête ses 15 ans mais ne prend pas une ride !

Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 26 janvier 2014, mis à jour le 28 janvier 2014

 

À l'occasion de l'anniversaire de la création de Cambodian Living Arts (CLA), Le Petit Journal a rencontré Arn Chorn-Pond, fondateur de l'association, et Phl?un Prim, le Directeur Général.

Revenons un instant sur l'histoire d'Arn Chorn-Pond, qui mérite bien un petit détour biographique : enrôlé très tôt par les soldats sous le régime des Khmers Rouges, il a dû, alors même qu'il avait tout juste une dizaine d'années, jouer du Khim (instrument à cordes) dans les camps pour couvrir les hurlements des victimes lors des exécutions. Pour survivre, on l'a contraint à regarder la mort en face, sans ciller: la moindre démonstration de compassion, d'empathie, de souffrance, et les Khmers Rouges tuaient, impitoyables, balle à la tête. L'émotion, avoir du c?ur tout simplement, être humain enfin, cela était marque de faiblesse : il fallait tuer et se taire. Faire de la mort un métier comme un autre, banal et méthodique. Jouer de la musique de propagande lui a permis d'en réchapper.

« La musique m'a sauvé, je lui dois ma vie » : c'est sur ce constat qu'Arn Chorn-Pond fonde Cambodian Living Arts. A l'origine, l'ambition de l'association, dénommée en 1998 « The Cambodian Master Performers Program » est de retrouver les « maîtres », c'est-à-dire les dépositaires d'un savoir-faire unique et de toute la tradition orale et artistique du Cambodge soigneusement décimés par les Khmers Rouges. Avant le régime des Khmers Rouges, art, danse, théâtre, cinéma courent et prospèrent de village en village : les arts vivants coulent et brûlent dans le sang et l'âme de tout Cambodgien.

Tout comme les intellectuels ou les religieux, en tant que voix particulières, expressions personnelles, les maîtres représentent une menace et figurent parmi les cibles de choix lors du génocide. CLA s'est efforcé de retrouver les 10% des maîtres ayant survécu afin que le temps n'efface pas tout et qu'ils puissent être enregistrés en studio, enseigner à nouveau et transmettre aux plus jeunes l'art qu'ils maîtrisent. Ainsi, CLA a soutenu et salarié 16 maîtres. Cela répond à une urgence : reconstituer des archives, reconstruire ce qui a été savamment déconstruit, assurer la sauvegarde d'une identité culturelle en danger, et d'autant plus en péril que l'essentiel de la transmission de l'art au Cambodge est de forme orale.

Phl?un et Arn croient en la puissance communicative des arts pour « guérir » du traumatisme. Pour Arn Chorn-Pond, communiquer a été salutaire : adopté par un révérend américain, il tait son histoire, gardant en souvenir les obligations en tant que soldat de réprimer la moindre émotion, quand pour la première fois à l'Eglise St John The Divine aux Etats-Unis, il met à nu son âme en racontant son enfance. Il se confie et pleure enfin, car il découvre qu'il en a le droit : le droit de laisser libre cours à sa tristesse.

Arn et Phl?un insistent sur l'aide que représente l'art pour surmonter une histoire sanguinaire qui, aussi marquante soit-elle, n'est pas le seul miroir de l'identité du Cambodge. Le Cambodge, c'est aussi des rituels, des temples somptueux, le respect des maîtres, la famille, des pratiques et coutumes qui accompagnent toute la vie d'un Cambodgien. Il faut, selon eux, que les jeunes générations sachent d'où elles viennent pour savoir où elles vont : le devoir de mémoire est crucial, et cependant il n'interdit pas que les jeunes artistes cherchent ensuite leur propre voie, quitte à moderniser des formes d'arts anciennes pour les rendre plus faciles d'accès auprès des contemporains. Ainsi, CLA encourage le dynamisme, l'enthousiasme et la créativité, et adresse un message optimiste tourné vers l'avenir. Une fois les arts traditionnels sauvés de l'oubli, il apparaît désormais plus constructif pour l'association de soutenir les jeunes adultes débordants d'énergie et amoureux de leur pays en devenir.

C'est ainsi qu'en 2009, « The Cambodian Master Performers Program » devient le « Cambodian Living Arts ». Après les maîtres, c'est donc les jeunes générations qui concentrent intérêts et ambitions du fondateur, conscient de l'importance d'aller de l'avant, de s'exprimer pour refléter le cheminement d'une société.

Ainsi, cette année, l'association a accordé 25 bourses à de jeunes artistes prometteurs et propose des « programmes de développement de compétences » et ateliers comprenant l'enseignement du « management de l'art » afin que tous puissent devenir des professionnels de l'art et mener à bien leurs projets. Davantage qu'une aide ponctuelle et isolée, CLA s'efforce d'accompagner les artistes jusqu'à leur épanouissement complet.

La vision de CLA pour 2020 de faire des arts Cambodgiens la signature nationale et internationale du Cambodge et de transformer le pays via les arts. Cela implique de placer les arts vivants du Cambodge sur la scène internationale artistique. Plus encore que toute autre mission, CLA compte parvenir à une résonnance mondiale pour assurer le développement économique de l'association. CLA a ponctuellement reçu une aide de l'UNESCO pour la création d'une association pour les diplômés de la School of Arts à Siem Reap, en 2012 et espère, à terme, devenir une fondation pour les arts et rendre pérenne le système de soutien aux artistes. A ce titre, le grand festival  « Season of Cambodia » en avril-mai 2013, où 120 artistes cambodgiens ont joué sur 35 des scènes les plus prestigieuses de New York, témoigne du potentiel de rayonnement des arts vivants au Cambodge, et le succès remporté est de bon augure pour l'avenir.

Offrir à chaque Cambodgien le choix de l'art et donner à chacun le moyen de vivre ses espérances artistiques, tel est aujourd'hui le « plus grand rêve » d'Arn Chorn-Pond.

* Aujourd'hui, mardi 28 Janvier, à l'occasion de leur date anniversaire, Cambodian Living Arts présente à 17h la projection « Where Elephants Weep » suivi du vernissage de l'exposition : « 15 years of arts for transformation »  et d'un spectacle (#128-G9, Sothearos Blvd, Phnom Penh). 

Hélène de La Rochefoucaud - Mardi 28 janvier 2014

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Publié le 26 janvier 2014, mis à jour le 28 janvier 2014

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