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La petite histoire des droits des femmes en Argentine

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Écrit par Cécile Chênerie
Publié le 23 septembre 2020, mis à jour le 23 janvier 2024

Le 23 septembre 1947 était promulguée la loi 13.010, aussi appelée loi Evita en référence à Eva Perón, qui confère aux femmes le droit de voter et d’être élues. Retour sur ce chapitre important de l’histoire argentine célébré aujourd’hui à l’occasion du Día Nacional de los Derechos Políticos de la Mujer.

 

Le contexte historique

La loi reconnaissant le droit de vote de femmes est amendée durant les premières années du mandat de Juan Perón, fondateur du péronisme autrement appelé le Mouvement National Justicialiste, défendant une politique nationale et populaire. Juan Perón, avec à ses côtés sa femme Eva, s’était engagé dans son plan quinquennal à donner une place aux femmes dans la politique argentine. La loi fut sanctionnée le 9 septembre, alors que de très nombreuses femmes se réunissent sur la Plaza de Mayo.  Quelques jours plus tard, la loi est promulguée, comme l’annonçait Eva Perón dans un discours qui a marqué l’histoire du pays :

Recibo en este instante de manos del Gobierno de la Nación la ley que consagra nuestros derechos cívicos. Y la recibo, ante vosotras, con la certeza que lo hago en nombre y representación de todas las mujeres argentinas, sintiendo jubilosamente que me tiemblan las manos al contacto del laurel que proclama la victoria

Dès août 1951 les Argentines peuvent appliquer ce droit de vote et en profitent pleinement, avec un taux de participation de plus de 90%. À la suite de ces élections, 23 députées sont élues et 6 sénatrices. L’élection de Cristina Fernández de Kirchner illustre cette évolution de la place des femmes en politique en Argentine.

 

Une lutte pour la liberté qui n’a cessé depuis

Depuis cette date, on note plusieurs évolutions en faveur de la liberté et l’égalité des Argentines. Elles obtiennent tout d’abord avec le droit de vote un document d’identité propre, le Libreta Civica. S’en suit une loi affirmant l’égalité des droits parentaux en 1949 et la loi autorisant le divorce en 1954. Ces années sont aussi marquées par la création du parti péroniste féminin entre 1949 et 1955 tout particulièrement tourné vers la condition de la femme en Argentine et avec comme figure de proue Eva Perón.

Cependant, dès 1955 Juan Perón est écarté et lui succède un gouvernement militaire qui met en place une forte répression.  Perón fait un bref retour en 1973 mais décède un an plus tard, laissant le pouvoir entre les mains de son épouse la vice-présidente qui se fera rapidement renverser. Ces années de répression s’incarneront notamment par la dissolution du mouvement féministe qui avait vu le jour au début des années 70. Ce mouvement féministe renaîtra en 1982 et ne cessera depuis, plaçant l’Argentine comme un des pays d’Amérique latine luttant le plus activement en faveur de la condition des femmes.

En effet, la lutte des femmes a toujours été présente dans l’histoire de l’Argentine, comme en témoignent par exemple le combat des Mères de la place de Mai ou des Grand-mères de la place de Mai durant la dictature militaire. Aujourd’hui encore, les femmes continuent de faire retentir leur voix comme en témoigne l’organisation chaque année d’un weekend durant lesquels des dizaines de milliers de femmes se réunissent pour échanger leurs idées sur des thèmes économiques, sociaux et politiques qui les concernent. La 34e Rencontre Nationale des femmes a eu lieu à La Plata le 18 octobre dernier.

 

Les grands combats actuels

L’avortement est bien sûr l’un des principaux combats mené par les femmes en Argentine aujourd’hui. Munis de foulards verts, symbole du droit à l’IVG, des milliers de femmes manifestent régulièrement pour faire valoir leur droit à disposer de leurs corps et à choisir de poursuivre ou non leur grossesse. En Argentine, l’avortement n’est en effet légal qu’en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Dans ces conditions, c’est près de 400 000 avortements qui sont pratiqués illégalement, souvent dans des conditions d’hygiène précaires. En 2018, la chambre des députes avait approuvé la légalisation de l’avortement jusqu’à la 14e semaine, mais cette loi avait été rejetée quelques semaines plus tard. Les Argentines gardent espoir de voir la situation évoluer, notamment avec l’élection d’Alberto Fernández qui s’est engagé à présenter au plus vite un projet de loi en faveur du droit à l’avortement.

Le second grand combat mené par les Argentines aujourd’hui concerne les violences faites aux femmes. Entre janvier et juin dernier, ce n’est pas moins de 162 femmes qui ont été tuées, et de nombreuses autres violentées. Des chiffres qui explosent avec la quarantaine, atteignant ainsi le triste record de féminicide dans le pays avec une femme tuée toutes les 27 heures. Le pays a pris ce risque au sérieux et a tenté de mettre en place dès le début de la quarantaine plusieurs mesures pour protéger et accompagner autant que possible les femmes : les fonctionnaires dédiés aux violences sexistes restent actifs malgré le confinement et le 144, ligne dédiée aux victimes de violences sexuelles et familiales reste elle aussi ouverte. Des solutions d’assistance à distance ce sont aussi mises en place telles que des audiences par vidéo conférence, la digitalisation d’une copie certifiée de mesure de protection pour éviter aux femmes de se déplacer et la possibilité de déposer une plainte via whatsapp ou mail.

 

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