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Jean François Jund nous parle des risques sismiques en Roumanie

séisme Roumanie Vrancea 2023séisme Roumanie Vrancea 2023
Capture d'écran Google, source: U.S. Geological Survey
Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 20 février 2023, mis à jour le 20 février 2023

Le tremblement de terre hante tous les esprits depuis les séismes dévastateurs qui ont frappé la Turquie et la Syrie au début du mois et qui ont coûté la vie à plus de 40 000 personnes. Depuis le séisme meurtrier qui a eu lieu en Roumanie en 1977, les autorités ont pris très peu de mesures et Bucarest détient le triste titre de capitale européenne la plus exposée au risque de séisme, avec plus de 2200 bâtiments vulnérables. D'ailleurs, la semaine passée, deux séismes ont secoué le département de Gorj (sud-ouest de la Roumanie), une région peu habituée à ce genre d’évènements, ne faisant que des dégâts mineurs. Nous nous sommes entretenus à ce sujet avec Jean François Jund, un ancien gendarme français, installé en Roumanie depuis 2001. Cet amoureux de la Roumanie est aujourd'hui chargé de missions pour les entreprises et les institutions dans les domaines du renseignement d'affaires et de la gestion et management des risques mais aussi formateur des cadres dirigeants à la gestion de crise et à la résilience.

 

 

il faut être conscient qu’on ne sera jamais suffisamment préparé pour affronter une catastrophe, mais la sensibilisation de la population peut permettre d’avoir une meilleure résilience.

Quels seraient les zones les plus touchées de Bucarest dans le cas d'un tremblement de terre majeur?

Jean-François Jund: A Bucarest, les zones cartographiées les plus sensibles lors d’un séisme majeur se situent dans le centre-ville, principalement le quartier historique, mais aussi dans la partie nord de la ville (concentration d’immeubles anciens répertoriés et expertisés à haut risque). De plus, par effet domino, il existe un risque de catastrophe lié à la retenue d’eau Lacul Morii, qui se situe à l’ouest de la ville. Cette réserve contient 15 millions de m3 d’eau. Une fissuration accidentelle du bassin pourrait provoquer une inondation partielle de certains quartiers et de galeries de métro, Crangasi par exemple. Un autre risque, dont on a beaucoup parlé récemment, est celui lié à l’esplanade de la place Unirii. Selon les dernières informations, le plancher qui maintient la structure serait vieillissant et nécessiterait une consolidation urgente. Le potentiel risque sur cette zone serait un effet de liquéfaction !

Pensez-vous que les institutions roumaines seront bien préparées pour y faire face?

Oui et non. Oui, les autorités ont investi dans la protection civile via les services de secours qui se sont dotés du service SMS "RO-ALERT", d’équipements spécifiques de secours pour faire face à la gestion de crise et de participation à des exercices de simulation de catastrophe. De plus, la Roumanie fait partie du réseau européen RescUE (réseau d’entraide et de secours - protection civile) et différents programmes de sensibilisation de la population roumaine ont été mis en place comme "Nu Tremur la Cutremur".

Non car dans le cadre législatif sur la réglementation foncière, il reste encore beaucoup à faire: faciliter la consolidation des immeubles répertoriés à risque sismique (bulina rosie), interdire la location en régime hôtelier dans des immeubles à risque, interdire l’installation de commerces dans des immeubles à risques. Mais aussi, mettre en place un mécanisme pour la police d’assurance PAID, une assurance obligatoire normalement, mais seul 1 propriétaire sur 5 en possède une! Former des experts qui pourront intervenir après un séisme majeur pour effectuer des expertises rapides et permettre aux locataires de retourner dans leurs appartements / maisons / lieux de travail. La Roumanie est un pays où les gestes de premiers secours ne sont pas suffisamment enseignés... La liste est longue… mais il faut être conscient qu’on ne sera jamais suffisamment préparé pour affronter une catastrophe, mais la sensibilisation de la population peut permettre d’avoir une meilleure résilience.

 

Jean François Jund
Jean François Jund


Même si les situations ne sont pas comparables, à votre avis, quelles leçons la Roumanie peut-elle tirer du tremblement de terre récent qui a eu lieu en Turquie et en Syrie?

Premièrement, il faudrait une analyse par des experts roumains en géophysique sur les éventuels liens entre les mouvements sismiques en Turquie / Syrie et la zone roumaine de Vrancea. Deuxièmement, comme les autorités roumaines ont déployé rapidement des équipes de secours de la protection civile sur place via le réseau européen RescUE, ces équipes sont formées pour ce type d’intervention. La mission sur terrain en Turquie permettra d’apporter des améliorations quant aux équipements en dotation, d’acquérir de l’expérience humaine et de mieux travailler en équipe avec des secouristes d’autres pays. Le RetEx (Retour d’Expérience) de cette mission sera important pour améliorer le plan de secours de la Roumanie. Il faut noter que les équipes de secours roumaines ont emmené des chiens entrainés au sauvetage de personnes sous les décombres ! Le binôme de sauveteurs homme/chien reste vital !

 

Trouvez-vous que les Roumains sont plus conscients quant aux dangers d'un éventuel séisme? Surtout depuis le tragique bilan humain causé par le tremblement de terre de Turquie et de Syrie.

Malheureusement, les décors immobiliers de la Turquie sont identiques à ceux de la Roumanie !  Les réactions face au tremblement de terre de surface qui a eu lieu la semaine passée dans la zone de Gorj, montre bien une certaine anxiété au sein de la population. Ce stress qui entraine la panique peut se travailler uniquement par de la sensibilisation, et l'apprentissage des gestes à faire et à ne pas faire lors d’un séisme ! Côté entreprises, le PCA (Plan de Continuités d’Activités( n’est pas obligatoire sauf pour quelques secteurs économiques. Dans ce contexte, il est difficile à une entreprise de se préparer à la gestion de crise et à la résilience. Il faut également noter que, même si les plans d’actions existent par expérience, souvent ils n’ont pas été vérifiés ni testés. A noter aussi qu'il y a des sociétés qui se trouvent dans des immeubles à risques !
 

Quels conseils donneriez-vous en ce qui concerne les premiers gestes à adopter dans le cas d'un tremblement de terre?

Il faut savoir gérer son stress et garder son sang-froid. La panique peut devenir le pire ennemi ! En cas de séisme majeur, il faut au préalable connaitre et repérer les endroits les plus résistants (mur porteur). Il faut se protéger la tête, attendre la fin de la secousse, couper le gaz, ne pas fumer et ne pas téléphoner sauf en cas d’urgence ! Il faut aussi se déplacer avec beaucoup de précautions, ne pas se rendre sur le balcon, ne pas utiliser l’ascenseur et évacuer tranquillement par les escaliers ! Enfin, il faut écouter les informations via RO-ALERT et se fier uniquement aux informations vérifiées ! On retrouve toutes les informations de sécurité protection sur le site officiel roumain NuTremurlaCutremur.ro.

 

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