LePetitJournal.com de Bucarest vous raconte le récit incroyable qui a eu lieu le 27 mai 1987, à Alba Iulia, où a été mis en place l'un des projets les plus ingénieux jamais réalisés en Roumanie : un bloc de 7000 tonnes a été coupé en deux et déplacé sur 70 mètres, le tout sans évacuer ses locataires.
En 1977, démarrait le projet de «systématisation» de Bucarest et d’autres villes roumaines. Ainsi, sous les coups des bulldozers, des monuments historiques et même des quartiers entiers, furent démolis pour faire place à de nouveaux boulevards. C’était aussi le sort réservé au bloc A2, qui bloquait le boulevard Transylvania, un des plus grands boulevards de la ville d’Alba Iulia. On décida alors sa démolition et la mutation des 80 familles qui y logeaient. Mais Eugen Iordanescu, ingénieur constructeur, directeur technique de l'Institut « Proiect » de Bucarest, vint avec une idée tout à fait inédite: déplacer le bâtiment plutôt que de le détruire. On étudia la question, on fit des calculs et le verdict tomba: le déplacer coûterait bien moins cher que de le détruire. Or le dernier mot revenait à Ceausescu, qui refusa dans un premier temps, en objectant que le but serait de dégager la vue sur la Cathédrale «Caterdala Reîntregirii» située au bout du boulevard, symbole de l’unité nationale, et connue pour le couronnement du Roi Ferdinand et de la Reine Marie. On lui expliqua alors le projet, et finalement, il donna son accord.
Ainsi le bloc de 7600 tonnes et de 17 mètres de hauteurs fut coupé en deux.
A 8.35 pétantes, l’immeuble commença son voyage qui allait durer 5h et 40 minutes.
La technique consistait à introduire une plaque en béton sous la fondation, qui était consolidée en s’appuyant sur des piliers armés. Avec un système de poulies, le bâtiment dans son ensemble fut ainsi déplacé sur 70 mètres à l'aide de rails.
Le plus étonnant c’est que les locataires étaient restés tranquillement chez eux à vaquer à leurs occupations pendant l'intervention. Les journaux de l’époque parlaient de dizaines de locataires qui étaient sortis aux balcons «boire des cafés ou des bières». A l’exception des locataires habitants au rez-de-chaussée, aucune autre personne ne fut évacué et l’alimentation en eau, en électricité et en gaz ne furent même pas coupées.
Près de 6 h après l'opération, la mission était accomplie et le bd Transilvania à présent dégagé. Au loin on apercevait la silhouette de la cathédrale.
Grâce à cette technique révolutionnaire, l’ingénieur sauva plusieurs édifices importants parmi lesquels 13 églises ou monastères historiques.
Une histoire à connaître pour comprendre en quoi la protection du patrimoine doit beaucoup à l'implication d'hommes et de femmes qui parfois travaillent dans l'ombre sans perdre de vue leurs objectifs.