Francine Durieux : 30 ans au service de Casa de Copii
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Nous donnons aujourd'hui la parole à une Française d'exception, une grande bénévole engagée depuis 30 ans pour aider les enfants et les plus nécessiteux de Roumanie. Francine Durieux a créé l'association Casa de copii en 1995 et cette année elle a décidé de prendre sa retraite et de passer la main...
Grégory Rateau: Vous êtes venue en Roumanie en 1990 pour des raisons humanitaires. Quelles furent vos premières perceptions de ce pays juste après la Révolution de 89?
Francine Durieux: Je suis arrivée en novembre 1990 avec Médecins du Monde. J’ai d'abord été surprise de voir que tout était différent de la France: magasins vides, des queues aux stations services, des Dacia partout, des gens habillés de couleurs sombres….. Invitée dans des familles, j’ai ensuite été très étonnée de voir le sens de l'accueil, l’abondance des repas, ainsi que la sympathie des Roumains.
Vous avez créé en 1995 l'association Casa de copii pour venir en aide aux plus défavorisés (enfants, familles...). Pouvez-vous nous parler des actions que vous avez menées avec vos bénévoles?
Après une année passée dans les orphelinats du département de Hunedoara, je rentrais en France et je demandais à mes enfants l’autorisation de revenir en Roumanie. J'ai profité de mon séjour en France pour contacter des écoles d’éducateurs et faire quelques conférences pour sensibiliser les étudiants. Un de mes amis m’a offert un site, j’ai acheté une maison à Baia de Cris (Hunedoara). Les étudiants bénévoles sont aidés par des stagiaires ERASMUS (éducateurs, BTS aide à la personne, scouts, bénévoles, adultes …. ) vivant chez moi. Les conversations et les échanges sur la culture, l’histoire, les traditions sont animés par les étudiants, dans la journée ils vont travailler à l’orphelinat vivre le quotidien des enfants et des adolescents et l’été nous proposons des animations avec les jeunes du quartier, du soutien-scolaire avec des enfants défavorisés, des colonies découverte de la Roumanie, des visites dans un quartier Rom. Nous devions sensibiliser les familles et les inciter à mettre les plus jeunes au jardin d’enfants.
Rencontrant différentes personnes de la société j’ai pu me faire une opinion, connaître l’histoire de la Roumanie. J’ai beaucoup voyagé dans le pays, emmagasinant beaucoup de connaissances, recevant toute l’année des jeunes des quatre coins de la France. J’ai essayé au mieux de leur faire passer mon savoir puis le temps a passé, je me suis adaptée, sentie chez moi ici, en Roumanie.
Aujourd'hui, à 80 ans, vous décidez de rentrer en France. Pourquoi partir? Avez-vous le sentiment de laisser derrière vous un tout autre pays que celui que vous avez connu à votre arrivée?
Le centre de placement de Brad a fermé suite à la loi du 1er janvier 2020, les enfants devaient donc être placés dans des maisons familiales d’une capacité de maximum 12 enfants/adolescents. De plus, en septembre 2018, il n’y a plus de prêtre catholique dans la paroisse de Brad, il faut donc faire 45 km pour assister à la liturgie. J’ai fêté mes 80 ans cet été je pense que c’est le moment de rentrer à Toulouse. La Roumanie a bien changé, les maisons sont rénovées avec des couleurs claires, les routes sont asphaltées, les autoroutes commencent à sinuer dans le paysage, les téléphones portables émettent dans tout le pays... Les Roumains ont dû s'adapter rapidement aux lois européennes.
Des regrets? Des espoirs? Une rencontre qui vous aurez particulièrement marquée?
Je regrette de n’avoir pas pu être écoutée quant à mon projet de création d’écoles d’éducateurs spécialisés car l’enfant doit être accompagné, aimé, structuré, guidé, il est un acteur de la société de demain. J’ai eu la chance de rencontrer le cardinal Todéa et Monsieur Philippe Etienne (ancien ambassadeur de France) celui-ci est venu à Baia où il a pu rencontrer des jeunes et des familles défavorisées. Nous avons encore l’occasion de nous voir.
J’ai deux de mes amies qui sont décédées de la Covid, je suis très triste, je pense que tout le monde doit être conscient de la gravité de cette pandémie.
Un message à faire passer aux jeunes qui souhaiteraient éventuellement marcher dans vos pas et prolonger votre engagement?
Je crois que pour comprendre la Roumanie, il faut y rester un certain temps et avoir la possibilité de dialoguer avec beaucoup de Roumains de différents horizons. Pour des jeunes Français sans revenu, c’est compliqué de pouvoir s’investir. Je compte donc sur plus de jeunes Roumains qui feront des études d’éducateur spécialisé, de psychologue, de psychiatre, pouvant ensuite aider et accompagner des enfants/adolescents de familles défavorisées. Si j’ai pu résister pendant 30 ans, n’oublions pas l’aide morale que j’ai reçu régulièrement de l’association "Casa de Copii" Baziège (Toulouse), ils ont toujours été là, une seconde famille.