Les mariages d'amour, même aujourd'hui, sont mythiques et n'existent pour beaucoup que dans l'imagination. L'amour en Inde est souvent défini par la classe, la caste, la religion et diverses structures de pouvoir restrictives. C’est une course contre la famille, la religion, la caste, la communauté, la région et la culture. Les mariages d'amour sont mal vus par beaucoup car ils sont le signe que les jeunes s'éloignent de la religion ou de la culture ou des deux. Le plus gros problème se pose lorsque des mariages d'amour ont lieu entre différentes castes.
Selon un sondage, en 2018, 93 % des mariages en Inde avaient été arrangés
La plupart des espaces urbains indiens affirment avoir brisé les chaînes du système des castes et prétendent que l'intouchabilité d'autrefois est presque inexistante.
Les résultats d'une enquête menée en 2018 auprès de plus de 1 600 000 ménages indiquent que pour 93 % des Indiens mariés, leur mariage a été arrangé. Sur ces vastes données, seuls 3 % d'entre eux se sont mariés par amour et 2 % supplémentaires affirment avoir un « mariage amour co-arrangé », ce qui veut dire qu'ils se sont rencontrés par l'intermédiaire de leurs parents dans le but de se marier, se sont plus et ont accepté de s’unir.
La caste, un critère important dans les mariages en Inde
La caste n'est jamais ignorée lors de la recherche d'une alliance. À ce jour, elle joue toujours un rôle important dans les mariages en Inde.
Une enquête menée en 2014 sur plus de 70 000 personnes révèle que moins de 10 % des Indiens vivant en zone urbaine affirment que certains membres de leur famille se sont mariés en dehors de leur caste et presque aucun ne reconnait de mariages interconfessionnels dans leur famille.
La jeune génération d'aujourd'hui est souvent évoquée comme disposée à se marier indépendamment de la caste et de la religion et à prendre des décisions hors des structures normatives, bien qu'il en soit souvent autrement. Une autre étude, celle-ci menée en 2015 sur plus de 1 000 futures mariées inscrites sur des sites matrimoniaux, indique que toutes montrent un intérêt pour des partenaires potentiels appartenant à leur propre caste. L'étude en outre révèle qu'un futur marié dalit est le moins susceptible d'être contacté, même avec des qualifications et un salaire exceptionnels.
La jeune génération indienne peut toujours être considérée comme étant disposée à ignorer la caste et la religion tout en choisissant un partenaire par elle-même, cependant, retirer la notion de caste lors d’un mariage comme pour l'ancienne génération est toujours une tâche très redoutée.
Ainsi, tout acte de choix personnel contre ce cadre conservateur devient un acte de rébellion impulsif et est souvent synonyme de conflit. Aujourd'hui encore, beaucoup n'ont pas le droit de se lier d'amitié avec des personnes appartenant à des castes marginalisées. Dans le cas des relations amoureuses, cela peut conduire à des "crimes d'honneur".
Pendant des siècles, le mariage a été un mécanisme important par lequel le système séculaire hégémonique des castes s'est renouvelé. Les individus nés dans une caste particulière trouvent une alliance au sein de leur propre groupe, puis leurs enfants poursuivent cette tradition, la contenant ainsi dans les limites de la caste. L'ouverture aux mariages inter-religieux ou inter-castes est considérée comme synonyme d'affaiblissement des limites de la caste.
Le rôle des applications comme Bumble, Tinder ou Arike dans le mariage en Inde
Les applications comme Bumble, Tinder ou Arike jouent un rôle majeur dans la transformation des espaces matrimoniaux en Inde où les profils ne sont pas regroupés en fonction de la caste, mais en fonction d'intérêts et de goûts communs. Ces applications ne demandent pas la caste, mais en même temps ne garantissent pas nécessairement qu'une union sociale ou légale aura lieu.
Une fois que les profils sont retirés de l'application, la relation subit durement les règles établies par la communauté et se dissout souvent dans des querelles de caste et de religion.
Cela étant, on peut affirmer que les applications de rencontres comme celles-ci ne font qu'aider à connecter des individus d'horizons différents, ce qui crée l'illusion de faire tomber les barrières.
Cependant, l'urbanisation mine dans une certaine mesure la caste. Dans une grande ville, l'anonymat de son identité permet aux gens de se mêler en dehors des règles strictes liées aux castes.
L’urbanisation faciliterait les mariages inter-communautaires
Le développement des villes va très vite, d'ici 2030, 40 % des Indiens devraient vivre dans des espaces urbains.
La classe moyenne urbaine, autrefois entièrement occupée par la caste supérieure, est peu à peu infiltrée par d'autres castes inférieures et les dalits. Ce changement est également visible sur le marché matrimonial.
Une étude de 1970 mettait en avant que seulement 1,5 % environ des annonces matrimoniales dans les quotidiens nationaux étaient exclusivement destinées aux dalits et autres basses castes (OBC), ces chiffres sont passés à 10 % en 2010.
Les Other Backward Classes (OBC) ou "autres classes défavorisées" se composent principalement de castes de rang inférieur (de la varna des shudra) mais au-dessus des dalits ou intouchables : castes de cultivateurs, d'éleveurs et d'artisans. Elles représentent un peu plus de la moitié de la population indienne.
Cependant, le soi-disant mélange des castes supérieures et des castes marginalisées dans les espaces urbains a parallèlement entraîné la montée en puissance de sites matrimoniaux basés sur la caste ou la religion, comme ezhavamatrimony.com, chavaramatrimony.com, nairmatrimony.com, etc.
Mais, la recherche d'une alliance dans les villes aujourd'hui est bien différente de celle dans les villages. On peut remarquer que la classe moyenne s'appuie largement sur la technologie pour rechercher une alliance et les applications matrimoniales en ligne suppriment progressivement les filtres basés sur la caste. Ces caractéristiques et l'ambition féroce de mobilité et de développement du statut économique montrent une augmentation constante des mariages inter-castes au sein de la classe moyenne urbaine. Toutefois, les obstacles séculaires demeurent : les arrestations par la police des mœurs et les crimes d'honneur existent encore aujourd'hui.
Le “Love Jihad”, une nouvelle notion utilisée par les partis politiques contre les mariages inter-communautaires
Au-delà des familles, les partis politiques dissuadent eux aussi les mariages inter-castes et inter-religieux. La nouvelle règle interdisant le « Love Jihad » (ndlr : un terme créé par des groupes radicaux hindous qui accusent les hommes musulmans de convertir stratégiquement des femmes hindoues par le mariage dans le but d’affaiblir la communauté hindoue) adoptée par 11 États à travers l’Inde concrétise cette notion. Ces lois empêchent les filles hindoues d'épouser des hommes musulmans.
Les théories du complot comme celles-ci, avancées par les partis politiques pour servir leurs propres intérêts, ont conduit à une rupture entre les communautés hindoues et musulmanes, affectant ainsi négativement les individus mariés de ces communautés.
Face à un tel contrecoup et à des règles régressives, certaines personnes s'accrochent encore à l'idéal d'humanisme et d'humilité. Une de ces initiatives a été mise en avant par Jyotsna Siddarth, fondatrice de Project Anti-Caste Love. À travers sa fondation, elle promeut des récits uniques impliquant des relations amoureuses inter-castes / inter-religieuses. Jyotsna Siddharth écrit que :
L'éradication complète du système des castes n'est pas prévue, il reste encore une démarcation forte dans la vie politique et sociale. Mais les relations de caste ne sont pas rigides et ont également connu des changements au fil des ans. Avec le temps, les frontières fixées par la caste se sont affaiblies lorsqu'elles sont étudiées dans la sphère publique.