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En Inde, la vaccination Covid-19 devient gratuite pour tous

Un mèdecin montrant une fiole d'un vaccinUn mèdecin montrant une fiole d'un vaccin
@ flickr - US Secretary of Defense
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 9 juin 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

Lancée en fanfare mi-janvier 2021, la campagne de vaccination contre la Covid-19 n’a pas atteint les objectifs que le gouvernement indien avait fixés. Confronté à des critiques de plus en plus nombreuses sur sa gestion de l'immunisation de la population indienne, le Premier Ministre a annoncé lundi 7 juin un changement radical de stratégie en promettant une vaccination gratuite pour tous les adultes à partir du 21 juin 2021.


 

Vaccination Covid-19 en Inde : des objectifs ambitieux

Le 16 janvier 2021, le gouvernement indien inaugure la campagne de vaccination contre la Covid-19 avec l’ouverture de plusieurs centres dans les grandes villes et l’injection en quasi simultanée des premières doses. L’Inde comptant plus de 1,3 milliards d’habitants, cette campagne se veut la plus grande au monde. La gestion de la campagne est centralisée par le gouvernement national qui fournit les vaccins aux Etats, ceux-ci n'étant en charge que de la mise en place des injections.

Les objectifs sont ambitieux : vacciner 300 millions de personnes en 6 mois en commençant par le personnel de santé puis les personnes travaillant dans les services de première nécessité, ensuite les personnes de plus de 50 ans et celles souffrant de comorbidités. 

Le gouvernement indien a accrédité 2 vaccins, le Covishield, version locale du vaccin Astra Zeneca produite par la société Serum Institute of India sous transfert de technologie et le Covaxin, développé en Inde par la société Bharat Biotech avec le soutien des médecins de l’Indian Medical Research Association.


 

Une première phase plus lente que prévue

La première phase de la vaccination a été décevante : difficultés à s'enregistrer sur le portail pour obtenir un rendez-vous de vaccination, réticence à se faire vacciner avec le vaccin produit localement, désinformation sur les effets secondaires des vaccins ... Fin février, seulement 12 millions de personnes avaient reçu au moins une injection alors que le gouvernement avait prévu d'inoculer 30 millions de personnes.

Parallèlement à la campagne de vaccination locale, le gouvernement indien a pratiqué une diplomatie du vaccin en donnant et exportant de nombreuses doses dans les pays voisins. 

 

Don de vaccins aux Seychelles par le gouvernement indien
@Salifa Magnan, Seychelles News Agency

 

Afin d'accélérer le rythme de vaccination, l'accès aux vaccins a été ouvert dès le 1er mars 2021, à tous les citoyens de plus de 60 ans et ceux de plus de 45 ans souffrant de comorbidités : gratuitement dans les centres de vaccination publics ou à leurs frais dans les hôpitaux privés. Et en avril 2021, le gouvernement élargit la tranche d'âge éligible à la vaccination au plus de 45 ans.

Malgré une augmentation du nombre de personnes vaccinées, le rythme reste bien inférieur à celui des pays les plus efficaces d’autant plus que vient progressivement s’ajouter aux réticences des Indiens une pénurie de vaccins. 

 

Une pénurie de vaccins

En avril, plusieurs gouvernements locaux lancent un message d’alerte sur l’approvisionnement en vaccins trop faible par rapport à leurs besoins et demandent une gestion décentralisée de la campagne.

Le gouvernement national décide alors de déléguer aux États 50 % de l’approvisionnement en vaccins et ouvre la vaccination à tous les adultes. Cependant, celle-ci n’est pas gratuite pour la tranche d'âge 18 - 45 ans. Dans un pays où une grande partie de la population a moins de 25 ans, où les inégalités sociales sont importantes et où un petit nombre d’Etats concentre une grande partie de la richesse du pays, cette libéralisation de la campagne de vaccination surprend. Dans le dernier recensement en Inde, le groupe des 18 - 45 ans est estimé à 591 millions d’individus. Cela représente donc un besoin total d'environ 1,18 milliard de doses de vaccin, à raison de deux doses par personne.
 

Un centre de vaccination en Inde
@ Sarabjit Singh (Tribune India)

 

De plus, les deux sociétés qui fournissent le marché local ne sont pas en mesure de produire les quantités nécessaires, l’importation de vaccins devient nécessaire. Mais, les gouvernements locaux se heurtent à des refus des sociétés étrangères productrices des vaccins Covid-19 qui ne veulent négocier qu’avec le gouvernement national. 

Pour augmenter l’offre de vaccins, en avril 2021, le gouvernement national a approuvé le vaccin russe Spoutnik V qui va être importé puis produit localement.

 

Cependant, début juin 2021, la Cour Suprême indienne qualifie la stratégie du gouvernement national d’irrationelle et demande des comptes sur la campagne. "Le Centre affirme qu'il obtient des prix bas puisqu'il achète en gros. Si tel est le raisonnement, alors pourquoi les États doivent-ils acheter à un prix plus élevé ? Il doit y avoir un prix unique pour les vaccins dans toute la nation", a déclaré la Cour suprême. "Vous devez sentir le café et voir ce qui se passe dans le pays. Vous devez connaître la situation sur le terrain et modifier la politique en conséquence", a observé la Cour.

A Mumbai, le coût d’une injection pratiquée dans un centre privé varie de plus de 30 % suivant le lieu et représente souvent plus d’une journée de salaire d’un employé.


 

Retour de la vaccination gratuite et de l’approvisionnement centralisé

Confronté à des critiques de plus en plus virulentes, Narendra Modi a annoncé le 7 juin qu'à partir du 21 juin 2021, l'approvisionnement en vaccins serait effectué pour 75 % des besoins par le gouvernement national qui les redistribuer gratuitement aux Etats et pour 25 % par les opérateurs privés. De plus, la vaccination dans les centres publics devient gratuite pour tous les adultes de plus de 18 ans. Et pour pallier la disparité des prix pratiqués par les hôpitaux privés, les frais d’injection sont plafonnés à 150 roupies par dose en plus du prix fixe du vaccin.

Le gouvernement national n'a actuellement dépensé que 15 % des 350 milliards de roupies (4 milliards d’euros environ) allouées à la campagne de vaccination dans le budget du pays. De plus, selon The Economic Times of India, le gouvernement indien aurait environ 12 millions de doses déjà achetées en attente de distribution aux Etats. 


 

Fortes inégalités dans l'accès à la vaccination 

Au 8 juin 2021, seulement 12,6 % de la population indienne a reçu au moins une dose du vaccin et seulement 3,3 % est entièrement vacciné alors qu’en France, c’est 18 % de la population et aux Etats-Unis, 42,6 %. 

 

 

Ce pourcentage national ne montre cependant pas les grandes différences entre les Etats indiens dans le nombre de personnes vaccinées : 82 % de la population du Jammu et Cachemire a reçu au moins une dose mais seulement 14,45 % de celle du Tamil Nadu.

 

Une des raisons de cette inégalité d'accès à la vaccination pourrait être l’obligation de s’inscrire sur le portail Cowin avant de pouvoir se faire vacciner : "Lorsque vous avez un système qui repose sur un site web, les plus privilégiés seront avantagés", a déclaré une source du quotidien Mint. "Ce sont les classes supérieures, les urbains, les jeunes hommes".

 

 

Parmi les inégalités dans la vaccination en Inde, on peut relever la disparité entre les hommes et les femmes. Au 30 mai 2021, 871 femmes seulement avaient été vaccinées pour 1000 hommes. Cette situation contraste avec celle de pays comme les États-Unis, où la proportion de femmes vaccinées est supérieure à celle des hommes, bien qu'elles constituent une minorité dans la population américaine. Les taux de vaccination homme / femme varient considérablement d'un État à l'autre. Mais seuls trois États indiens ont vacciné une plus grande proportion de femmes adultes que d'hommes - Himachal Pradesh, Chhattisgarh et Kerala. Selon les données, les plus grands écarts entre les sexes en matière de vaccination, ajustés à la population, se situent à Jammu & Kashmir, Delhi et Odisha. L'Uttar Pradesh, le Maharashtra et le Bengale occidental ont vacciné plus d'un million d'hommes de plus que de femmes. Cet écart entre les sexes en matière de vaccination existe également dans les États du nord-est. Les raisons ne sont pas encore claires.

Certains responsables gouvernementaux ont signalé une plus grande difficulté à contacter les femmes et une plus grande hésitation à se faire vacciner chez les femmes. "Les hommes sont davantage en groupes à l'extérieur, ce qui leur permet de voir les panneaux indiquant les camps de vaccination. Ils sont également plus à l'aise pour sortir sans être accompagnés", a déclaré un haut responsable de la santé publique impliqué dans la campagne de vaccination du Tamil Nadu. "Nous avons constaté que les femmes ont beaucoup plus de craintes à l'égard des vaccins lorsque nous nous rendons dans les communautés pour leur parler", a-t-il déclaré. Pourtant, les données concrètes sur l'hésitation à se faire vacciner chez les femmes en Inde sont relativement limitées. 


 

Les obstacles pour l'accès aux vaccins comme les réticences à se faire vacciner sont encore nombreux en Inde, mais il semblerait que la seconde vague meurtrière de l'épidémie ait généré une prise de conscience d’une partie de la population de la nécessité d'être vacciné.



 

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