Le lycée français a accueilli en cette rentrée 2024/2025, un nouveau proviseur, venu de Jakarta, à plus de 8000 kilomètres de Pondichéry. Monsieur Brahim Oualli, nous fait l’honneur de déjà connaître le Petit Journal.com, ce média qui traverse la francophonie.
Brahim Oualli n'avait jamais visité l'Inde, mais le nom de Pondichéry résonnait familièrement à ses oreilles, comme c'est le cas pour toute une génération d'enseignants et d'élèves ayant vécu l'attente du célèbre "sujet du bac du lycée de Pondichéry".
Vous en souvenez-vous ?
En effet, les élèves de Pondichéry passaient les examens du baccalauréat 2 mois avant ceux de l’hexagone. Leurs vacances d’été commençaient alors le 12 mai pour se terminer le 15 juillet, comme les autres écoles indiennes de Pondichéry. Les premiers sujets du bac donnaient alors la tendance du baccalauréat de l’année.
Pour Brahim Oualli, le lycée de Pondichéry est un modèle de référence pédagogique.
Le lycée français international de Pondichéry doit se réinventer
Monsieur Le Proviseur, rappelle qu’il existe 600 établissements d’enseignement français homologués dans 139 pays. Selon la commande gouvernementale, les lycées français à l’étranger ont pour mission de former les élites du pays hôte. Le lycée de Pondichéry (de la maternelle à la terminale) a adopté récemment le titre de lycée français international. En effet, par un effet sociologique, la courbe des élèves français est décroissante.
La particularité géographique du lycée de Pondichéry, c’est qu’il n’est pas situé dans une capitale, ou proche de sièges de grandes entreprises françaises, ni d’ambassades francophones.
Les lycées français AEFE (Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger) accueillent en moyenne 40% d’élèves français et 60% d’élèves de la localité.
Autrefois les Franco-Pondichériens travaillaient en France une quinzaine d’années, puis revenaient s’installer à Pondichéry avec leur famille, et les enfants étaient scolarisés au lycée. Maintenant la plupart des jeunes français de Pondichéry font leurs études en France et y restent.
Cependant une nouvelle tendance semble s’amorcer, avec une nouvelle génération de français originaires de Pondichéry, certains anciens élèves du lycée, qui vers la quarantaine viennent s’installer avec leur famille dans l’objectif de lancer une nouvelle activité professionnelle.
“ Le groupe scolaire reçoit actuellement 420 élèves, alors qu’il peut en recevoir 600. C’est un défi à relever qui m’intéresse. L’équipe ici a déjà compris les enjeux. Il faut donc développer la communication, la pédagogie et l’orienter en direction de la population indienne. Il faut faire du marketing et de la prospection. C’est à mettre en place. C’est aussi pour cela qu’a été créé le poste de chargé de communication et de développement de l'école."
La force et la spécificité du modèle scolaire français : l’accueil des élèves de 3 à 6 ans
Les Indiens ne connaissent pas le modèle français d’écoles maternelles. En Inde les jeunes enfants sont accueillis dans des "kindergarden."
Proposer à des parents indiens de scolariser leur enfant dès la maternelle, c’est d’abord leur en dire les spécificités :
- Expliquer que les instituteurs suivent une formation et sont diplômés.
- Que le projet pédagogique consiste à préparer les enfants aux apprentissages fondamentaux notamment en développant le langage, la communication, le vivre ensemble, ainsi que des notions de citoyenneté.
Un enfant apprend plus facilement une nouvelle langue lorsqu’il a 3 ans, c’est donc dans l’intérêt de tout le monde de commencer la scolarité dès la maternelle, si le choix des parents s’oriente vers une instruction sur le modèle français.
Des parents venus rencontrer le proviseur du lycée lui disent qu’ils recherchent pour leur enfant un modèle éducatif dans lequel leur enfant est respecté en tant qu’enfant et n’est pas frappé. Ils veulent pour leur enfant une certaine liberté de penser et plus d’autonomie, notamment pour les filles. La maman d’un petit garçon disait qu’elle voulait que son fils apprenne à l’école ce qu’est une relation égalitaire entre filles et garçons.
Un objectif d’importance : faire connaître au public indien, le modèle d’éducation français
Monsieur Oualli constate que le chantier à la conquête du public indien est énorme, c’est aussi un changement de perspectives, il n’est pas dans les habitudes des équipes enseignantes de penser l’existence du lycée en termes de marketing.
La scolarité à l’école française est payante et les élèves indiens ne peuvent pas être boursiers donc ce sont les enfants des classes moyennes et supérieures qui sont sollicitées.
Les parents indiens ne connaissent pas ce modèle d’enseignement ni ses valeurs en termes d’éducation. Ils pensent que le baccalauréat français en tant que diplôme, n’a pas de valeur pour leur enfant. Pourtant, avec le baccalauréat français, on peut continuer des études supérieures en France, mais aussi en Australie ou aux États-Unis.
Par ailleurs, que dites-vous aux parents français qui hésitent entre scolariser leur enfant à l’école française ou dans une école américaine par exemple ?
Avec le baccalauréat, un étudiant français peut entrer dans le système universitaire en France. Son coût est moindre. Les études supérieures à Singapour coûtent 70.000€ par an, en Australie c’est 30.000€. Le système français est le plus raisonnable, l’étudiant sera dans son bain culturel en concurrence avec d’autres français lorsqu’il devra chercher du travail. Alors qu’ailleurs, il se retrouvera en concurrence avec des natifs, prioritaires sur lui.
Une mission de service public et un partage de valeurs
La France a une tradition universaliste, nous avons le devoir d’en faire profiter les enfants que nous recevons. Nous avons une mission de service public dans laquelle s’inscrivent des notions de valeurs humaines, de partage et de lien avec la France.
Les enfants de l’école sont pleins d’envies et d’énergies. Ils sont méritants, plein de bonne volonté et respectueux.
La chance des lycées français à l’étranger c’est d’avoir la moitié des professeurs qui sont titulaires, ils sont la colonne vertébrale de l’équipe enseignante.
Les lycées français reçoivent une homologation, nous sommes visités par une inspectrice qui vient vérifier que le programme, les progressions et l’enseignement sont conformes à la qualité et au label AEFE.
Les anciens élèves du lycée de Pondichéry : les LFIP Alumni (Association des anciens du lycée français international de Pondichéry).
Le lycée a une vraie place dans la vie des habitants de Pondichéry. On sent le poids de l’histoire.
De plus, l’attachement important des anciens élèves qui sont regroupés en deux associations très actives en France et en Inde.
Les alumni font le pont entre la France et l’Inde. Ils ont une mission de solidarité, ils accompagnent les élèves qui vont en France, les accueillent, parfois paient les cautions pour les logements, les guident. Certains d’entre eux reviennent se réinstaller à Pondichéry.
Les alumni organisent un forum des métiers le 18 et 19 janvier 2025, ils vont faire venir des chercheurs sur les thématiques de l’écologie, l’intelligence artificielle et l’ancienne ministre Muriel Penicot sera présente. Les élèves pourront profiter de toutes les conférences.
Kamel Daoud qui vient de recevoir le prix Goncourt pour son livre Houris, et qui est alumni d’une autre école française de l’étranger a déclaré :
«… j’ai vécu le français comme une langue intime, une langue secrète, le seul endroit où j’avais une île de milliardaire, c’était la langue française… »
Le lycée international français de Pondichéry, va avoir 200 ans le 26 octobre 2026. Un groupe de réflexion se met en place pour réfléchir à la façon de célébrer cet anniversaire.