L’année de service civique effectuée par Robin Lino en 2019 - 2020 via l’association Objectif France-Inde pour l’ONG Gramium a marqué un tournant pour le jeune homme qui rêvait de s’engager dans l’humanitaire mais n’avait pas sauté le pas. Aujourd’hui, il travaille dans ce secteur chez Médecins sans frontières où il met à profit les compétences acquises lors de sa participation dans la gestion de projets de développement avec OFI et lors de son année de formation à l’Iris Sup ainsi que l’expérience logistique acquise lors de sa vie professionnelle précédant le service civique.
Après ses études, Robin a commencé à travailler chez Pierre et Vacances mais il s’est vite aperçu qu’il ne s’y plaisait pas. Et c’est en se rendant à un salon de l’humanitaire à Genève fin 2018 que sa vie a pris un tournant.
“Sur le stand de Médecins du monde, on me dit : Mais tu n’as pas encore 25 ans ! Avant tout, il faut faire un service civique, c’est vraiment une super expérience pour un jeune !”
Sur ces conseils, il se renseigne et postule pour différents services civiques dans les deux pays de son choix, l’Inde et le Laos.
Benjamine Oberoi de l’association Objectif France Inde (OFI) répond vite, le courant passe, le poste convient aux critères que Robin s'était fixé.
“Il y avait à la fois le côté humanitaire / développement que je recherchais et la composante éducative qui me correspondait bien.
En septembre 2019, Robin arrive dans le sud de l’Inde et s’installe dans le village de Kanakkapillaiyur au Tamil Nadu pour travailler au sein de l’ONG Gramium soutenue par OFI.
À son retour en France, inspiré par sa mission en Inde, Robin décide de poursuivre une formation de manager de programmes internationaux à l’Iris Sup afin d’apprendre à monter un projet de A à Z. En alternance, il continue à travailler pour OFI en tant que stagiaire à Paris.
“Fort de ses deux années chez OFI et de ma formation, j’étais convaincu que je voulais travailler dans l’humanitaire.”
En 2024, Robin a fêté ses trente ans, il a intégré Médecins sans frontières et fait partie d’un pool de personnes aux compétences similaires qui sont disponibles pour partir en mission sur le terrain. Quand il est en France, il occupe des postes au siège. Il est heureux d’avoir pris ce tournant !
Nous l’avons rencontré pour échanger avec lui à propos de son service civique pour OFI en Inde, sur ses actions au sein de l’ONG Gramium et sur la période de confinement de mars 2020 à août 2020 qu’il a vécu dans le village du Tamil Nadu dans lequel il était hébergé.
lepetitjournal.com : Bonjour Robin et merci de nous avoir accordé un peu de temps pour partager votre expérience en Inde et chez OFI. Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez fait lors de votre service civique dans le Tamil Nadu ?
Robin : Bonjour, j’ai été le premier volontaire en service civique pour l’ONG GRAMIUM. Mon poste incluait une composante assistance à la réalisation de projets et une composante éducative.
Lorsque je suis arrivé dans le village, personne ne savait bien ce que j’allais faire, le directeur de GRAMIUM pensait que j’allais prendre toutes les initiatives mais moi je recherchais un peu d’encadrement. Les besoins étaient importants et il fallait définir les projets sur lesquels je pouvais travailler.
“Petit à petit, avec OFI et Gramium, nous avons réussi à définir quelques projets et j’ai participé à leur mise en place. Je me suis investi dans trois domaines, l'éducation, l'autonomisation des femmes et le développement rural intégré.”
Dans le domaine de l'éducation, j’ai contribué au développement de la structure d’accueil des enfants du village. L’ONG a créé une médiathèque et une petite bibliothèque pour le village. J’ai aussi participé à des activités ludiques et pédagogiques en langue anglaise pour les enfants. L’apprentissage de l’anglais leur permet d’aller dans une école dont les cours sont dispensés en anglais ce qui est un atout pour l’avenir.
Dans le domaine de l'émancipation des femmes, j’ai participé à la formation et au suivi des groupes d’entraide de femmes (les Self Help Group) établis dans le village et les alentours.
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Dans le domaine du développement rural, j’ai travaillé dans la formation des agriculteurs plus particulièrement sur l’irrigation avec le développement du goutte à goutte et aussi la réhabilitation d'anciens réservoirs d’eau. La région du Tamil Nadu dans laquelle j'étais subit de plus en plus de périodes de sécheresse. Avec un bénévole installé en France, nous avons créé un inventaire des réservoirs qui avaient été progressivement réhabilités par les partenaires d’OFI. Je les ai localisés, photographiés et répertoriés.
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Pouvez-vous aussi nous parler de vos actions au sein d’OFI à Paris ?
Pendant les derniers mois en Inde, j’ai décidé de postuler auprès d’ONG mais personne n’envoyait quelqu’un sur le terrain à ce moment-là. Alors, sur les conseils de Benjamine Oberoi d’OFI, je me suis inscrit à une formation à l'Iris Sup à Paris. J’ai ainsi acquis la méthode pour créer et rédiger un projet humanitaire afin de le faire financer. C’est exactement ce qui me manquait lors de mon arrivée en Inde.
En alternance, j’étais en stage chez OFI à Paris. Ce fut très enrichissant car j’ai pu mettre en application tout de suite les compétences apprises à l'école.
“Je suis en particulier très fier d’avoir pu décrocher un budget de 100 000 euros auprès du groupe Alsthom pour le financement d’un projet sur un an dans le Tamil Nadu.”
J’ai aussi participé à la rédaction du rapport annuel d’OFI.
“Ces deux années avec OFI m’ont beaucoup appris et surtout elles m’ont conforté dans l’idée que c’était dans ce domaine que je voulais travailler.”
Comment s’est passé votre vie dans un village du Tamil Nadu ?
Mon mode de vie durant cette année indienne fut très différent de ce que je connaissais.
J'étais logé dans le village de Kanakkapillaiyur et j’allais travailler dans les bureaux de l’ONG Gramium situés dans la ville d’à côté. Mais seulement jusqu’à l’instauration du confinement généré par l’épidémie de Covid.
“J'étais le seul occidental du village et les habitants m’ont très bien accueilli et intégré. J’ai fait de très belles rencontres et j’ai appris le tamoul. Je me débrouillais assez bien et j'étais capable de tenir une petite conversation ! ”
Le confinement a tout changé. La plupart des volontaires en service civique qui étaient dans la région ont décidé de rentrer en France alors que j’ai fait le choix de rester sur place et d’essayer de continuer à travailler. Avant, je pouvais de temps en temps rencontrer d’autres volontaires qui étaient dans la même région. Mais pendant le confinement, je me suis vraiment retrouvé seul.
“Au début, le confinement était très strict et même si les autres membres de l’ONG continuaient leurs actions, le directeur m’a d’abord imposé de ne pas sortir par peur pour moi. ”
J’ai finalement réussi au bout de plusieurs semaines à convaincre le directeur de me laisser sortir. Je voulais vraiment participer aux actions de l’ONG parce que je savais que les besoins étaient immenses et que si j'étais resté en Inde, c'était pour être utile. J’ai pu alors assister les autres membres de l’ONG durant les distributions de rations alimentaires et ce fut une belle expérience.
“Aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir fait le choix de rester. J’allais me promener dans le village et on m’invitait à boire des “chai” dans chaque maison.”
De retour en France, j’ai participé au lancement d’une collecte de dons sur les réseaux sociaux qui a permis à Gramium de récolter plus de 2 000 euros pour continuer ces distributions de rations alimentaires.
Qu’est-ce que le volontariat en service civique vous a apporté ?
Cette année de service civique et l’année suivante en stage chez OFI à Paris m’ont convaincu que mon désir de travailler dans l’humanitaire était réel et concret. 4 ans après, je suis déjà parti en mission pour Médecins sans frontières dans plusieurs pays, à Madagascar, au Pakistan lors des inondations de l’été 2022, en Ukraine, en Centrafrique… Ma prochaine mission est prévue en décembre en République Démocratique du Congo.
“J’ai aussi appris la patience et à être plus relax.”
De plus, et c’est peut-être le plus important, mon séjour en Inde durant cette période un peu particulière du Covid m’a donné pleine confiance dans mes capacités d’adaptation et d’acclimatation.
“Je sais aujourd’hui que je peux m’adapter dans plus ou moins n’importe quelle situation n’importe où dans le monde. Et que si cela ne va vraiment pas, je peux toujours rentrer en France.”
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite partir en service civique ?
Le volontariat en service civique dépend du gouvernement français et est ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans. Il y a des missions de toutes sortes, il faut donc en profiter !
“Sur le plan personnel et professionnel, c’est une chance inouïe pour les jeunes de découvrir autre chose et de sortir des sentiers battus.”
Même si cela peut paraître effrayant de partir dans un pays inconnu, tout le monde dispose de capacités d’adaptation qui ne demandent qu'à être développées. Et si cela devient trop difficile, à tout moment, il y a un droit de retrait, c’est-à-dire l'arrêt de la mission et le retour en France comme l’ont fait les volontaires à l'époque du Covid.
“Il vaut mieux essayer que regretter ensuite de ne pas l’avoir fait.”
La rédaction remercie Robin Lino pour le partage de son expérience et son enthousiasme et lui souhaite de continuer à travailler dans le domaine qui l’inspire.
Toutes les photos sont de Robin