Pas simple de définir la culture : on peut bien sûr s’en tirer par une pirouette, comme Françoise Sagan (eh oui !) : « La culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale » ; ou vouloir la décrire d’une approche rationnelle, comme Bronislaw Malinovski, le père du fonctionnalisme, dans son ouvrage « Une théorie scientifique de la culture » ; ou se contenter comme l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) de parler d’un système vaste se référant à un groupe social et comprenant tous les traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent ce groupe social, englobant les arts, les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances.
Ainsi, lorsque l’on parle de culture, on se réfère à la notion de groupe au sens large (culture nationale), au sens restreint (culture familiale, sportive, etc.) ou au sens individuel (érudition). Certains considèrent la culture sous son aspect érudition comme « un espace d’aliénation ou de domination » tandis que d’autres la voient comme « une forme de résistance à la domination ». Force est de constater que ces deux visions opposées sont de facettes d’une même réalité : la culture détermine en partie la vie du groupe et le groupe construit également sa culture.
Et lorsque ce groupe s’agrandit, ces liens et interactions prennent parfois la forme d’une « conscience interculturelle ». Ce qui a bien sur un impact déterminant sur la manière d’apprendre une langue. Le tourisme, l’internationalisation des échanges économiques, la disparition partielle des frontières, les technologies sollicitent des savoir-faire, savoir être et savoir-apprendre de plus en plus complexes qui nécessitent que l’apprenant d’une langue-étrangère se familiarise aussi avec la culture liée à l’idiome qu’il apprend. En effet, il s’agit pour lui de se doter de savoirs et d’aptitudes dans le cadre de compétences communicatives plus larges. Lorsqu’un individu apprend une langue, il apprend aussi la culture d’un pays.
L’essor de la coopération européenne soulève donc un paradoxe. En effet, d’un côté on peut constater un brassage des langues et des cultures grâce aux échanges sociaux et de l’autre côté, la méfiance et le rejet de l’autre persistent : dans l’esprit de beaucoup, l’inconnu met en danger les traditions et les coutumes nationales… Or, s’ouvrir sur le monde, s’ouvrir à l’autre ne remet pas en cause sa propre identité puisque le regard de l’Autre autorise à se connaître soi-même, par un jeu de miroir. Au siècle des lumières, deux auteurs mettent dans leurs œuvres ce processus de « la peur de l’autre » et critiquent ainsi l’ethnocentrisme des Européens. Dans son « Ingénu », Voltaire moque la naïveté de ceux qui vivent dans leurs certitudes sans curiosité de l’Autre : « L’abbé de St Yves […] lui demanda laquelle des 3 langues lui plaisait davantage, la Huronne l’Anglaise ou la Française – La Huronne, sans contredit, répondit l’ingénu. Est-il possible ? s’écria mademoiselle de Kerkabon ; j’avais toujours cru que le français était la plus belle de toutes les langues après le bas-breton. » Et Voltaire de s’attaquer aussi un peu plus loin dans le livre à l’éducation provinciale qui selon lui transmet des préjugés : « Ce n’était plus cette fille simple dont une éducation provinciale avait rétréci les idées ». Dans cet ouvrage, ces mêmes préjugés seront critiqués par l’ingénu lors de ses discussions avec Gordon, ou directement par le narrateur.
Dans ce même souci de démonstration, Diderot choisit lui de mettre en scène un vieillard tahitien en butte à la morale des colonisateurs français auxquels il est confronté et qui jugent son peuple sur la base de leurs pratiques. Dans son Supplément au voyage de Bougainville, paru en 1772, il décrit ce vieil homme argumentant avec Bougainville qui veut garder la possession d’une femme en lui expliquant que les colons enfreignent la « loi naturelle » qui préconise que chez ce peuple « tout est à tous ». Le sage finit par chasser l’explorateur et le renvoie dans son pays : « Va dans ta contrée t’agiter, te tourmenter tant que tu voudras ». On note dans ce passage les connotations négatives des deux verbes « s’agiter » et « se tourmenter ». Pour Diderot, l’Européen, du point de vue du Tahitien, ne sera jamais heureux car il poursuit des chimères et ne sait pas se contenter de ce qu’il possède déjà ; en accroissant ses besoins, il diminue ses possibilités d’atteindre le bonheur et vient de plus détruire celui du Tahitien.
Ainsi, on ne peut comprendre le fonctionnement d’une langue que si on se familiarise avec la culture du peuple l’utilisant. Malgré les efforts pour développer l’Europe en tant que communauté, il semble que nombre d’Européens ne sont pas prêts à intégrer ces différences de culture de chaque pays. Ce qu’analysent nombre de sociologues, de Weber ou Durkheim à Philippe Coulangeon, auteur de « Sociologie des pratiques culturelles ». Tous font un même constat : les brassages génèrent des doutes et des questions quant à autrui. Ce qui constitue un frein pour certains élèves à l’apprentissage des langues.
Le saviez-vous ?
Il existe sept conjonctions de coordination – ces mots placés pour lier deux phrases pouvant se comprendre de manière indépendante – qu’une célèbre phrase mnémotechnique aux apparences d’enquête policière, comme si on rechercher un certain Ornicar ! Ces sept conjonctions sont en effet réunies dans la phrase : « Mais ou et donc Ornicar ? » (mais, ou (sans accent), et, donc, or, ni, car)