L'actualité politique du moment tourne autour de l'adoption d'une nouvelle loi électorale, définissant le découpage des circonscriptions et le mode de scrutin qui régiront les prochaines élections législatives prévues pour le mois mai. Quelques clés pour comprendre les enjeux.
Législatives et municipales, les seules élections
Au Liban, les citoyens ne s'expriment qu'à l'occasion des élections municipales (dernier scrutin en 2016) et des élections législatives (dernier scrutin en 2009). Les conseils municipaux sont élus pour six ans. Les députés, eux, sont renouvelés tous les quatre ans mais en 2013, les élus du Parlement ont prorogé leurs mandats.
A titre de comparaison, les Français sont appelés à voter pour les élections municipales, départementales, régionales, législatives, présidentielles et européennes, auxquelles il faut ajouter les référendums.
La distorsion de Taëf
Depuis la signature de l'accord de Taëf en 1989, le Parlement compte 128 députés, équitablement répartis entre chrétiens et musulmans. Ce postulat de départ ne reflète pas la réalité de la démographie du pays.
Si aucun recensement national n'a été effectué depuis 1932, le ministère de l'Intérieur a néanmoins en sa possession la liste des Libanais inscrits sur les listes électorales, mentionnant la communauté à laquelle appartient chacun d'entre eux. En 2009, sur les 3,2 millions des électeurs inscrits, 60% d'entre eux étaient musulmans et 40% étaient chrétiens.
La loi actuelle
La loi dite de 1960, sous l'égide de laquelle les dernières législatives ont été organisées, est basée sur un scrutin majoritaire plurinominal à un tour.
Cette loi a d'abord été critiquée par les partis chrétiens, considérant que l'élection d'une grande partie des députés chrétiens dépend de l'électorat musulman. Sur les 64 sièges réservés aux chrétiens, seuls 35 sont issus de circonscriptions où la majorité claire des électeurs est chrétienne.
Les propositions sur la table
- Scrutin de liste proportionnel intégral
Proposé par le Hezbollah, cette mouture fait du territoire libanais une seule et même circonscription. Ce système est en vigueur en Israël.
- Scrutin uninominal majoritaire à un tour
Cette proposition des Kataëb découpe le Liban en 112 circonscriptions auxquelles s'ajoutent 16 autres circonscriptions tracées à Beyrouth, Tripoli et Saïda, les trois plus grandes villes du pays. A titre de comparaison, la France a adopté un système quasi-similaire, à ceci près que le scrutin se déroule en deux tours.
- Scrutin « mixte », majoritaire + proportionnel
Les grands partis examinent actuellement une mouture complexe qui allierait scrutins majoritaire et proportionnel, comparable aux législatives en Allemagne.
Ce système repose sur l'alliage de deux types de circonscriptions : les cazas (départements) et les mohafazats (régions). A titre d'exemple, le mohafazat du Mont-Liban compte 6 cazas : Jbeil, Kesrouan, Metn, Baabda, Aley, Chouf.
Les vainqueurs du scrutin sont désignés comme suit :
- Les députés issus des communautés majoritaires à l'échelle de chaque caza sont élus à la majoritaire plurinominal.
- Les députés issus des communautés minoritaires à l'échelle de chaque caza sont élus à la proportionnelle à l'échelle du mohafazat.
Alliance rouleau-compresseur
Les discussions sur une nouvelle loi électorale sont menées par le Hezbollah, le mouvement Amal, le Courant du Futur et le Courant patriotique libre (CPL) et, dans une moindre mesure, les Forces libanaises. En d'autres termes, tous les partis ayant permis l'accession de M. Aoun à la tête de l'Etat.
D'ailleurs, les partis qui dénoncent la confiscation de ce débat sont ceux qui n'ont pas voté pour le président.
Les intérêts des partis
Le Hezbollah et le Courant du Futur, solidement implantés au sein de leur communauté et sur l'ensemble du territoire, ne verraient aucun inconvénient à l'avènement de la proportionnelle.
M. Joumblatt, implanté dans son fief, serait menacé par la proportionnelle car une concurrence au sein de la communauté druze commence à émerger.
Côté chrétien, l'alliance entre le CPL et les Forces libanaises, scellé il y a plus d'un an, a l'avantage pour ces deux partis de vampiriser les voix chrétiennes et d'écarter la concurrence des Kataëb, des Marada et de certaines personnalités politiques implantées dans leurs fiefs.