Édition internationale

Michelle Hourani et “Crayonneries” : la poétesse voue une ode multilingue à l’écritur

Avec Crayonneries, son dixième recueil, Michelle Accaoui Hourani explore l’écriture sous toutes ses facettes, entre mouvement, prière et quête de soi. Ce livre singulier, rédigé en français, arabe et anglais, ne se contente pas de jouer avec les mots : il les danse, les sculpte, les trace, notamment à travers la calligraphie. Rencontre avec une poétesse libanaise qui fait de l’écriture un pont entre les langues et les cultures.

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Avec Crayonneries, son dixième recueil, Michelle Accaoui Hourani explore l’écriture sous toutes ses facettes, entre mouvement, prière et quête de soi.
Écrit par Léa Degay
Publié le 27 mars 2025, mis à jour le 8 mai 2025

Pour Michelle Accaoui Hourani, l’écriture est un acte vivant, une expression en perpétuelle métamorphose. Dans Crayonneries, son nouveau recueil, la poétesse décline ce geste à travers six poèmes, chacun abordant l’acte d’écrire sous une nouvelle métaphore : une danse, une prière, une descente dans les mines, une moisson, une traversée dans le désert et un acte d’amour. “Chaque poème est une tentative d’incarner l’écriture sous une forme sensorielle, visuelle, physique et presque spirituelle”, confie-t-elle. 

Son approche multilingue n’est pas un simple exercice de traduction. Le français est la langue avec laquelle elle s’exprime, rêve, pense et écrit. L’arabe, sa langue maternelle, est celle de son imaginaire, une langue où la poésie vibre avec une musicalité propre. L’anglais, en revanche, lui permet d’ouvrir son œuvre à un public plus large. Mais au-delà de ces trois idiomes, c’est le dialogue entre les langues qui l’intéresse : “Chaque langue apporte une sensibilité différente, une autre façon de dire le monde. Traduire, c’est recréer le souffle poétique avec une autre mélodie”, analyse Michelle. 

 

Un recueil de poésie où l’écriture dialogue avec la calligraphie

Ce n’est pas la première fois que Michelle Hourani associe sa poésie à l’art visuel. Déjà dans Le Veilleur de l’aube, elle intégrait la calligraphie arabe à ses haïkus en français. Avec Crayonneries, elle pousse cette interaction encore plus loin : “La calligraphie n’est pas un ornement, elle prolonge la métaphore poétique. Chaque tracé capture le souffle de l’écriture.” 

Mohammed Imad, l’artiste calligraphe qui l’accompagne a sélectionné un ou deux vers par poème, les inscrivant dans un geste graphique qui amplifie leur résonance. D’après Michelle, la calligraphie “ne cherche pas seulement à illustrer les mots, elle cherche aussi à leur donner un mouvement, une texture, une présence physique. La calligraphie est un geste inscrit dans le corps, dans le tracé qui capte le souffle de l'écriture.”

Le mot « crayonneries » n’existe pas dans la langue française. Michelle Hourani l’a inventé, cherchant à exprimer à la fois l’esquisse, l’hésitation et la fluidité du geste créatif : “L’écriture, c’est expérimenter, se chercher dans le mot. Crayonneries évoque à la fois la spontanéité et la profondeur du travail poétique.” 

 

Plus de 40 ans de poésie pour Michelle Hourani

Michelle Hourani écrit depuis ses 15 ans. La poésie, découverte sur les bancs de l’école, a été une révélation. Malgré les attentes familiales qui la destinaient à un tout autre avenir, elle a choisi les lettres. En 2022, après six années de travail acharné, elle soutient une thèse en poésie contemporaine sur Vénus Khoury-Ghata.

Aujourd’hui, elle partage sa passion en tant que professeure de lettres et de philosophie. Son engagement va au-delà de l’écriture : elle met en garde contre la disparition progressive de la lecture et de la réflexion dans un monde où l’instantanéité numérique prend le dessus. “Moins on lit, moins on réfléchit. Et sans réflexion, il n’y a plus de regard critique sur le monde. C’est ce que je tente chaque jour d’inculquer à mes élèves”. Malgré ce constat, elle continue de croire en la puissance de la poésie comme refuge, comme résistance et comme espace de liberté.

Avec Crayonneries, Michelle Hourani nous invite à ralentir, à contempler et à ressentir le langage autrement. Une œuvre qui, à travers trois langues et une écriture plurielle, célèbre la poésie comme un souffle universel. 

Crayonneries a été publié aux éditions Jets d’Encre