VUE DES QUARTIERS - Le böhmisches Dorf : un havre de paix entre deux grandes avenues
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Situé entre la Sonnenallee et la Karl-Marx Strasse, le böhmisches Dorf impressionne par sa tranquillité et son architecture ancienne. Autrement appelé Rixdorf, ce kiez dans le Kiez de Berlin est un ancien village germano-tchèque qui a su préservé cette âme villageoise et artisanale d'autrefois et se protéger d'une certaine gentrification qui touche d'autres quartiers de la ville.
Lorsque l'on se trouve sur les avenues bruyantes de la Karl-Marx strasse ou de la Sonnenallee, on aurait du mal à imaginer qu'au milieu se trouve un petit quartier aussi paisible et historique que le böhmisches Dorf. S'y infiltrer donne tout à coup l'impression de trouver un havre de paix, un refuge presque. Une sensation provenant très certainement de l'héritage laissé par les habitants de Bohême (Böhmen), une des régions du royaume de Bohême, rattachée à la nouvelle République Tchèque après la première Guerre Mondiale. Pour la plupart protestants, ces bohémiens ont été au 18e siècle menacés par la re-catholicisation de cette partie du royaume et invités par Friedrich Wilhelm I à venir s'installer près d'un village nommé Rixdorf. Ces réfugiés forment alors leur propre village : le böhmisches Dorf ou Böhmisch-Rixdorf voisin du Deutsch-Rixdorf. Ce n'est qu'au début du 20e siècle que ces deux communautés seront réunies avant d'être renommées et rattachées à Neukölln, en 1912.
Pour se promener dans ce quartier, il faut savoir se laisser guider par son instinct et ne pas chercher à retrouver ce quadrillage propre au Berlin d'après-guerre. Ses petites rues encore pavées, cette configuration urbanistique tordue donne une impression de désorientation que l'on oublie au fur et à mesure de la ballade tant ce Kiez est chargé en détails.
Formé autour de la Richardplatz, on peut pénétrer dans cet ancien village soit par la Karl-Marx Strasse, soit par la Sonnenallee. Si on choisit cette seconde option, il faut emprunter les petites ruelles de Wanzlikpfad qui mène à la Kirchgasse (ruelle de l'église autrefois appelé jusqu'au 19e siècole Mala Ullicka qui signifie en Tchèque petite rue), qui indiquent par leur étroitesse et les inscriptions dans un style ancien que derrière elles se cachent quelques vestiges.
Pour rejoindre ensuite la Richardplatz, le c?ur du Böhmisches Dorf, on peut soit emprunter les petites rues qui décèleront par ci par là une ancienne église, un cimetière dans lequel la plupart des habitants de ce quartier ont été enterrés ou encore des petites boutiques de livres ou spiritueux, ou passer par le petit jardin Cornenius Garten, inauguré en 1995 conjointement par le maire de Berlin, et celui de Prague, en hommage aux réfugiés bohémiens et au philosophe Tchèque Johan Amos Cornenius. A l'entrée de ces jardins, sa statue veille sur la paisibilité du village et semble nous indiquer le chemin vers la Richardplatz.
Sur cette place centrale du böhmisches Dorf, restaurants de différentes cuisines, petits cafés et aires de jeux ont élu domicile autour de l'ancienne forge encore activité aujourd'hui accueillant également le "Frauentreffpunkt" (rendez-vous des femmes). La curiosité pousse à entrer dans la petite cour où vous aurez peut-être la chance de rencontrer Tillmann, arrivé depuis quelques semaines à Berlin pour y reprendre son activité d'artiste-forgeron.
Sur ces bonnes paroles, je quitte le forgeron pour m'enfoncer plus loin sur la place au bout de laquelle se trouve la "petite" Karl-Marx Strasse, une perpendiculaire à la grande et bruyante Karl-Marx Strasse. Retourner dans le monde de la civilisation me donne presque envie de faire demi-tour tant la tranquillité des lieux apaise mais la vision au loin d'un petit marché sur la Karl-Marx Platz me pousse à aller jusqu'au bout de cette rue.
Il existe d'ailleurs une ancienne expression allemande "Das ist mir ein böhmisches Dorf" qui signifie "cela m'est totalement inconnu", on comprend désormais mieux pourquoi !
Anaïs Gontier (lepetitjournal.com/Berlin) vendredi 19 avril 2013
