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VUE DES QUARTIERS - Le böhmisches Dorf : un havre de paix entre deux grandes avenues

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 18 avril 2013, mis à jour le 18 décembre 2014

Situé entre la Sonnenallee et la Karl-Marx Strasse, le böhmisches Dorf impressionne par sa tranquillité et son architecture ancienne. Autrement appelé Rixdorf, ce kiez dans le Kiez de Berlin est un ancien village germano-tchèque qui a su préservé cette âme villageoise et artisanale d'autrefois et se protéger d'une certaine gentrification qui touche d'autres quartiers de la ville.

Lorsque l'on se trouve sur les avenues bruyantes de la Karl-Marx strasse ou de la Sonnenallee, on aurait du mal à imaginer qu'au milieu se trouve un petit quartier aussi paisible et historique que le böhmisches Dorf. S'y infiltrer donne tout à coup l'impression de trouver un havre de paix, un refuge presque. Une sensation provenant très certainement de l'héritage laissé par les habitants de Bohême (Böhmen), une des régions du royaume de Bohême, rattachée à la nouvelle République Tchèque après la première Guerre Mondiale. Pour la plupart protestants, ces bohémiens ont été au 18e siècle menacés par la re-catholicisation de cette partie du royaume et invités par Friedrich Wilhelm I à venir s'installer près d'un village nommé Rixdorf. Ces réfugiés forment alors leur propre village : le böhmisches Dorf ou Böhmisch-Rixdorf voisin du Deutsch-Rixdorf. Ce n'est qu'au début du 20e siècle que ces deux communautés seront réunies avant d'être renommées et rattachées à Neukölln, en 1912.  

Se perdre dans les rues de Rixdorf
Pour se promener dans ce quartier, il faut savoir se laisser guider par son instinct et ne pas chercher à retrouver ce quadrillage propre au Berlin d'après-guerre. Ses petites rues encore pavées, cette configuration urbanistique tordue donne une impression de désorientation que l'on oublie au fur et à mesure de la ballade tant ce Kiez est chargé en détails.
Formé autour de la Richardplatz, on peut pénétrer dans cet ancien village soit par la Karl-Marx Strasse, soit par la Sonnenallee. Si on choisit cette seconde option, il faut emprunter les petites ruelles de Wanzlikpfad qui mène à la Kirchgasse (ruelle de l'église autrefois appelé jusqu'au 19e siècole Mala Ullicka qui signifie en Tchèque petite rue), qui indiquent par leur étroitesse et les inscriptions dans un style ancien que derrière elles se cachent quelques vestiges.

Au bout de ce petit chemin, on se fait accueillir par un certain Friedrich Wilhelm I, dont la statue a été érigée par les bohémiens en remerciement à son hospitalité. C'est à cet endroit que l'ancienne école, après quelques péripéties, a été transformé en un petit musée ouvrant tous les jeudis après-midi ainsi que les premiers et troisièmes dimanche, ses portes aux touristes curieux de découvrir l'histoire du böhmisches Dorf. Tout en poursuivant cette promenade, un détail non négligeable saute aux yeux, ce sont le nombre de maisons anciennes conservées dans l'état, qui, habitées autrefois par les artisans bohémiens, sont aujourd'hui dissimulées derrière des portails qui ne laissent malheureusement qu'entrevoir la partie haute de la bâtisse. Elles forment un contraste impressionnant par rapport aux hauts immeubles qui nous sont familiers dans le quartier de Neukölln.

Pour rejoindre ensuite la Richardplatz, le c?ur du Böhmisches Dorf, on peut soit emprunter les petites rues qui décèleront par ci par là une ancienne église, un cimetière dans lequel la plupart des habitants de ce quartier ont été enterrés ou encore des petites boutiques de livres ou spiritueux, ou passer par le petit jardin Cornenius Garten, inauguré en 1995 conjointement par le maire de Berlin, et celui de Prague, en hommage aux réfugiés bohémiens et au philosophe Tchèque Johan Amos Cornenius. A l'entrée de ces jardins, sa statue veille sur la paisibilité du village et semble nous indiquer le chemin vers la Richardplatz.

De la Richardplatz au petit marché de la Karl-Marx Platz
Sur cette place centrale du böhmisches Dorf, restaurants de différentes cuisines, petits cafés et aires de jeux ont élu domicile autour de l'ancienne forge encore activité aujourd'hui accueillant également le "Frauentreffpunkt" (rendez-vous des femmes). La curiosité pousse à entrer dans la petite cour où vous aurez peut-être la chance de rencontrer Tillmann, arrivé depuis quelques semaines à Berlin pour y reprendre son activité d'artiste-forgeron.

Derrière son côté un peu bourru, le Rhinois d'origine prend le temps de me montrer ses ?uvres, qu'ils exposent dans différents endroits et de me faire une démonstration de cet artisanat en perdition. Mais outre son activité artistique, Tillmann est lui aussi tombé sous le charme du lieu qu'il compte bien faire revivre. "Je ne suis pas ici depuis longtemps et ne suis pas le maître des lieux mais j'ai l'attention d'organiser prochainement des concerts de blues, et d'autres petits évènements, qui permettront à la forge de garder une âme".

Sur ces bonnes paroles, je quitte le forgeron pour m'enfoncer plus loin sur la place au bout de laquelle se trouve la "petite" Karl-Marx Strasse, une perpendiculaire à la grande et bruyante Karl-Marx Strasse. Retourner dans le monde de la civilisation me donne presque envie de faire demi-tour tant la tranquillité des lieux apaise mais la vision au loin d'un petit marché sur la Karl-Marx Platz me pousse à aller jusqu'au bout de cette rue.

Entre les fruits et légumes, la montagne de carton, signe d'une bonne journée et l'étalage de poisson, l'écriteau "Feine Käse auf Brot" (fromage fin sur pain) attire le regard pour son côté atypique. Stefan et son petit stand de raclette "Leopold" semble s'être perdu au milieu d'un marché presque exclusivement tenu par des Turcs. "Je vis dans ce quartier depuis quelques années et lorsque j'ai décidé de vendre de la raclette sur les marchés, je me suis dit pourquoi aller dans des quartiers chics où les gens connaissent déjà le fromage de raclette alors qu'il y a deux beaux marchés à Neukölln?", confie-t-il, en reconnaissant qu'il faudra un peu de temps avant que les clients du quartier osent venir découvrir ce fromage et plat montagnard. 

Derrière son stand, les quelques ?uvres d'art présentes dans le quartier, des sculptures en bronze situées au milieu de la place, servent plus de supports aux stands que d'attraction pour les touristes, peu nombreux à venir s'aventurer dans cette partie de Berlin. L'art, servant bien souvent d'aimant, est effectivement beaucoup moins présent que dans d'autres parties de Neukölln, mais c'est peut être ce côté brut et "non envahi" du böhmisches Dorf qui fait son charme.
Il existe d'ailleurs une ancienne expression allemande "Das ist mir ein böhmisches Dorf" qui signifie "cela m'est totalement inconnu", on comprend désormais mieux pourquoi !

Anaïs Gontier (lepetitjournal.com/Berlin) vendredi 19 avril 2013 

lepetitjournal.com Berlin
Publié le 18 avril 2013, mis à jour le 18 décembre 2014

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