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Le bilinguisme chez les enfants franco-allemands

Bilinguisme franco-allemandBilinguisme franco-allemand
©fondscitoyen.eu - www.apprendrenaturallemand.com
Écrit par Sandra Champroux
Publié le 21 avril 2023, mis à jour le 22 avril 2023

Couples binationaux déjà parents ou ayant pour projet d’avoir des enfants ? La question de l'apprentissage du bilinguisme est centrale lorsqu’on choisit de s’expatrier ou de s’unir avec quelqu’un ne parlant pas la même langue. 

 

Lepetitjournal.com Allemagne revient pour vous sur plusieurs conférences organisées à Berlin par l'association des Francophones de Köpenick ou plusieurs professionnels et particuliers ont pu prendre la parole pour partager leurs expériences sur le sujet de l’apprentissage des langues chez les enfants binationaux.

 

Quel cadre pour le bilinguisme en Allemagne ?

Avant de penser au cadre familial, il est important de se pencher sur le cadre qu’offre la ville dans laquelle on s’expatrie. Dans le cas de Berlin, l’offre multilingue en matière de scolarisation est assez intéressante, notamment dans le cas du bilinguisme franco-allemand. On retrouve de nombreux établissements proposant des cursus bilingues de la Kita au Gymnasium. En plus de l'école Voltaire et du lycée français, il existe des Europaschulen (SESB), des écoles publiques proposant un parcours mettant d'autres langues en avant.

 

Cependant l'offre, bien qu'existante, ne répond plus entièrement à la demande. Et nombreux sont les couples binationaux qui ne peuvent inscrire leurs enfants dans l'un de ces parcours, par faute de place dans les écoles ou filières en question, ou bien parce qu'ils sont trop éloignés géographiquement des établissements. C'est le cas de beaucoup de parents faisant partie de l'association des Francophones de Köpenick. La solution pour eux passe donc par la mise en place de cours de français les samedis matins.

 

Si le cadre scolaire pour l'apprentissage du bilinguisme en Allemagne n'est pas parfait, qu'en est-il de la France ? D’après le professeur Landry Charrier (germaniste, Maître de conférences et chercheur associé à la Sorbonne), le système scolaire français est beaucoup moins ouvert et développé quant à l’apprentissage des langues de manière générale : « Le corps universitaire français est vieillissant et ne s’interroge pas sur les besoins des élèves. On a observé de mauvaises décisions politiques, notamment sous le quinquennat Hollande, quant au financement des classes européennes par exemple. » Il y a également le problème de l’image de l’Allemagne en France, qui n’est pas très attractive. 


Selon Claire Demesmay (politologue et chercheuse associée au Centre Marc Bloch), l'offre d'établissement proposant des parcours aux enfants bilingues en France est si faible que les parents se font d'emblée une raison. Les enfants seront scolarisés à la française, et l'apprentissage du bilinguisme sera pour beaucoup réservé au cadre familial ou extrascolaire.

 

 

Le bilinguisme au sein du cadre familial

La question du bilinguisme est intrinsèquement liée à celle de la construction de l’identité de l’enfant. Chaque famille a ses codes linguistiques propres. Claire Demesmay a étudié la question pendant plusieurs mois, directement auprès de familles franco-allemandes à Paris et à Berlin. Elle a choisi un cadre plus spécifique en observant le quotidien de plusieurs familles binationales avec adolescents (12-17 ans).

 

Les premières questions qui se posent sont : que veulent transmettre les parents en terme de multilinguisme ? Mais avant tout, que sont prêts à accepter les enfants ?

 

Trois stratégies principales s’offrent aux parents : la stratégie OPOL ("One Person, One Langage") qui est celle qui est choisie la plupart du temps et qui consiste à ce que chaque parent parle dans sa langue maternelle avec ses enfants ; la stratégie "maison ≠ espace public" où l’on parle une langue à la maison et une autre langue à l’école et avec les personnes extérieures ; et enfin, la stratégie (qui n’en est pas vraiment une) où les langues ne sont pas limitées strictement à une personne/un lieu et où on mélange un peu tout.

 

Deux périodes sont également des moments charnières importants dans le cadre du multilinguisme : la naissance où les parents décident de la stratégie à adopter, et l’entrée à l’école qui peut influencer cette stratégie du fait de l’introduction du rapport à l’écrit pour l’enfant. 

 

 

 

Le rapport de l’enfant à son identité

Ce rapport est propre à chaque individu et il n’y a pas de règle unique mais on remarque deux types d’appréhension de la multiculture. Certains enfants considèrent les deux cultures à part égales dans la constitution de leur identité : ils se sentent aussi bien Allemand que Français. Alors que d’autres assimilent principalement une identité (souvent celle du pays dans lequel ils vivent) et considèrent l’autre comme un plus.

 

Le plurilinguisme s’accompagne également d’un pluriculturalisme élargi. Les enfants franco-allemands se sentent souvent très européens. Ils sont familiers à la mobilité et n’appréhendent pas la notion de frontière.  

 

À la question, « est-ce que cette double identité de l’enfant, selon le pays, peut poser un problème de ne plus savoir où se positionner dans son identité ? », Claire Demesmay répond qu’elle n’a jamais observé de traumatisme à ce niveau-là : « Les enfants sont heureux et ont confiance. Mais il est vrai que les ados ou jeunes adultes, quand ils décident de s'installer dans le pays où ils n’ont pas vécu (ex : étudier à l’université en France pour un enfant élevé en Allemagne), peuvent avoir un petit choc culturel et se sentir étrangers. »

 

Néanmoins, elle rappelle que, dans le cas du bilinguisme franco-allemand, on parle souvent de bilinguisme de prestige car ces deux langues sont assez plébiscitées (langues de valeur car poids socio-économique important) donc les problèmes identitaires sont moins marqués.

 

Enfin, un autre fait qui revient souvent dans ces schémas familiaux est que le bilinguisme est souvent associé aux notions de naissance et de sang. De ce fait, autant les enfants que les parents eux-mêmes se refusent la double identité (pour les parents) même s'ils vivent depuis longtemps dans le pays étranger et maîtrisent la langue parfaitement.

 

 

 

Les conseils des professionnels pour les parents d’enfants binationaux

Un enjeu récurrent dans l’appréhension du multilinguisme est la pression des parents envers la réussite de leurs enfants. Pour Claire Demesmay, ce stress touche davantage les parents français que les allemands. Cela vient probablement de la culture de l’apprentissage et du purisme de la langue en France. Beaucoup de parents vont par exemple envoyer leurs enfants chez les grands-parents en France pendant les vacances et les scolariser là-bas mais cela ne fait que rendre l’apprentissage de la langue minoritaire rébarbatif. Les parents ont tendance à être moins tolérants face à l’erreur linguistique alors que les enfants mélangent les langues sans problème. 

 

Les professionnels le répètent : dédramatisez l’apprentissage de la langue !

 

Privilégiez une approche culturelle, de communication plutôt que scolaire. Amélie Rouche (Orthophoniste diplômée spécialisée en Neuropsychologie des apprentissages et bilinguisme) insiste sur un point : différenciez la stimulation et l'intérêt pour une langue, de l’apprentissage systématique.

 

Pensez autrement l’apprentissage des langues que dans le cadre scolaire donc. Montrez aux enfants que le langage sert pour la communication avant tout et que les échanges ne se font pas non plus systématiquement à travers la langue mais aussi par des rencontres (sport, activités…). Rassurez-vous, les enfants aiment (au-delà de juste savoir) jongler entre les langues et les cultures, ce n’est pas un devoir pour eux.

 

À la maison, favorisez des astuces à utiliser de manière ludique au quotidien, pensez le rôle émotionnel du partage d’une langue maternelle et appuyez-vous sur plusieurs acteurs (la famille, les amis…). Le bilinguisme à l’intérieur de la famille, c’est aussi la création d’une identité linguistique familiale à travers des expressions, jeux de mots ou blagues que vous seul et votre famille utilisez.  

 

Illustration issue de www.apprendrenaturallemand.com.

 

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