Amine Zayani est arrivé à Berlin en bus pour y passer trois mois… il y a neuf ans. On l’a rencontré à Holzmarkt25, son “bureau”, pour un échange plein d’éclats de rire, de souvenirs colorés et d’un amour contagieux pour les gens, la fête, et la ville. De la scène électro berlinoise au Secret Packs Klub, il nous embarque dans un joyeux tourbillon où tout est connexion et kiff partagé.


En immersion dans la culture club berlinoise
L’idée de départ, c’était de faire la fête, mais avec une vraie curiosité pour les coulisses de la culture club : comprendre ce qui fait le succès et la “vibe” des légendaires clubs berlinois.
Si on rembobine pour expliquer tout ça, on revient à Paris. Amine, vice-président du BDE de Sup de pub, organise son tout premier événement, un festival. Ça date un peu, mais il en parle avec fierté, et pour cause, c’était une belle réussite : 3 jours, 20 artistes, 750 personnes !
La passion d’Amine, c’est la culture club. Et les gens. Et donc, il continue à organiser des événements, avec deux collectifs, et en solo. Mais la fête à Paris, c’est compliqué. Le milieu n’est pas très sain, et il n’a pas envie de travailler avec des requins.
J’en avais marre de l’écosystème vicieux qu'était la scène à Paris, où les clubs ne payaient pas les promoteurs d’évènements. Et du coup, tout le monde essayait de rouler un peu tout le monde. Et j'étais curieux de découvrir l'écosystème à Berlin.
À l’époque, Amine s’inspire de Brice Coudert, co-fondateur et directeur artistique des soirées Concrete à Paris, qui lui suggère d’aller voir ce qu’il se passe ailleurs, notamment à Berlin, où certains clubs existent depuis plus de vingt ans, tiennent la distance, et où la culture club fait partie de l’ADN de la ville.
Et donc, Amine commence son observation, pour comprendre la recette qui fait durer les soirées. La fameuse vibe, comment elle évolue au fil des années avec un nombre croissant de participants, mais surtout ce qu’il y a derrière : la vision, les valeurs.
À Berlin, il repart de zéro. Il se refait un réseau, rencontre les Berlinois, et apprend à connaître ceux qui font la culture club de la capitale allemande.
"À Paris, je connaissais quelqu’un pour tout et n’importe quoi : la scénographie, les médias, le booking, la location… pour tout. Ici, j’étais excité à l’idée de recommencer", confie-t-il.
Un nouveau départ qu’il accueille avec enthousiasme. À Berlin, faute de vitamine D, on cultive la vitamine B — B pour Beziehungen, les relations — celles qui comptent, et qui durent.
Il cite Holzmarkt25 en exemple : un lieu monté par une bande de passionnés, qui se sont fait virer, ont rebondi, sont revenus, et ont construit un écosystème complet pour garder leur liberté. “Des gens qui se battent avec amour et positivité pour pouvoir aller au-delà des décisions politiques qui ne sont pas forcément des décisions culturelles.”
Amine aime les rencontres, les contacts vrais. En un mot, il aime les gens, et veut les rendre heureux. C’est un peu le fil rouge de tous ses projets.

Des clubs au Secret Packs Klub, la joie en filigrane
Et des projets, Amine n’en manque pas. Entrepreneur depuis ses 20 ans, il a toujours plein d'idées, souvent inspirées par l’observation de ce qu’il se passe autour de lui, et son expérience.
Son premier projet entrepreneurial à Berlin naît d’une rencontre. Il croise une femme qui vit dans un camping-car, et pour lui, c’est une vraie surprise : c’est confortable, fonctionnel, et surtout, ça peut se garer absolument partout (essayez de circuler ou de garer une caravane à Paris…). De là germe une idée : louer des camping-cars stationnés à utiliser comme appartements.
Une idée qu’il trouve toujours bonne, même si elle n’a jamais vraiment abouti. Amine en tire des leçons : l’importance d’un binôme pour confronter et enrichir les idées, et du travail de son côté pour se discipliner et garder le cap. Pour ses nouveaux projets, ce sont des écueils qu’il a évités : il a une associée. Et de toute façon, ce n’est pas le genre à se lamenter. Son leitmotiv : “L’optimisme est stratégique et nécessaire”.
Parlons-en, justement, de ces projets.
Le Secret Packs Klub, c’est un peu Noël toute l’année. Un distributeur, judicieusement placé devant Holzmarkt25, qui peine à rester rempli.
Le concept est simple : des colis (non réclamés, qui n’ont jamais trouvé leur destinataire, ou des retours), aux formes et tailles variées, dont on ne peut deviner le mystérieux contenu. On met 10 €, on tape le numéro du paquet qu’on veut, et ensuite, on arrache l’emballage avec fébrilité, et on découvre ce que le hasard nous a réservé.
Sans dévoiler les coulisses de l’activité, le nerf de la guerre, c’est bien sûr ce qu’il y a à l’intérieur des fameux paquets, et qui ne doit pas décevoir. Après l’excitation de la surprise imminente, le soufflé ne peut pas retomber avec un contenu minable. Et donc, c’est le sourcing des fameux colis qui est clé.
Ça n'a aucun intérêt de juste vendre des packs, moi je veux que les gens soient contents. Et pour ça, le contenu des paquets doit être de qualité .
Pour avoir passé un peu de temps à côté du distributeur, on peut dire que ce n’est pas un distributeur de paquets, c’est un générateur de joie. On a vu des gens aussi contents avec un Playmobil qu’avec un appareil photo ! Une bien belle énergie.
Une anecdote ? Un Bambino de Jacquemus (un sac à plus de 800 €, donc) a reçu un accueil plus que mitigé. À sa décharge, l’heureux nouveau propriétaire ne connaissait pas la marque.
@secretpacksklub he had no idea what it was !! and even then, no joy #jaquemus #secretpacksklub #holzmarktsecretpacksklub #berlin #holzmarkt #secretpacks #mysterypacks #secretpackautomat #unzustellbarepakete #retouren #amazonautomat #retourenautomat #mitte #secretpacksclub ♬ son original - Secret Packs Klub
Un autre distributeur est prévu prochainement à Berlin, et l’implantation dans d’autres villes européennes dans la foulée.
Pour Amine, c’est plus qu’un concept malin : ce projet aide à financer ce qui lui tient à cœur, des festivals et des productions événementielles, entre Berlin et Marrakech, et il représente un atout supplémentaire aux yeux des investisseurs.
Son branding, il l’a : ce sera Darna (notre maison).
Amine s’est aventuré à nous expliquer le concept, qu’on ne va pas détailler ici pour ne pas gâcher la surprise, mais disons que ça mêle de très longs sets d’artistes à un espace de liberté et de confort, où les gens peuvent vraiment se sentir en sécurité pour se lâcher. Et franchement, ça donne envie.
Berlin et ses habitants : l’éloge de la lenteur et de la liberté
Amine est chaleureux, ouvert, et a le contact facile. Un peu le choc des cultures avec les Berlinois, mais c’est quelque chose qu’il a appris à apprécier. “Je suis quelqu’un d’assez extraverti, en tout cas qu’on voit, qui peut faire du bruit, qui prend de l’espace. Toute ma vie, on m’a jugé de loin, ou même de près, sans me connaître.” Aujourd’hui, il se connaît suffisamment bien pour savoir que si la connexion doit se faire, elle se fera.
Les Berlinois, eux, prennent leur temps. Ils observent à distance, ne se précipitent pas dans les interactions. Amine les trouve aussi extrêmement loyaux. Plutôt que de juger ou d’abonder dans les critiques comme le font souvent les Français pour préserver une harmonie superficielle, ils préfèrent inviter à regarder mieux, à prendre du recul.
Cette prudence, Amine la comprend, et la trouve même précieuse. Parce que quand ils s’ouvrent, c’est pour de vrai. Ils ne donnent rien dans cette première phase d’observation, “parce qu’ils veulent voir si tu joues un rôle”. Et ça, c’est une qualité qui a de la valeur à ses yeux.
Avec les Berlinois, quand il y a une ouverture, elle est vraiment authentique. Et ça, c'est très agréable parce que du coup, c'est vrai.
Amine a sa propre théorie sur cette réserve apparente. Selon lui, le flot incessant de rencontres dans une ville comme Berlin pousse beaucoup à se refermer. “Quand on s’ouvre à quelqu’un et que cette personne disparaît, repart dans sa ville, ça laisse une trace.” À force, certains préfèrent ne plus s’ouvrir du tout. Il l’observe notamment dans la scène club, où le passage est constant, les liens souvent éphémères. “Les Berlinois sensibles ne veulent pas forcément créer un lien avec quelqu’un qu’ils ne reverront jamais. Ils attendent peut-être de voir si l’autre reste avant de s’ouvrir.”
Lui est resté. Et il est extrêmement heureux ici. Quand il rentre à Paris, ses amis lui disent qu’il est sorti de la matrice. Et quelque part, ils ont raison. À Berlin, il a réussi à se (re)construire une vie, un espace de liberté et de création.
À Berlin tu peux faire ce que tu veux, même trop, et c’est dangereux. Mais si tu crées ton équilibre et si tu sais ce que tu veux, cette liberté, c’est un luxe énorme.
Il aime le rythme berlinois, si particulier et différent. Cette dolce far niente, comme il l’appelle. Par contraste, il évoque la ligne 7 à Paris — oui, c’est spécifique : “Tu as 5 secondes pour monter dans le métro, les portes sont à peine ouvertes que le signal de fermeture retentit”.
Une philosophie du moment qu’Amine retrouve aussi dans une expression allemande qu’il aime beaucoup : Man muss die Feste feiern, wie sie fallen (littéralement, “Il faut fêter les fêtes comme elles viennent”). Une invitation à profiter de l’instant, à accueillir ce qui est là. On note qu’il a appris l’allemand au Berghain… tellement mieux que Duolingo.
Et puis à Berlin, il y a les bancs. Oui, les bancs. “Mettre des bancs, ça crée une atmosphère dans une ville. Les gens peuvent s’asseoir et profiter. C’est une appropriation de la ville. C’est une ville qui appartient aux gens. Les bancs, ça en dit long sur l’accueil d’une ville.”
Il parle aussi de la piscine naturelle du lieu alternatif où se trouve la Kita de sa fille, des abeilles qui butinent les fleurs, de la nature sauvage. “À Paris tout est taillé, c’est horrible.” Ici, tout ça contribue à ce que les gens se sentent bien, avec un vrai espace de liberté.
Un autre exemple de liberté qu’il mentionne, c’est celle des pieds. La barfuß Kultur, ce mélange de retour à la nature et de non-conformisme. “Alors que moi, ça a toujours été "Mets tes pantoufles, tu vas prendre froid". C’est culturel, mais c’est une hérésie.” On est d’accord.
Quand on lui demande ce que c’est, son Berlin, Amine répond : “J’ai mon petit village. Berlin, c’est plein de petits villages.” Son village à lui, c’est Wrangelkiez : Schlesisches Tor, Wrangelstraße, Görlitzer Park, Lohmühlen Spielplatz, Lausitzer Platz — le triangle familial.
Et puis il y a son triangle d’or, ces lieux où il se sent bien, presque comme à la maison : Berghain/Panorama Bar, Kater Blau & Club der Visionäre/Hoppetosse.
Et aussi Holzmarkt25, bien sûr, son “bureau”. Mauerpark, quand il va voir un ami à Prenzlauer Berg. Et Neukölln, où sa fille va à la capoeira.
Parce qu’Amine est aussi papa. Pas la moindre de ses nombreuses activités !
Un rôle qui compte énormément pour lui, même s’il n’a pas eu de modèle. Il parle de sa fille comme de la créature la plus incroyable qu’il ait jamais rencontrée. Et il précise bien que ce n’est pas juste parce que c’est la sienne.
S’il n’est pas du genre à construire des cabanes, Amine est du genre à donner du sens. À transmettre sa vision du monde, avec le cœur. À lui laisser vivre ses propres expériences, tout en lui donnant la confiance d’être elle-même.
Il y a fort à parier que, quand on a un père comme ça, on apprend tôt à regarder le monde en souriant. Pieds nus.
Suivez les surprises de l’unpacking du Secret Packs Klub sur TikTok, et on espère tout bientôt les soirées Darna dans notre agenda !
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