Édition internationale

ENTRETIEN AVEC NILS AGUILAR- Jeune sociologue d’origine française nous parle de son documentaire (1/2)

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 10 juin 2013

Nils Aguilar, jeune sociologue d'origine française qui vit à Berlin, nous parle de son documentaire « Cultures en Transition », tourné en France, en G.B et à Cuba sur le mouvement des Villes en Transition qui présente de vraies solutions locales à la crise globale de l'énergie et de l'agro-alimentaire. Le film est sorti en salle et en DVD et connaît un véritable succès

LPJ : Nils, comment en es-tu venu à la réalisation ?
Nils: J'ai passé ma jeunesse chez les Jeunes Eclaireurs (rires),  j'ai toujours été sensible aux questions de l'environnement et de la qualité de vie. Je peux dater ma première rencontre avec la permaculture il y a 10 ans, puis mon voyage en Argentine en 2006, où j'ai découvert les effets pervers et néfastes de l'exploitation des sols par l'agro-industrie des pays soi-disant développés : un groupe d'indigènes expulsés de leur lieu de vie pour qu'une entreprise de tabac puisse agrandir son exploitation! Après, c'est devenu une urgent pour moi de passer enfin à l'action, et j'ai décidé de faire un documentaire, optimiste, alors que ma source d'inspiration était plutôt négative. Cette idée vient de la permaculture*, qui n'est rien d'autre qu'une lunette verte montrant que tous les problèmes sont aussi, dans le fond, des solutions. Un ami qui avait déjà réalisé un documentaire sur les monnaies alternatives avait monté son projet grâce à la bourse française « Défi Jeune », mais après le tournage, il a jugé que nos bobines ne présentaient pas assez d'intérêt pour en faire un film. En fait il ne croyait pas du tout en la permaculture. Et au départ, comme je ne me suis pas assez préoccupé du montage financier, pendant toute la période de tournage, 4 ans en tout, j'ai vraiment ramé ! (rires).

LPJ : Alors comment as-tu assuré le financement de ce gros projet tourné dans trois pays ?

Extrait du film

En fait les voyages étaient encore le moins coûteux, contrairement aux salaires que je voulais verser à tous ceux qui m'ont apporté leur expérience professionnelle. Motiver une équipe et la rémunérer, c'est un gros boulot, je n'en dormais plus ! Après, il y a tout le suivi, les contacts à entretenir avec les gens qui ont payé ne serait-ce que 15? en amont pour obtenir un DVD. Pas simple de faire comprendre à tout le monde qu'on n'est pas « Amazon » et qu'un film, lui,  ne se fait pas en un clic. La dernière campagne, qui m'a permis de réunir 9.000 ? pour financer le paiement des droits d'images d'archives et finaliser le film a été bien plus facile. Ensuite, il y aussi les sommes moyennes versées par les personnes qui apparaîtront aussi dans le générique de fin du film.

LPJ : Quelles ont été les réactions dans les salles lors de ta tournée en mai ?
Sur les 14 étapes en Allemagne, 13 salles combles, la 14ème, c'était à Munich un samedi après-midi ensoleillé, alors? (rires). Partout les gens ont été très inspirés par le film, il y a eu plein d'initiatives créées sur place, de contacts pris. L'objectif, c'est justement que les spectateurs deviennent acteurs et fassent connaissance avec leurs voisins, car il faut inverser cette tendance d'anonymat et de séparation des êtres humains ! J'incite donc les spectateurs du film à engager une discussion avec leurs voisins dans la salle, et ça marche ! J'espère faire une tournée dans des communes plus petites pour vraiment toucher des populations plus rurales, plus ancrées dans l'agriculture, là où l'initiative des Villes en Transition n'a pas encore eu la chance de prendre racine. En 2014 peut-être?.

LPJ ? C'est vrai que c'est à la campagne que tout se joue ?

Pas vraiment... ce sont surtout les consommateurs qui détiennent le pouvoir, ils n'en ont pas encore vraiment conscience. Les agriculteurs, eux, sont hélas trop pris dans l'engrenage du système pour pouvoir décider eux-mêmes s'ils veulent le changer. Par contre, là où le mouvement peut vraiment contribuer à des changements en zone rurale, c'est dans la création du lien et de nouvelles structures de distribution, comme par ex. les AMAP, qui permettent aux agriculteurs de faire de la vente directe et de générer une plus-value plus importante sur leurs produits. En étant moins déférents avec les compagnies semencières globales, en s'organisant de manière différente? ce regain d'autonomie et de confiance peut être extrêmement salutaire aux zones rurales  et nous amener à plus de changements, vers plus de résilience, puisque « résilience » est le mot-clé du mouvement.
(NB : La permaculture est la conception consciente de paysages qui miment les modèles et les relations observés dans la nature, visant à stimuler l'activité biologique des sols pour les entretenir et obtenir une production abondante de nourriture et d'énergie pour satisfaire les besoins locaux. Les gens, leur habitat et la façon dont ils s'organisent, sont au centre de la permaculture, qui préconise une intégration harmonieuse des activités humaines au sein des écosystèmes.
La résilience écologique est la capacité d'un écosystème, d'un habitat, d'une population ou d'une espèce à retrouver un fonctionnement et un développement normal après avoir subi une perturbation importante (facteur écologique). Par extension on parle aussi de résilience écologique pour les solutions que l'humanité entière ou certaines communautés cherchent à trouver face aux crises écologiques locales ou globales qu'elle doit affronter (guerres, désertification, déforestation, tsunamis, crises climatiques, surpêche etc.

Propos recueillis par Amandine FUMA, Marie-Line PETREQUIN (www.lepetitjournal.com/hambourg.html)  Jeudi 6 juin 2013

Retrouvez demain la seconde partie de l'interview. 

Site web : http://www.voicesoftransition.org/

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Publié le 9 juin 2013, mis à jour le 10 juin 2013
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