Édition internationale

Bienvenue Angui : bâtisseuse de ponts entre deux continents

Française d’origine ivoirienne, installée en Allemagne depuis près de vingt ans, Bienvenue a un parcours en forme de manifeste pour l’hybridité culturelle. De Montfermeil à Berlin, en passant par Düsseldorf et Abidjan, son itinéraire raconte comment une “erreur” scolaire a façonné une carrière internationale. Entrepreneure engagée, auteure de L'abécédaire économique et socioculturel de l'Allemagne, elle se définit comme une bâtisseuse de ponts entre l’Europe et l’Afrique.

Portrait de Bienvenue Angui Portrait de Bienvenue Angui
© Thy Soleil
Écrit par Sandrine Ibanez
Publié le 8 septembre 2025, mis à jour le 16 septembre 2025

Une erreur d’orientation qui change tout

 

L’histoire de Bienvenue avec l’Allemagne commence avec une erreur d’aiguillage en sixième. Son collège proposait des classes européennes et elle devait choisir deux langues vivantes, dont l’anglais. À 10 ans, on ne sait pas encore exactement ce qu’on veut, alors elle demande à ses frères - l’un a fait de l’allemand et trouve ça dur, l’autre de l’espagnol et lui promet de l’aider.

Du coup elle choisit l’espagnol… mais se retrouve dans une classe anglais-allemand. Apparemment, le papier qu’elle a rempli, c’était pour faire de l’allemand ! Bienvenue, à l’époque, n’était pas une grande fan de l'inconnu, et avait peur de ne pas être à la hauteur. Alors elle travaille dur pour être toujours en avance.

Si je m'étais écoutée, j'aurais quand même loupé beaucoup de choses, parce qu'aujourd'hui, ce qui était une erreur est devenu déterminant dans ma vie, puisque c'est ça qui a boosté toute ma carrière.

Portée par une prof charismatique qui donne à tous ses élèves un prénom germanophone (dans son cours, Bienvenue s’appelle Lina), elle découvre le théâtre, la culture, les nuances de cette langue réputée difficile et ingrate. 

Et cette rencontre avec l’allemand va orienter sa trajectoire professionnelle, et sa vie.

 

De la promotion du terroir français à l’Afrique

Diplômée d’un master en commerce et management franco-allemand, passée par un Erasmus en Autriche, Bienvenue démarre sa carrière à Düsseldorf en 2007, via un VIE chez SOPEXA (devenue HOPSCOTCH Season). Elle y promeut les produits agroalimentaires français en Allemagne. Un premier pied sur le marché allemand.

Deux ans plus tard, elle rejoint Promosalons, où elle développe la présence internationale des grands salons français en intégrant des exposants et visiteurs allemands. Un rôle exigeant, mais qui finit par lui sembler trop restreint.

C’est au BVMW (Bundesverband Mittelständische Wirtschaft, fédération allemande des PME), à partir de 2017, qu’elle trouve un terrain de jeu qui lui correspond mieux. Embauchée comme directrice du pôle Francophonie et Afrique, elle y lance deux initiatives majeures : Le Mittelstand BVMW et Mittelstandsallianz Afrika. Pour la première fois, son horizon s’élargit. De la stricte logique franco-allemande, elle passe à une vision triangulaire, intégrant le continent africain. Parce que la Francophonie, ce n’est pas que la France.

Je voyais que la Chine, la Russie ou les États-Unis étaient très présents, mais l’Afrique était quasi absente, alors qu’il y avait des opportunités incroyables. J’ai proposé un business plan, et on m’a laissé ma chance.

Photo d'une conférence au forum international du leadership féminin
5ème édition du forum international du leadership féminin à Abidjan. De gauche à droite: Seydina Issa Laye Sambe (Maire de Yoff - Dakar), Habib Bamba (Fondation Orange), Amy Fanny-Tognisso (Fondation Mastercard), Bendjin Kpeglo (African Guarantee Fund), Bienvenue Angui (MOBIANG) © Rene Megela


MOBIANG, l’entrepreneuriat comme identité

En 2021, forte de cette expérience, Bienvenue crée sa propre structure : MOBIANG. Le nom est un double clin d’œil : un acronyme — Making One Bridge for Investment in African Nations and Germany — mais aussi un jeu avec son nom complet, Monsang Bienvenue Angui.

La mission ? Accompagner les entreprises allemandes qui souhaitent investir en Afrique, et inversement aider les acteurs africains à s’implanter en Allemagne. Un travail de traduction culturelle autant qu’économique, où il s’agit de gommer les clichés et de révéler des opportunités concrètes.

Je me sens pleinement investie, parce que ce que je fais, c’est moi. Je m'identifie tout à fait à tout ce que je fais, c’est une partie de mon identité.

Ivoirienne ou allemande pour les Français, française pour les Allemands, allemande pour les Ivoiriens… ça lui correspond bien, elle pioche dans chaque culture ce qui lui correspond. Et revendique complètement son identité hybride.

 

Berlin, adoption contrainte puis choisie

Quand elle débarque dans la capitale allemande en 2017, ce n’est pas par choix mais par devoir professionnel : le poste au BVMW l’exige. Quitter Düsseldorf, après dix ans d’ancrage, lui est pénible. Berlin lui paraît d’abord trop grande, trop chaotique, trop éloignée de la France.

Et puis, au fil des années, la ville apprivoise Bienvenue. Elle découvre ses multiples visages : la diversité, l’énergie créative, la nature omniprésente. “À Düsseldorf, tout était plus petit, plus conservateur. Ici, chaque quartier a son âme, et chacun peut trouver son ambiance.” À Steglitz, où elle vit, elle profite d’un grand parc juste en face de chez elle, du calme du canal de Teltow, de repères francophones comme le restaurant Le Canard ou la boulangerie Aux Délices Normands. Sans oublier le Café Baier, devenu son refuge et son lieu de rendez-vous favori, qui résume bien Berlin : l’extérieur ne laisse en rien présager l’atmosphère viennoise, le raffinement discret et la terrasse estivale.

Elle aime aussi lever les yeux vers Berlin d’en haut : sur le rooftop du Solar, avec sa vue spectaculaire et ses balançoires suspendues, ou au restaurant Neni en haut du Bikini, où l’on peut enchaîner dîner et cocktails en terrasse, face au zoo et à la ville qui s’étend. 

Berlin est pour elle un village éclaté en mille quartiers, chacun avec ses trésors. Seuls bémols : l’aéroport, qu’elle ne trouve vraiment pas pratique, et une habitude locale à laquelle elle ne s’est toujours pas tout à fait habituée : le tutoiement spontané typiquement berlinois !

 

Photo de Bienvenue Argui présentant son livre abécédaire
Salon International du Livre d’Abidjan (SILA), avec l’ambassadeur de Côte d’Ivoire en Allemagne, S.E. Azize Diabaté © Bienvenue Angui


Un livre pour faire connaître l’Allemagne autrement

L’idée du livre est née en Côte d’Ivoire, où Bienvenue a passé une grande partie de son temps ces trois dernières années. Ancienne colonie française, là-bas les partenariats se pensent “naturellement” avec la France, mais beaucoup plus rarement avec l’Allemagne. Un pays qui apparaît froid, culturellement lointain, mais qui en même temps intrigue et fascine. Ce mélange de curiosité et de distance a été le déclic : pourquoi ne pas proposer un outil simple pour démystifier l’Allemagne ?

Elle imagine alors un abécédaire pour donner, lettre après lettre, un panorama accessible à quelqu’un qui ne connaît pas ce pays. Un peu l’outil qu’elle aurait aimé avoir en arrivant ! De juillet 2024 à la fin de l’année, elle se plonge dans l’écriture, trois heures de sommeil par nuit, totalement habitée par le projet. 

Je voulais un format simple, pédagogique, presque ludique, comme un retour à l’alphabet de l’enfance.

Chaque lettre devient prétexte à éclairer un aspect du pays. B comme Berlin : une capitale aux superlatifs, avec près de 2 000 ponts (davantage que Venise !), le premier tram électrique de l’histoire, le plus ancien zoo d’Allemagne et d’Europe, et aujourd’hui une scène incontournable des start-up et de la mode. C comme culture, M comme Mittelstand : on y croise aussi bien des “champions cachés” de l’industrie que la colonne vertébrale de l’économie allemande, ses PME et son système de formation professionnelle. 

L’abécédaire alterne données factuelles et récits vécus, mêle codes de la vie quotidienne et clés pour comprendre comment se comporter dans une entreprise, et va jusqu’à la gastronomie pour montrer que l’Allemagne ne se résume pas aux stéréotypes. Le tout est structuré autour de trois verbes directeurs : informer, inspirer, inclure.

L’objectif : bousculer les clichés, montrer l’Allemagne autrement, et proposer des pistes d’intégration concrètes.

Disponible en français et en anglais, son abécédaire s’adresse à tous ceux qui veulent comprendre l’Allemagne différemment : entrepreneurs, étudiants, diplomates, ou simples curieux.

En filigrane, l’histoire de Bienvenue rappelle que les trajectoires se construisent souvent sur des hasards (qui n’en sont pas). Une erreur d’aiguillage, un déménagement un peu à contre-cœur, une ville qu’on apprend à aimer… autant de bifurcations qui dessinent un chemin singulier et parfaitement aligné.

Suivez l’actualité de Bienvenue sur son site et son compte Linkedin.

 

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