La coalition allemande, déjà fragilisée depuis plusieurs semaines, s’oppose sur la nouvelle réforme du pacte d’immigration de l’Union européenne. Une partie des Verts et du SPD refuse le compromis.
Jeudi 8 juin, les ministres de l’Intérieur des 27 pays de l’Union européenne étaient réunis afin de trouver un accord pour réformer le pacte d’immigration et de politique d’asile en vigueur. Un compromis a finalement été trouvé entre tous les partis, malgré des négociations compliquées. En Allemagne, la coalition feu tricolore est depuis divisée sur le sujet, en raison des points de positions divergentes sur la question migratoire.
En Allemagne, la réforme ne fait pas l’unanimité
Si, au départ, l’Allemagne s’était positionnée en faveur de l’adoption d’une nouvelle législation sur l’immigration, cet accord divise aujourd’hui la coalition gouvernementale, et est vivement critiqué par certains élus. Ainsi, la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, des Verts, a déclaré que s’ils avaient pu adopter cette réforme seule, sans nécessité de compromis avec les autres pays, « elle aurait été différente ».
En effet, avant même l’adaptation de la législation, le gouvernement allemand avait déclaré vouloir le succès de cette réforme, quitte à faire des compromis sur certaines dispositions. À ce moment-là déjà, les Verts et des élus à gauche du SPD avaient partagé leur inquiétude. Dans une lettre adressée par Baerbock et Robert Habeck, vice-chancelier et ministre de l’Economie et du Climat, plus de 700 membres du parti des Verts se déclaraient « choqués » de la volonté du parti d’accepter cette réforme.
Le gouvernement allemand avait en effet formulé l’exigence que les mineurs et les familles avec enfants soient exclus de la procédure d’asile aux frontières, afin qu’ils ne séjournent pas dans les camps d’asile. Cette disposition était également très chère aux Verts, qui énoncent dans leurs programmes que « les contrôles d’asile à la frontière extérieure ne sont pas compatibles » avec leur vision sur l’immigration. Néanmoins, cette demande allemande n’a pas été retenue dans l’accord final.
Für uns als Deutschland stehen die menschenrechtlichen Standards ganz vorne, und dafür werde ich auch heute hart kämpfen. https://t.co/AmchitPobT
— Nancy Faeser (@NancyFaeser) June 8, 2023
Si Nancy Faeser, ministre allemande de l’Intérieur du SPD, s’est engagée à continuer de plaider pour cette exception et qu'elle a estimé qu'il s'agissait de protéger les droits de l'homme, Robert Habeck a estimé que cet accord était « très douloureux ». Au Bundestag, le député du SPD Hakan Demir, a aussi alerté sur le risque de création de camps de réfugiés aux frontières des pays, ce qui atteindraient aux droits de l’homme. La coalition est donc divisée : un compromis devait être trouvé, mais à quel prix ?
Un accord difficile à trouver
Présidé par le Suède, ce conseil des ministres avait pour objectif d’aboutir à une nouvelle législation, plus stricte, quant aux règles d’accueil de demandeurs d’asile dans l’Union Européenne. Les négociations se sont révélées compliquées, en raison des vécus très différents des 27 pays de l’Union européenne sur ce sujet. Des pays comme la Grèce ou l’Italie, situés aux frontières du continent, se retrouvent face à un important flux migratoire, et plaident depuis longtemps pour une répartition plus équitable des réfugiés. Or, d’autres pays comme la Hongrie ou la Pologne s’opposent à une telle clause, et ont d’ailleurs voté contre le compromis. Cependant, la majorité a été atteinte, et deux nouveaux règlements ont ainsi été adoptés.
Parmi ceux-ci, la création d’un mécanisme de solidarité a été décidé, soutenu notamment par l’Allemagne et d’autre pays aux frontières de l’Europe. Ce dernier permettra aux pays qui accueillent le plus de réfugiés d’être soutenus, soit par la relocalisation, soit par la compensation financière. Ainsi, un état qui refuse un migrant à la suite du processus de relocalisation devra s’acquitter de frais de 20.000 euros par demandeur d’asile rejeté.
De même, pour la première fois, une procédure d’asile aux frontières extérieures du continent a été décidée : des centres d’asile seront ainsi crées à la frontière. À présent, les procédures d’asile devront être traitées dans un délai de 12 semaines à la frontière, et si la demande n’aboutit pas, alors les demandeurs d’asile devront être rapatriés dans l’immédiat. S’il est prévu que le temps maximal jusqu’à l’expulsion soit de six mois, de nombreuses associations de défense des droits de l’homme estiment que ce délai sera dépassé, mettant en péril les droits des demandeurs d’asile.
Le but de cette réforme est donc de parvenir à une baisse du nombre de demandeurs d’asile, notamment ceux qui n’entrent pas dans ce statut. Ceux qui arrivent d’un pays considéré comme sûr pourraient être renvoyés si l’examen de leur cas détermine qu’ils ne peuvent pas bénéficier de l’asile.
Ces deux règlements doivent encore être approuvés par le Parlement européen, qui pourrait effectuer des modifications. La Commission européenne a également annoncé vouloir adopter le pacte définitivement avant juin 2024, date des prochaines élections européennes.
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