Édition internationale

BON A SAVOIR – Location et propriété, quelle tendance a aujourd'hui la cote en Allemagne ?

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 22 octobre 2015

Les Allemands ont la réputation d'être un peuple de locataires, tandis que les Français seraient des propriétaires millénaires. Mais un souffle de panique secoue le marché allemand, déstabilisé par le manque de logements, l'augmentation des loyers et la peur de la bulle immobilière. Les différences entre les deux voisins seraient-elles en train de disparaître ? Le Petit journal de Berlin a cherché à comprendre, pourquoi la tendance locative évolue vers celle de la propriété en Allemagne.

Historiquement, le cycle des guerres a mis à mal la valeur du patrimoine, si chérie en France. "Les générations actuelles sont les premières a hériter de biens immobiliers", explique Anne-Charlotte Rembotte de l'agence immobilière franco-allemande Aden Immo. Et d'ajouter: "Pendant longtemps dans le monde germanique, les déplacements fréquents de population ont empêché les familles d'investir dans le foncier. La pierre n'était pas considérée comme une valeur sûre à cause des destructions de guerre." A cela s'ajoute le fait que la propriété est perçue comme une entrave à la mobilité. "Dans un pays fédéral, où les opportunités professionnelles ne sont pas polarisées par la capitale, la mobilité est plus grande", raconte Jean Boudin fondateur de l'agence immobilière franco-allemande Appartement-Berlin.fr. Ainsi, il est fréquent de voir des Allemands acheter un appartement afin de le louer, mais en aucun cas pour y vivre. Ils font une séparation très nette entre lieu de vie et business.", poursuit-il.

 

 

Par ailleurs, la répartition de l'attractivité sur de multiples bassins économiques rend par définition la pression moins forte. Louer a donc longtemps été plus avantageux qu'acheter. "Les politiques n'ont jamais encouragé l'achat. Au XXIe a été développé un marché locatif particulièrement stable, notamment grâce à la création d'un secteur du logement social, accessible à la majorité de la population, explique Jean Boudin, de plus, l'abondance de l'offre dans les années 1990 a limité la hausse des prix. Les loyers sont alors restés bas par rapport au niveau de vie". Et Anne-Charlotte Rembotte de compléter : "On ne peut pas parler de protection du locataire, car il n'existe pas de mesures comme celle de la trêve hivernale en France, mais les rapports locatifs sont régulés et favorables aux locataires." Par exemple, le propriétaire ne peut donner son congé au locataire que s'il décide d'habiter lui-même le logement, ou si le locataire n'a pas respecté le contrat. Ou encore les baux locatifs sont à durée indéterminée et héréditaires, les Allemands peuvent donc envisager de passer leur vie dans le même logement, puis de le transmettre à leurs enfants.

La transition d'une économie planifiée et centralisée à une économie de marché
Néanmoins, dans une Europe où le taux de propriété atteint 70,6%, les Allemands ont fini par suivre le mouvement général. Les propriétaires sont à 53,2% majoritaires depuis 2012, alors qu'ils n'étaient que 46% en 2007, tandis qu'en France l'évolution est moindre entre 57,5% et 57,9%. "Il est étonnant de constater, qu'il n'existe pas de statistiques détaillées sur les pratiques de location et d'achat à Berlin", remarque Anne-Charlotte Rembotte. On sait quand même que Berlin reste une des villes les plus locatives d'Allemagne, comme tout le nord du pays en général. De la même manière, malgré la hausse des loyers, la capitale reste encore deux fois moins chère que Munich. Les différences ne sont plus tellement est/ouest aujourd'hui, mais plutôt nord/sud."

A Berlin, en effet la situation est particulière, car son histoire a toujours été décalée dans le cycle immobilier des grandes villes allemandes. Le marché y a longtemps été abondant en offres, du fait de la course au logement entre l'est et l'ouest, de l'efficacité du plan Marshall ou de l'exode de milliers de Berlinois après la chute du mur. "Il y a 15 ans, il y avait environ 15% de logements vacants à Berlin, ce qui explique les faibles coûts des loyers. Aujourd'hui, il y a 5% de logements vacants à Paris, et la situation semble catastrophique , mais à Berlin, le pourcentage est de 2%. Il n'y a donc pas tant de place que ça dans la capitale allemande »

 

 

La hausse des loyers rend l'achat plus avantageux
La transition d'une économie planifiée à une économie de marché provoque une crise urbaine. Après les politiques urbaines des années 90 pour l'harmonisation des loyers entre l'est et l'ouest, la politique urbaine de privatisation des loyers a pour objectif de favoriser l'accès à la propriété des particuliers. "Mais aujourd'hui les disparités des loyers se font ressentir entre l'Innenstadt, le centre ville, et l'Aussenstadt, la périphérie', explique Anne-Charlotte Rembotte. Ce à quoi Jean Boudin ajoute que : " Le prix du marché prend 10 % par an à l'achat et les loyers ont augmenté de 30 % entre 2007 et 2012 à Berlin, car la ville est en train de reprendre sa place de capitale. Le rapatriement des ministères, l'affluence des milieux artistiques, le boom de la technologie et des start-ups sont des facteurs qui expliquent l'évolution du marché immobilier."  

 

Construction l'an passé du Living Level construit sur l'East Side Gallery et destiné uniquement à la propriété

 

Une nouvelle classe de propriétaires profite de l'attraction internationale de la ville, qui attire une nouvelle classe de locataires aux ressources financières plus élevées. "Ils sont plus à même d'assumer les coûts de la rénovation énergétique du bâti prévu par la loi sur la réduction de la consommation énergique, Energieeinsparverordnug, de 2002, commente Anne-Charlotte Rembotte, une partie des travaux est subventionnée par le gouvernement, mais les locataires doivent assumer le reste ". Cette vague de rénovations met à mal le fameux Mietspiegel allemand, littéralement le miroir des loyers, établissant les prix officielles de la location au m2, qui permet l'encadrement des prix depuis 1973. Tout les deux ans, le seuil de l'augmentation du loyer est redéfini pour chaque bâtiment au regard de l'évolution du marché locatif dans sa zone géographique. "Comme 2012 et 2014, les loyers n'ont cessé d'augmenter, le gouvernement a réduit en juin 2015 la fourchette de dépassement du miroir des loyers à 10%, constate la professionnelle de l'immobilier en évoquant le "Mietpreisbremse" (la mesure de frein à l'augmentation des loyers) en vigueur depuis juin 2015, cette mesure a pour but de maîtriser la spéculation immobilière, mais elle perd de son efficacité tant il existe des manières de la contourner" .

 

 

Les Français restent français, même de l'autre côté du Rhin
Et les Français ? Sont-ils influencés par les habitudes allemandes ? "Ils font partie des étrangers, qui de manière générale achètent davantage que les Allemands, dans un rapport de pourcentage", constate Jean Boudin. "Les achats concernent surtout les couples franco-allemands, ou les personnes qui veulent rester sur un long terme. Certaines personnes achètent même afin de venir passer leur retraite ici", poursuit-il. Il faut rappeler que la convention fiscale franco-allemande rend l'achat pour les Français en Allemagne avantageux, car le bien est soumis à l'imposition du pays dans lequel il se trouve. "Le régime fiscal allemand offre la possibilité d'amortir son bien immobilier en déduisant chaque année de ses revenus 2 à 2,5% de la valeur du bien. Une détaxe de la plue-value est en plus possible après dix ans de détention du logement, contre 22 ans en France", résume Anne-Charlotte.

Floriane Fumey (www.lepetitjournal.com/berlin) jeudi 15 octobre 2015

icone carré
Publié le 14 octobre 2015, mis à jour le 22 octobre 2015
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Sujets du moment

Flash infos