Berlin a cette image de capitale culturelle où tout est possible pour les artistes. Dans cette série, Le Petit Journal part à la rencontre de musiciens qui contribuent à l'énergie musicale de la ville. Cette semaine, Alexey, violoniste d’Ajam Quartet, nous raconte l’évolution du groupe et sa vision de la scène berlinoise.
Des débuts remarqués dans un légendaire club de jazz berlinois
Le groupe Ajam Quartet a vu le jour en 2018, lorsque les quatre musiciens se sont rencontrés dans différentes formations et jam sessions, partageant une vision commune de la musique. Invités à jouer ensemble au Yorkschlösschen, bar centenaire emblématique de Kreuzberg, ils ont été les premiers surpris par la réaction enthousiaste du public. Pour l’anecdote, un guitariste devait se joindre à eux mais n’a pas pu se libérer. Le quintet sera donc un quartet !
Au départ, le groupe s’appelait Berlin Oriental Group, et jouait essentiellement des reprises de musique traditionnelle du Moyen-Orient (Egypte, Liban, Syrie…) et de classiques européens. La majorité des membres du groupe a en effet une influence orientale, avec Wassim (oud), qui vient de Syrie, Or (contrebasse), qui a grandi en Israël et Alexey (violon), qui y a vécu dix ans. Quant à Peter, le percussionniste allemand, il a également étudié et pratiqué la musique orientale.
A l’occasion de la sortie de leur premier album, “Migrating Tunes”, le groupe, un peu à l’étroit dans le mot “oriental”, à la fois connoté, imprécis et limitant, change de nom et devient Ajam Quartet. Ajam a une double signification : ce mot désigne à la fois l’une des huit principales gammes de la musique arabe et également tout ce qui est “étranger”, qui ne parle pas la langue arabe. Toujours influencé par la musique du Moyen-Orient, l’album comporte huit reprises sur onze morceaux, dont une très intéressante version de la Lettre à Elise ou encore l’Ave Maria.
Ajam Quartet est un peu comme Berlin, un joyeux mélange, comme quand on fait une salade avec tout ce qu’on trouve dans le frigo, et que le résultat est étonnamment savoureux.
Leur musique a aussi évolué. Aujourd'hui, Ajam Quartet est un mélange éclectique de fusion acoustique, combinant des éléments de musique classique européenne, de jazz et de rock, joué sur des instruments acoustiques.
Un deuxième album de compositions originales, inspirées par Berlin
Alors que “Migrating Tunes” vient tout juste de sortir, le groupe apprend qu’ils ont obtenu un financement pour un second album. A nouveau, ils souhaitent reprendre des morceaux d’autres artistes, et chacun amène également ses propres morceaux et idées. Là, ils réalisent qu’ils ont assez de matière pour faire un album complètement original, chaque membre apportant sa touche personnelle à la création. Et ils sont beaucoup plus enthousiastes à l’idée de jouer leur propre musique !
Le résultat, “Echoes & Blossoms”, est un album authentique et unique, chacun des huit morceaux est imprégné de l'énergie collective du groupe, mélangeant des éléments de différents genres musicaux. Le groupe développe son propre langage musical, accueilli avec enthousiasme par le public.
Berlin est une ville qui encourage la créativité et l’expression personnelle, qui pousse à suivre sa propre voie.
La ville a joué un rôle important dans l’évolution du groupe. Berlin encourage la créativité et l'expression personnelle, et cela a inspiré les membres d’Ajam Quartet à suivre leur propre voie artistique. Sans cet esprit de liberté et d'ouverture, ils n'auraient sans doute jamais pris la décision de créer un album original. C'est dire à quel point l'environnement et la culture d'une ville influencent la création artistique. Ici, l’énergie, l’ouverture d’esprit, la tolérance, la transculturalité alimentent les artistes. On peut être qui on veut à Berlin, la ville symbolise un nouveau départ, une ouverture.
2022, une année riche en accomplissements
L'année 2022 a été n’a pas été avare en événements : entre la sortie de deux albums et de nombreux concerts en Allemagne, Ajam Quartet n’a pas chômé. En décembre 2022, le groupe joue au Konzerthaus de Berlin. Si Ajam Quartet s’est déjà produit dans des salles prestigieuses comme le théâtre national de Postdam ou la Philharmonie d’Essen, c’est la cerise sur le gâteau. Lieu mythique qui a vu passer tellement de musiciens prestigieux, la salle est aussi un challenge. Il faut oublier la manière de jouer adoptée dans des lieux où l’objectif est de se faire entendre, et la remplacer par une approche plus subtile, s’adapter à l'acoustique, dans la douceur et l’équilibre. C'est un défi qui rend la performance plus intéressante et stimulante, d’un tout autre niveau. Être sur une scène qui a accueilli tant d’extraordinaires musiciens donne une perspective différente sur son travail artistique, invite à se dépasser.
Passer de jouer dans des bars et des mariages au Konzerthaus illustre également bien le grand-écart de la vie culturelle berlinoise, où on commence sa soirée à la Philharmonie et on enchaîne sur une fête techno ! C’est aussi une belle leçon sur l’importance de la créativité et de la persévérance dans le domaine musical.
La vie d’artiste à Berlin, du fantasme à la réalité
En tant qu'artiste, il est crucial de trouver sa propre voie afin de réussir sur la scène berlinoise, ultra compétitive. Pour se démarquer, il faut faire quelque chose d'unique et de spécial, qui va attirer l'attention.
Les gens ont tendance à sur-idéaliser la vie d’artiste à Berlin. Ici comme ailleurs, on est confronté à des difficultés et des défis.
A Berlin, on peut imaginer que tous les rêves deviennent réalité, en particulier dans le domaine de la musique. Mais si la scène musicale est incroyablement riche et variée, les artistes sont aussi confrontés à des difficultés et des défis. Au-delà de la chance, il faut de la persévérance, du travail acharné. Les musiciens peuvent être tentés de croire que s’ils jouent bien, ce sera facile. Néanmoins, il y a une énorme différence entre gagner sa vie avec de la musique “fonctionnelle”, et remplir des salles ou trouver un public avec des créations artistiques originales. Un public engagé, qui va être prêt à suivre le groupe, à le soutenir, à acheter ses albums et à venir à ses concerts.
Le public berlinois, une audience ouverte d’esprit et exigeante
A Berlin, le public est connu pour être curieux, et avide de nouvelles expériences. Les événements culturels et artistiques fleurissent partout dans la ville, et le public est souvent très engagé et interactif. Et exigeant. C’est une communauté passionnée, toujours à la recherche de quelque chose de spécial et d'inhabituel. Il y a ici une appétence pour le non-conformisme, ce qui attire naturellement des personnes qui veulent être différentes et ressentir des choses différentes. C'est d’ailleurs ce qui est fantastique à Berlin, car cela crée une scène culturelle dynamique et diversifiée. Ajam Quartet est composé de membres de différentes nationalités, aux influences multiples, ce qui résonne auprès du public berlinois, qui apprécie l'idée d'un monde global où les gens se connectent sur la base de leurs intérêts et valeurs communs plutôt que de leur origine culturelle ou nationale.
Dans cet esprit, Alexey invite d’ailleurs à découvrir Trickster Orchestra, un collectif de musique avant-gardiste qui intègre des instruments traditionnels d'Europe, d'Asie occidentale, centrale et orientale avec de la musique contemporaine.
Pour découvrir l’univers musical d’Ajam Quartet,, nous vous invitons à visiter leurs comptes Instagram, Spotify, YouTube et leur site officiel.
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