Le très médiatisé show Falling | In Love regroupe comédie musicale, théâtre et cabaret dans un torrent de couleurs. Après un mois de représentations, retour sur un spectacle ambitieux et attendu.
Dans les rues de Berlin depuis fin août, impossible de rater l’affiche du grand show Falling | In Love. Une femme à la coiffe florale interpelle le regard du passant et vous emmène tout droit jusqu’au très élégant bâtiment du Friedrichstadt-Palast.
Familière du genre théâtral de la revue, l’institution berlinoise excelle dans l’art du « grand show » où le spectateur s’émerveille autant qu’il s’interroge. Sur les thèmes de l’amour et du partage des différences, la pièce écrite par Oliver Hoppmann s’est vue dotée d’un budget pharamineux de 13 millions d’euros. A ce prix-là, la bonne réception du public n’est pas en option.
On ne change pas une équipe qui gagne : la patte Jean-Paul Gaultier
Parmi les arguments de vente principaux avancés par la direction du théâtre, la curation de Jean-Paul Gaultier attire indubitablement la curiosité du potentiel intéressé. Le styliste et Oliver Hoppmann n’en sont pas à leur première œuvre en duo. En 2016, « The One », déjà représenté au Friedrichstadt-Palast à l’époque, était le fruit de leur travail commun.
Epaulé par Fecal Matter et Sasha Frolova dans le design des costumes, le couturier français a également bénéficié d’une collaboration unique avec la marque Swarovski. Ces savants ingrédients donnent une identité visuelle colorée et scintillante au spectacle où les 100 millions de cristaux Swarovski brillent sous les feux des projecteurs.
Court résumé de l'intrigue
Inspiré d’un vers du poète William Blake mentionnant un jardin de l’amour, la pièce d’Oliver Hoppmann raconte l’arrivée de « You », un jeune homme sourd en quête d’identité, dans le monde coloré des diamants où trois couleurs tentent de l’attirer dans leurs rangs pour lui permettre de se révéler et de s’épanouir dans ce monde rempli d’espoir et d’amour.
Cette nouvelle naissance mouvementée subit d’importants rebondissements à la rencontre de Léon le caméléon, dernier de son espèce, qui fait entrevoir à « You » un monde où les différences se respectent et se mélangent harmonieusement. Une ambition corroborée par le personnage de « Me », jeune femme rebelle tout de noir vêtue pour qui seule la liberté compte et qui souhaite trouver l’amour sans se plier aux codes de la société.
Un trailer mis en ligne sur la chaîne YouTube du Friedrichstadt-Palast vous donnera un plus large aperçu du contenu de la pièce.
La revue, un genre théâtral à double-tranchant
Dans le cadre luxueux du théâtre de la Friedrichstraße, la pièce ne s’interdit aucun excès. Pour bâtir un grand show, on emprunte des éléments à la fois à l’opéra, au théâtre, à la comédie musicale, à la danse le tout avec un clin d’œil plus ou moins explicite à l’actualité ou à une problématique visée.
Dans Falling | In Love, on y ajoute du cirque, des acrobaties, des performances d’équilibre et des attractions aquatiques. Il faut dire que lorsqu’on possède la plus large scène de théâtre au monde avec un peu moins de 40 mètres, complétée par une profondeur plus que satisfaisante, il y a de quoi réaliser les rêves les plus fous des directeurs artistiques.
Néanmoins, la frontière entre le grandiose extraordinaire et le grotesque indigeste reste fine. De gros efforts d’harmonie visuelle furent alors entrepris pour éviter un trop-plein d’effervescence scénographique.
Une expérience visuelle hors du commun
Tous les jours de la semaine à l’exception des lundis et des mercredis, la grande salle du palais se remplit presque systématiquement. D’une intensité rare, le spectacle est découpé par un entracte en deux parties d’environ une heure et quinze minutes.
Contrairement à certains opéras où certains non-mélomanes peuvent somnoler lors d’actes un peu trop tirés en longueur, impossible de s’étourdir une seconde lors de Falling | In Love. L’action se déroule devant nous mais nous surprend également par les cieux, sur les côtés ou derrière votre épaule. La créativité colorée est sans limite et tout le potentiel scénographique du lieu est exploité.
Qu’on soit exigeant ou qu’on ne s’attende à rien, on ressort forcément surpris et diverti, surtout après un deuxième acte qui dépasse toutes nos attentes. Dans une critique parue le 12 octobre, le Süddeutsche Zeitung définit cet émerveillement crescendo comme un sentiment de « toujours plus » qui nous fait ouvrir les yeux de plus en plus grand.
En sortant, ce n’est pas tant le message de la pièce qui marque mais plutôt le retour à la réalité, dans un monde où l’on ne croise pas de femmes vêtues de ballons gonflables cinq minutes après avoir vu trois trapézistes s’envoler quinze mètres au-dessus de nos têtes.
Un message coloré : naïveté ou espoir ?
Berndt Schmidt, directeur du théâtre et producteur de Falling| In Love, définit cette œuvre comme une expérience humaine unique où voir la différence permet de s’y confronter pour obtenir de beaux mélanges de couleur. En effet, la scène finale dépasse les trois couleurs primaires pour y ajouter plusieurs nuances dans lesquelles « Me » et « You » se retrouvent.
En visant aussi large dans le message porté par la pièce, Oliver Hoppmann et ses collaborateurs s’attirent quelques critiques. On relève notamment celle du Tagesspiegel qui dénonce un manque de sensualité par une volonté d’être « trop exhaustif dans son message d’amour ».
Le message « vaincre l’ignorance, aimer les différences » est ici considéré comme trop naïf. Le journaliste ironise en disant qu’il aurait pu être prononcé par le Sénateur à la Cohésion sociale de Berlin, Joe Chialo.
Face à une potentielle naïveté, B. Schmidt répond que quiconque perd la foi que ce monde pourrait être meilleur perd confiance en lui-même et en l’avenir. Falling | In Love incarne alors une bouffée d’espoir et de divertissement dont la nuance apportée à l’actualité fait le plus grand bien. La standing ovation du public berlinois confirme cet élan de positivité colorée que le grand show est capable de transmettre à ses spectateurs.
Des billets sont disponibles sur la billetterie du Friedrichstadt-Palast à partir de 20€ et ce jusqu’au 31 mars 2024.
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