L’Espagne est de loin la destination phare des Françaises en quête de maternité et, selon les spécialistes, la nouvelle loi sur la PMA votée en France cet été ne devrait rien changer. Pourquoi ? Quelles sont les différences ? Quels avantages ? Petit guide pratique entre les deux pays.
Chaque année, des milliers de femmes françaises décident de voyager en Espagne pour réaliser leur rêve de maternité. Selon les dernières données disponibles auprès de la Société européenne d'embryologie et de reproduction humaine (ESHRE en anglais), les Françaises représentent près de 40% des femmes étrangères ayant eu recours à un traitement de Procréation Médicalement Assistée dans une clinique espagnole en 2019.
Mais pourquoi tant de Françaises traversent les Pyrénées pour faire une PMA ? Les raisons principales sont la rapidité des traitements, un taux de réussite très élevé, l'utilisation des techniques les plus avancées et, dans les plus grandes cliniques, un personnel médical francophone. Les principales différences avec la France sont le fait qu’il n’y a pas de limite d'âge en Espagne (en théorie, comme nous le verrons), les dons d’ovule ou de sperme restent anonymes, la possibilité de diagnostic préimplantatoire, l’adoption d'embryons, la vitrification d’ovule, la méthode ROPA ou la fécondation post mortem.
L’Espagne a plusieurs longueurs d’avance
L’Espagne a incontestablement plusieurs longueurs d’avance grâce à un cadre législatif en vigueur depuis 1988 et qui reste l’un des plus permissifs et ouverts d’Europe. "Les recherches sur la reproduction -explique le Dr. André Guérin, gynécologue et directeur du département francophone des cliniques IVI en Espagne- sont facilitées par des protocoles d’étude simplifiés. Il existe bien sûr un contrôle strict du ministère de la Santé espagnol, mais l’allègement des processus administratifs a fait que la recherche est très dynamique depuis plus de trente ans, avec des conséquences pratiques pour les patients en termes de niveaux de résultats vraiment très élevés".
99% de nos patients français ont déjà effectué un ou plusieurs cycles en France avant de se diriger vers l’Espagne
Comme l’explique de son côté le Dr. María Calomarde, gynécologue, spécialiste en fertilité et PMA et médecin référente pour les patientes francophones de la clinique IVF-Spain, "le plus souvent, les Françaises cherchent un traitement de PMA en Espagne pour une question de temps, de délai, ou bien pour une meilleure solution face à un cas un peu plus complexe, qui devient tout de suite le parcours du combattant pour les patients en France. Changer de pays pour un traitement médical ne se fait jamais de gaité de cœur et 99% de nos patients français, pour ne pas dire 100%, ont déjà effectué un ou plusieurs cycles en France avant de se diriger vers l’Espagne".
La fin du "tourisme reproductif" vers l'Espagne ?
Il serait alors logique de penser que la nouvelle loi sur la PMA votée le 29 juin dernier en France devrait mettre un terme au flux de femmes françaises vers les cliniques espagnoles. Il n’en sera rien. Après les manifestations dans les rues et les débats houleux à l’Assemblée Nationale, le texte original a finalement été vidé de sa substance, et ce que certains appellent de façon péjorative "tourisme reproductif" ou "de fertilité" vers l’Espagne a encore de beaux jours devant lui. En effet, la loi française reste bien trop restrictive en ouvrant timidement la procréation assistée aux femmes célibataires et aux couples de lesbiennes, ce qui est un progrès non négligeable mais, comme le signale Virginie Rio -présidente du collectif BAMP, qui défend en France les intérêts des personnes ayant des problèmes de fertilité- "c’est encore insuffisant si on la compare à l'Espagne".
C’est encore insuffisant si on la compare à l'Espagne
Le Dr. María Calomarde, d’IVF Spain, rappelle à ce sujet que "cela fait plus de 30 ans que l’Espagne accumule une expérience clinique de cas complexes, de don d’ovocytes, de méthode ROPA, de tests génétiques… Cette expérience a permis au pays de pouvoir évoluer aussi bien au niveau des techniques et des technologies, qu’au niveau de la formation et expertise de ses professionnels. Cette avance, même après la loi de juin dernier, nous la conservons".
Face à ces changements, de nombreuses femmes restent tiraillées entre le fait d'entreprendre la maternité sur le sol français, parce que c'est plus pratique, ou en Espagne en raison de ses avantages. Mais concrètement, quels sont-ils ?
Les avantages de la PMA en Espagne
Pas de liste d’attente
Les donneuses d’ovocytes sont nombreuses en Espagne. Le pays est d’ailleurs connu pour sa culture du don d’organe et de sang. Mais sans nul doute, la compensation financière (environ 1.000 euros) qu’elles perçoivent y est pour beaucoup, ce qui est normal, compte tenu des semaines de traitements hormonaux, de prises de sang, d’échographies et enfin, de l’opération de ponction ovarienne nécessitant une anesthésie générale.
En Espagne, le délai d’attente pour un don d’ovocyte avoisine les 3 mois maximum. En revanche, en France les donneuses n’abondent pas, ce qui provoque une pénurie de dons d’ovocytes, qui oblige les femmes à patienter en moyenne entre 1 et 3 ans pour accéder à leur rêve. Avec l’adoption de la nouvelle loi, si la demande de traitements augmente, la France fera rapidement face à une pénurie de gamètes disponibles pour le don et les listes d’attente devraient encore s’allonger…
Le temps pourrait donc continuer d’être l’un des principaux problèmes. "Nous sommes très heureux que la loi française avance ENFIN sur ce sujet -affirme le Dr. María Calomarde, d’IVF Spain. Cependant, il reste encore du chemin à parcourir. Si nous revenons sur les deux raisons principales qui poussent les Français à traverser les Pyrénées, les problèmes subsistent : la France élargit sa législation, mais si elle ne l’accompagne pas de moyens matériels et humains pouvant accueillir ces patientes supplémentaires, les temps d’attente vont devenir encore plus longs en France. Or, en PMA, le temps est un enjeu crucial!".
Plus de dons, plus de choix
Le fait qu’il y ait beaucoup de donneuses en Espagne permet également d’avoir plus de choix, notamment sur des profils phénotypiques variés. Trouver une donneuse ayant certaines caractéristiques physiques est plus facile. En Espagne le don d’ovocytes est anonyme, mais il est possible d’obtenir des informations succinctes sur l’âge, la taille, la couleur des cheveux, des yeux ou encore le groupe sanguin. Il est à noter que quelques cliniques acceptent même certaines demandes plus particulières, comme par exemple un donneuse avec Bac +7 ou virtuose de la musique classique !
L'anonymat des donneurs
En vertu de la nouvelle loi française, les enfants conçus grâce à un don d'ovules ou de sperme pourront connaître l'identité de leurs parents à l'âge de 18 ans. En Espagne, ce n’est pas le cas. La levée de l’anonymat des donneurs en France peut ainsi poser problème, aussi bien du point de vue des patients comme de celui des donneurs. Cela pourrait entraîner une chute drastique des dons en France. Par ailleurs, l’anonymat pousse déjà certaines femmes à préférer l’Espagne pour leur rêve de maternité.
Pas de limite d’âge… ou presque
L'horloge biologique est un facteur déterminant. Or, en France, l’âge limite pour une prise en charge pour un traitement de fertilité est de 43 ans, alors qu’en Espagne, la loi ne mentionne pas d’âge, indiquant simplement "l’âge naturel de procréation". Cependant, le Dr. André Guérin, des cliniques IVI, tient à préciser que "s'il n'y a pas de limitation officielle sur l'âge de la PMA en Espagne, l'ordre des médecins espagnols ne recommande pas un traitement de PMA au-delà de 49 ans et 11 mois et la très grande majorité des cliniques espagnoles suivent ces recommandations".
Le diagnostic génétique préimplantatoire
En France, le diagnostic génétique n’est autorisé qu’à titre exceptionnel, si dans le couple, l’un des deux partenaires a une maladie grave génétiquement transmissible. Là aussi, l’Espagne se démarque, avec l’une des lois les plus permissives au monde concernant le diagnostic génétique des embryons. Ainsi, dans certains cas, (plusieurs fausses couches par exemple), le gynécologue peut conseiller de réaliser un diagnostic génétique préimplantatoire. Les embryons générés seront analysés génétiquement avant d’être transférés dans l’utérus de la patiente. Selon la raison pour laquelle ce diagnostic est effectué, il est possible de détecter les embryons ayant une anomalie chromosomique où ceux porteurs d’une anomalie génétique.
Méthode ROPA
Un autre atout des cliniques espagnoles est qu'elles disposent de techniques très avancées, telles que la méthode ROPA (Réception des Ovocytes de la PArtenaire), toujours interdite en France. Utilisée depuis des années en Espagne, la méthode ROPA est une variante du traitement de Fécondation In Vitro. Elle permet aux couples de femmes d’être pleinement impliquées dans la grossesse. Grâce à cette méthode, les deux femmes sont mères : l’une est la mère génétique (elle apporte l’ovule), et l’autre est la mère gestante (elle mène la grossesse à terme).
Des démarches facilitées
La barrière de la langue ainsi que la logistique -voyage, transport, hébergement- créent un stress supplémentaire. Pour cette raison, les cliniques sont équipées pour recevoir une clientèle internationale et le personnel est formé pour la gestion effective à distance de ce traitement. Afin de faciliter le séjour de leurs patients, certains établissements ont des accords avec des compagnies aériennes, proposent des réductions pour l’hébergement, et ce même en haute saison touristique ou mettent les patients en relation avec des agences de voyages qui s’occupent de tout. D’autres encore prennent en charge leurs clients dès l’aéroport, avec transfert jusqu’à l’hôtel.
Par ailleurs, les plus grandes cliniques disposent d’un département international, où toute la communication se fait en français. Les nouvelles technologies, en particulier depuis le Covid-19, facilitent encore les choses. "L’utilisation de la visioconférence et de WhatsApp améliorent la communication et réduit le stress chez les patients -explique le Dr. Mónica Redondo Ania, de la Clinique Turò Park Medical. Souvent, à la fin du processus, les patients admettent que la réalité n’est pas aussi difficile que ce qu’ils avaient imaginé. Ils pensaient que cela serait plus dur psychologiquement. Échanger dans sa langue maternelle peut être un vrai soulagement pour les couples, les documents sont également en français, nous facilitons les démarches de A à Z".
Enfin, il existe des associations fondées par des Français qui ont eux-mêmes vécu ce parcours du combattant et qui peuvent aider et accompagner les personnes dans leurs démarches en Espagne, mais aussi auprès de leur Caisse Primaire d’Assurance Maladie. Parmi elles, les plus importantes sont Maia, Celia fertilité, ou Les enfants d’Arc en Ciel. En Espagne, She Oak est une association de soutien aux femmes ayant recours à une PMA à Barcelone.
L’embarras du choix
Il existe très peu de centres de PMA en France alors qu’ils sont nombreux en Espagne, publics et surtout privés, répartis sur tout le territoire espagnol (voir la liste des centres PMA en Espagne ici). Selon les chiffres de la Société Espagnole de Fertilité (SEF), les cliniques de fertilité espagnoles sont passées de 190 en l’an 2000 à plus de 300 actuellement. La Catalogne, sans doute en raison de sa proximité avec la France (près de la moitié des patientes des centres barcelonais spécialisés en PMA sont Françaises), est l’une des régions les plus dynamiques en matière de PMA. Le dernier établissement spécialisé ouvert cette année est la clinique francophone Turó Park Dental & Medical Center, bien connue des expatriés qui vivent à Barcelone.
PMA en Espagne : comparer les prix
A la question du coût total du processus, le Dr. María Calomarde, des cliniques IVF-Spain, répond sans équivoque : "C’est toujours LA grande question et malheureusement, nous avons toujours la même réponse : tout dépend de votre traitement! Dans notre groupe nous mettons un point d’honneur à faire un diagnostic très exhaustif, surtout lorsque nous sommes en présence d’un long parcours antérieur, nous permettant de concevoir un traitement entièrement personnalisé pour chaque patient. Mais il faut néanmoins compter (médicaments non inclus) pour un simple traitement de FIV (jusqu’à blastocyste) au moins 6.500€. Un transfert d’embryon à J3 (au 3e jour) serait moins cher mais ne se fait que très rarement chez nous".
Il existe de grandes disparités de tarifs et il est donc nécessaire de comparer les cliniques entre elles et demander un devis détaillé en y intégrant tous les coûts. La transparence est un facteur décisif pour le choix de la clinique. Mais il est clair qu’il faudra débourser entre 3.000€ et 10.000€ selon les cliniques choisies et les prestations.
A signaler que les patientes résidentes en France peuvent bénéficier d’une prise en charge par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), même pour un traitement effectué à l’étranger, s’il fait partie des 4 traitements de FIV remboursés et avant les 42 ans résolus de la patiente, et ce, à hauteur de 1.550€. La loi venant d’ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, celles-ci devraient également pouvoir bénéficier de ce remboursement. Mais il faudra encore attendre que les décrets d’application soient publiés.
Certaines mutuelles peuvent également reverser un complément de remboursement. Enfin, quelques cliniques ont des partenariats avec des associations françaises, telles que les collectifs déjà cités MAIA, Celia fertilité, ou les enfants d’Arc en Ciel, qui garantissent aux patients affiliés des prix préférentiels.
Enfin, il ne faut pas négliger le poste "déplacements" dans le budget, car même avec les nouvelles technologies et la possibilité de parler en visioconférence avec le gynécologue, il sera bien sûr nécessaire d’effectuer plusieurs déplacements. Il est donc difficile de déterminer précisément le coût d’un traitement à l’avance.