Les 100 ans du Lycée français de Barcelone, célébrés la semaine dernière au cours de deux journées anniversaire, auront constitué l'occasion de mesurer, s'il était nécessaire, la place exceptionnelle occupée par l'établissement au sein du réseau de l'enseignement français à l'étranger, mais aussi de la société catalane.
Lors de la soirée de gala, qui s'est tenue vendredi dernier en présence de près de 200 invités -personnels de l'établissement, élèves et anciens élèves, parents et professeurs, représentant des autorités françaises et catalanes- l'excellence pédagogique, dont a fait preuve depuis ses origines l'école, a été au cœur de la cérémonie. Samedi, au cours d'une journée familiale et festive, ce sont plus de 5000 personnes qui se sont retrouvées dans les installations du 6 de la rue Bosch i Gimpera, preuve de l'attachement que la communauté éprouve envers l'établissement.
100 ans d'histoire partagée
C'est en 1924 que les premières classes d'enseignement secondaire, destinées à préparer au Baccalauréat, voyaient le jour au sein de l'Institut français, alors situé sur la carrer de Arago. Rapidement, l'établissement aura su créer une communauté vivante et aura vu le nombre d'élèves croître de façon significative. Son rôle pendant la guerre civile espagnole, tandis que les bombes touchaient ses bâtiments en 1936, puis durant la période franquiste, avec la laïcité comme pilier de l'enseignement dispensé, l'accueil indiscriminé assuré aux élèves de confession juive, la dissidence avec Vichy et clandestinité entre 1943 et 1945, expliquent le profond ancrage de l'établissement au sein de la "cité comtale". De fait, l'impulsion de l'enseignement en langue catalane, avec des cours facultatifs créés en 1974, est venu renforcer les liens étroits tissés avec la société locale et la place particulière que la société catalane accorde au LFB : en 100 ans, le Lycée français de Barcelone est devenu une véritable institution de la ville.
Que seraient ces lieux sans l'âme de ceux qui les animèrent au fil des générations ?
Vendredi, au cours de son allocution, le proviseur Jean Bastianelli, a évoqué la communauté de personnes qui ont participé à cette histoire : "Que seraient ces lieux sans l'âme de ceux qui les animèrent au fil des générations ?", s'est-il interrogé. La présence sur la cérémonie de 4 anciens proviseurs (Juliette Pham Van, Joëlle Emorine, Dominique Duthel et Jean-Louis Périer), mais aussi de nombreux anciens, dont plusieurs élèves de la "génération 44", ayant intégré le LFB il y a 80 ans, illustrait clairement ces propos. Jean Bastianelli a aussi exprimé l'importance d'honorer cet héritage, en évoquant la nécessité de se projeter vers l'avenir. "Dans un contexte où nos grands équilibres se déplacent (...) il nous appartient plus que jamais d'avancer tous ensemble", a-t-il déclaré.
Un établissement stratégique pour le réseau
Des nombreuses allocutions qui, tout au long de la cérémonie, se sont succédées en trois langues — français, castillan et catalan – entrecoupées d'interludes animés par les élèves de l'établissement, l'intervention de Claudia Scherer-Effosse, Directrice générale de l'AEFE, aura permis de prendre une certaine hauteur concernant la place d'excellence qu'occupe l'établissement au sein du réseau mondial. Le LFB est non seulement un exemple d'intégration locale, une institution marquée à la mesure de sa part prise à l'histoire de son pays d'accueil, c'est aussi un établissement phare et "stratégique" dans le dispositif d'enseignement français à l'étranger. L'un ne va certainement pas sans l'autre, mais c'est peut-être la combinaison de ces deux faits qui font du Lycée une entité sans pareil. Le LFB est unique, à commencer par son grand âge : peu d'établissements des quelque 600 que compte le réseau peuvent se targuer d'être centenaires, a rappelé la DG de l'AEFE. Les lycées de Madrid (140 ans), Rome (120) ou Casablanca (102), sont parmi les seuls à pouvoir prétendre à une expérience équivalente.
Prétendre aux meilleures études supérieures
Surtout, le LFB joue un "rôle pionnier" dans le réseau, "avec notamment la mise en place de parcours linguistiques d'excellence", mais aussi "les synergies qu'il a su développer avec les établissements jouissant d'un statut différent", ou encore ses fonctions comme siège de l'agence comptable pour les établissements de la zone ibérique et de l'Institut régional de formation (IRF). Sous la houlette du LFB, les 26 établissements d'Espagne et du Portugal ont ainsi l’an dernier bénéficié d'une formation destinée à plus de 1300 personnels. Mais c'est bien sûr l'excellence des résultats pédagogiques qui confère au Lycée sa place prépondérante : les 2700 élèves qu'il accueille, issus d'une soixantaine de nationalités différentes, peuvent inscrire leur scolarité à l'aune des 100% de réussite obtenus l'an passé au Baccalauréat, et des 45,3% de mentions Très Bien recueillies à l'examen. Des résultats qui permettent de "prétendre aux meilleures études supérieures", selon Claudia Scherer-Effosse.
1001 hommages
"Ancré dans le territoire catalan et tourné vers la France", aux dires de Claudia Scherer-Effosse, le LFB est un "espace de vie, de partage et de culture", selon les mots de la Consule générale de France à Barcelone, Azar Agah-Ducrocq, avec pour mission d'aider les élèves "à comprendre le monde qui les entoure, dans le respect de l'autre" et, dans un monde marqué par la recrudescence des populismes, la "responsabilité de transmettre des compétences, mais aussi des valeurs". Les discours ont suivi un fil narratif valorisant une éducation différenciante. Comme l'a souligné le Conseiller de coopération et d’action culturelle à l'Ambassade de France, Eric Tallon, "le système éducatif français valorise la réflexion, l’argumentation, l’esprit critique, dispositions d’esprit d’une importance cruciale dans un monde qui change vite et fait face à des défis importants".
Comprendre le monde qui les entoure, dans le respect de l'autre
"Au cours de toutes ces années, de nombreux étudiants ont été formés humainement et intellectuellement, toujours en accord avec les traditions et les principes d'origine, avec le désir faire face aux défis des temps nouveau - et dans le domaine de l'éducation, ces défis sont nombreux", a ainsi évoqué Francesc Xavier Güell Cardona, DG des établissements éducatifs non publics au sein de la Generalité catalane. Stéphane Vojetta, député des Français de la 5e circonscription des Français de l'étranger, Samantha Cazebonne et Sophie Brillante-Guillemont, sénatrices des Français établis hors de France, ont abondé dans le même sens. Enfin, le rôle de la communauté des parents d'élèves et des alumni a été symbolisé par les prises de parole des présidents d'associations de parents d'élèves (APE et ALI) et des associations d'anciens élèves (Union-ALFM et LFB Antics).
En 1963, alors que débutaient les travaux du nouvel emplacement du Lycée, à Pedralbes, la pose de la première pierre du bâtiment avait constitué l'occasion de glisser dans le mur d'enceinte une capsule contenant plusieurs documents d'époque (messages, journaux du jour, pièces de monnaie…) comme autant de repères historiques. Ces documents, tout comme la première pierre posée à l'édifice qui aurait été symboliquement gravée, restent malheureusement introuvables à ce jour. Il faut espérer que la plaque commémorative du centenaire, posée samedi dernier sur les murs de l'école, en présence de la Directrice générale de l'AEFE, de la Consule générale de France à Barcelone et du proviseur, perdurera quant à elle au fil du temps.