Alors que le Musée National de Bangkok accueille la fameuse exposition Dvâravatî, plusieurs colloques scientifiques et conférences sont organisés en parallèle pour éclairer les mystères et les divergences qui entourent cette civilisation. Nicolas Revire, enseignant-chercheur, nous donne un avant-goût de la conférence qu'il donnera le 24 septembre à l'Alliance Française
Définir précisément Dvâravatî n'est pas chose aisée. Est-ce une civilisation, une période historique, un royaume ? Les scientifiques ne sont toujours pas d'accord entre eux. Lors d'un colloque organisé au début du mois, le consensus ne s'est pas fait. Lecteur à la faculté des Arts libéraux de l'université Thammasat, professeur invité à la faculté d'archéologie de l'université de Silpakorn, Nicolas Revire est un passionné de cette période qui faisait déjà l'objet de son mémoire de recherche à l'université Paris 3-Sorbonne nouvelle. Il donnera jeudi 24 septembre une conférence à l'Alliance Française sur les mystères qui entourent Dvâravatî et les facteurs des divergences entre scientifiques.
Pour lui, cela vient du fait qu'il n'y a pas encore d'approche multidisciplinaire dans l'étude de Dvâravatî. "Un archéologue qui raisonne à partir d'objets qu'il a sortis de terre ne donne pas la même définition qu'un géographe qui, lui, va raisonner en terme de population et de migrations", explique-t-il. Selon cet historien de l'art de formation, Dvâravatî se définirait comme "une entité historique et géographique peuplée par les Môns qui aurait occupé, au VIIe siècle, la région de Nakhon Pathom et se serait étendue, au nord, jusqu'à Lopburi et, à l'est, jusqu'à Prachinburi".
Dvâravatî, une civilisation mystérieuse, un sujet de recherche difficile
Le mystère qui entoure encore aujourd'hui Dvâravatî a deux explications.
La première est que cette civilisation a laissé peu de traces matérielles exploitables par les chercheurs. Comme le souligne Nicolas Revire, "à part quelques pièces de monnaie datées du VIIe siècle sur lesquelles sont écrites en sanscrit le nom de "Dvâravatî", des inscriptions épigraphiques et des témoignages de pélerins chinois qui mentionnent dans leurs chroniques une sorte de confédération qu'ils désignent par le nom de "Tolopoti", nous avons peu de chose".
La deuxième raison pour laquelle les chercheurs n'ont pas encore réussi à percer tous les secrets de Dvâravatî viendrait du fait que c'est un sujet peu porteur, car difficile et ingrat. Comme l'explique le chercheur, "il n'y a quasiment plus rien qui subsiste de cette période. Les quelques vestiges archéologiques n'intéressent que les archéologues. Les sites de Dvâravatî n'ont rien à voir avec les sites khmers, par exemple, où il y a encore des choses debout.
De façon générale, on s'intéresse beaucoup plus à l'histoire des Khmers ou l'histoire des Thaïs parce que c'est "visible", qu'à l'histoire des Môns de Dvâravatî qui, malheureusement pour eux et pour nous, n'ont quasiment rien laissé de monumental".
Question sensible de l'histoire de la Thaïlande avant l'arrivée des Thaïs
La difficulté de travailler sur Dvâravatî pourrait aussi s'expliquer par une raison culturelle et politique. En effet, le regard que portent les Thaïlandais sur cette période est ambigü, estime Nicolas Revire qui rappelle que les Thaïs sont arrivés dans les plaines centrales de la Thaïlande actuelle au XIIIe siècle. "Les Thaïlandais ne se reconnaissent pas tellement dans l'histoire des Môns de Dvâravatî, explique-t-il. On est là dans un problème d'identité ethnique et de rapport à l'histoire nationale. C'est un vrai problème qui ralentit beaucoup de choses sur le plan de la recherche scientifique. Et les chercheurs thaïlandais qui travaillent sur ce sujet se comptent sur les doigts d'une main !"
L'autre point sensible qui expliquerait le peu d'intérêt des Thaïlandais pour cette période, est la religion. "Ici, on veut absolument faire de Dvâravatî la période qui a vu l'introduction du bouddhisme theravada au Siam ce qui, d'un point de vue strictement historique, est très loin d'être prouvé !"
L'histoire de Dvâravatî, pourtant vieille de mille ans, n'a donc pas fini de livrer ses secrets et de susciter intérêt et controverse au sein de la communauté scientifique mais aussi chez le peuple thaïlandais.
Eléonore FOSSE, mercredi 16 septembre 2009
Une conférence en français sur l'art de Dvâravatî
Si Dvâravatî a laissé peu de vestiges monumentaux, de très nombreuses statues et oeuvres d'art nous sont parvenues. Le 24 septembre à 19h30, dans le cadre du Cycle de conférences Les Jeudis de la Culture organisé par l'Alliance Française, Nicolas Revire reviendra sur la civilisation, la culture et surtout l'art original de Dvâravatî dans une présentation accessible à tous intitulée L'art de Dvaravati : entre traditions et innovations. Une occasion de découvrir en français une civilisation fascinante et mystérieuse.
Tarifs : 150 THB (membres et étudiants) et 200 THB (non-membres) en vente à la médiathèque de l'Alliance Française. Renseignements : Anne-Sophie Jumelle, tel : 02 670 42 30