Le Parlement thaïlandais a voté contre la candidature au poste de Premier ministre du chef du parti Move Forward, sorti vainqueur des élections législatives de mai dernier
La Thaïlande a montré une fois de plus mercredi que bénéficier du soutien populaire via le suffrage universel ne suffisait pas pour se voir confier les rênes du pays. Et que la crise politique qui agite le royaume depuis près de vingt ans n’est pas finie. De nouveaux spasmes sont à prévoir.
Le chef du parti sorti vainqueur des élections législatives et candidat au poste de Premier ministre, Pita Limjaroenrat, a vu sa candidature invalidée par un vote parlementaire dont la majorité provenait de sénateurs non élus, nommés par la junte militaire issue du coup d’Etat de 2014.
La semaine dernière, les deux chambres du Parlement s’étaient déjà réunies pour élire le Premier ministre, mais Pita, candidat unique, n’avait pas obtenu la majorité requise. Cela avait amené le président de la Chambre basse à convoquer un nouveau vote parlementaire le 19 juillet. Mais celui-ci n’a finalement pas eu lieu mercredi.
À la place, les parlementaires ont débattu pour déterminer si Pita Limjaroenrat pouvait ou non représenter sa candidature au regard de règlement de la Chambre.
Ses opposants invoquaient un article du règlement stipulant qu’une motion ayant été rejetée ne pouvait être présentée de nouveau au cours de la même session parlementaire.
L’argument des partisans de Pita Limjaroenrat était que la nouvelle candidature ne constituait pas une motion parlementaire proprement dite, mais faisait partie du processus de nomination du Premier ministre.
Après plus de sept heures de débats houleux, les parlementaires ont voté pour trancher. 394 d'entre eux, pour la plupart des sénateurs non élus, ont voté contre une nouvelle candidature du chef du parti Move Forward, 312 ont voté pour, huit se sont abstenus et un n'a pas exercé son droit de vote.
"Pita ne peut pas être nommé deux fois au cours de cette session parlementaire", en vertu de l'article 41 du règlement de l'Assemblée, a déclaré le président, sous des huées des partisans du parti Move Forward, avant d’ajourner la séance et d’annoncer le prochain vote pour nommer le chef du gouvernement au 27 juillet.
"Il est maintenant clair que dans le système actuel, obtenir l'approbation du peuple ne suffit pas pour diriger le pays", a posté Pita sur Instagram pendant le débat.
En début de journée le quadragénaire diplômé de Harvard et du MIT avait dû quitter le Parlement après avoir été suspendu de son siège de député par la Cour constitutionnelle le temps de l’instruction d’une enquête.
Sept des neuf juges de la cour ont décidé de suivre les recommandations de la commission électorale, qui accuse Pita Limjaroenrat d’avoir détenu des actions dans une chaîne de télévision lors de la campagne électorale, ce que la loi thaïlandaise interdit et qui avait valu à son prédécesseur, Thanathorn Juangroongruangkit, d’être déchu de son siège de député et interdit de politique avant que son parti tout entier ne soit dissous quelques mois plus tard.
Pita Limjaroenrat s'est défendu de toute action illégale tout en rappelant que le média en question, iTV, n'émettait plus depuis 15 ans. Il risque jusqu’à vingt de bannissement de la vie politique.
Les jugements de la Cour constitutionnelle ont entrainé la dissolution d’une demi-douzaine de partis opposés à l’establishment soutenu par les militaires au cours de ces vingt dernières années et fait tomber trois Premier ministres en activité.
La dissolution en 2020 du parti Anakot Mai (Nouvel avenir), prédécesseur du Move Forward, avait provoqué un grand mouvement de manifestations pro-démocratie émanant de la jeunesse et dont les revendications impliquaient la monarchie, chose inédite dans le pays.
Des centaines de manifestants se sont rassemblés au Monument de la démocratie mercredi soir pour exprimer leur colère, la foule lançant des slogans tels que : "ils ne respectent pas la volonté du peuple", "la voix de 14 millions de Thaïlandais ne compte pas."
Après la mise à l'écart de Pita Limjaroenrat, la Thaïlande se retrouve sans aucun candidat déclaré.
Néanmoins, le parti Pheu Thai, arrivé bon deuxième aux élections derrière Move Forward, devrait vraisemblablement proposer son candidat, Srettha Thavisin, homme d'affaires de 60 ans, au profil relativement plus acceptable par l’establishment conservateur, même s’il représente un parti honni jusqu’ici par ce dernier.