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Les États-Unis disent ouvrir une "nouvelle ère" dans leurs relations avec l'ASEAN

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REUTERS/Elizabeth Frantz - Les dirigeants des pays l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) ont participé à un Sommet spécial de deux jours à Washington, les 12 et 13 mai 2022.
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 15 mai 2022, mis à jour le 16 mai 2022

Le président américain Joe Biden s’est félicité vendredi d’ouvrir une "nouvelle ère" dans les relations entre États-Unis et ASEAN malgré des promesses pour l’heure plus symboliques qu’économiques

Le président américain Joe Biden a déclaré vendredi que ce premier sommet US-ASEAN organisé à Washington avec les dirigeants de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) marquait le début d'une "nouvelle ère" dans les relations entre les États-Unis et le bloc des 10 nations.

Dans un "énoncé de vision" commun en 28 points issu de cette rencontre de deux jours, les deux parties ont franchi ce que les analystes avaient appelé en novembre une étape symbolique consistant à s'engager à faire passer leur relation d'un partenariat stratégique à un "partenariat stratégique global".

Concernant l'Ukraine, ils ont réaffirmé "le respect de la souveraineté, de l'indépendance politique et de l'intégrité territoriale", une formulation qui, selon un expert régional, va plus loin que les déclarations passées de l'ASEAN. Celle-ci ne condamne toutefois pas nommément la Russie pour son invasion du 24 février.

Partenariat "crucial"

Ce sommet était le premier organisé par un président américain depuis 2016, et le premier ayant jamais réunis les représentants des pays de l'ASEAN à Washington.

L'administration Biden veut montrer que, malgré l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les États-Unis restent concentrés sur la région Indo-Pacifique et sur le défi que représente l’influence croissante de la Chine, qu'elle considère comme son principal concurrent.

Joe Biden espérait persuader les pays de l'ASEAN de durcir leur position sur l'invasion russe de l'Ukraine.

Joe Biden lors du sommet US-ASEAN organise a Washington
Le président américain Joe Biden a qualifié de "crucial" le partenariat États-Unis-ASEAN lors du sommet spécial États-Unis-ASEAN tenu à Washington, le 13 mai 2022. Photo REUTERS/Leah Millis

Il a déclaré aux dirigeants de l'ASEAN qu'"une grande partie de l'histoire de notre monde au cours des 50 prochaines années va s’écrire dans les pays de l'ASEAN, et notre relation avec vous est l'avenir, dans les années et les décennies qui viennent".

Joe Biden a qualifié de "crucial" le partenariat États-Unis-ASEAN. "Nous lançons une nouvelle ère dans les relations États-Unis-ASEAN", a-t-il dit vendredi après avoir annoncé  la nomination de Yohannes Abraham, chef de cabinet de son Conseil de sécurité nationale, au poste d'ambassadeur auprès de l'ASEAN. Un siège qui était vide depuis le début de la présidence de Donald Trump en 2017. 

En ASEAN pour des "générations"

La vice-présidente Kamala Harris a déclaré que les États-Unis resteraient en Asie du Sud-Est pendant des "générations" et a souligné la nécessité de preserver la liberté des mers, qui, selon les États-Unis, est mise à mal par la Chine.

"Les États-Unis et l'ASEAN partagent une vision pour cette région, et ensemble, nous nous prémunirons contre les menaces aux règles et normes internationales", a déclaré Kamala Harris.

Ni elle ni Joe Biden n'ont nommé la Chine que les États-Unis accusent d'utiliser la coercition contre ses voisins.

Kamala Harris a déclaré que Washington continuerait de participer à la lutte contre le COVID-19 dans l'ASEAN, ayant déjà fait don aux pays de la région de plus de 115 millions de doses de vaccin. 

La vice-presidente des Etats-Unis, Kamala Harris, parle lors du sommet US-ASEAN
Kamala Harris a déclaré que les États-Unis resteraient en Asie du Sud-Est pendant des "générations" - Photo REUTERS/Elizabeth Frantz

Sur la question du changement climatique, elle a déclaré que les deux parties devaient montrer une ambition collective, et accélérer la transition vers une énergie propre et répondre de manière durable aux besoins en infrastructures.

L'ASEAN regroupe le Brunei, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, la Birmanie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam. Mais le dirigeant birman a été exclu du sommet à la suite d'un coup d'État l'année dernière. Les Philippines, en transition électorale, était représenté par son ministre des Affaires étrangères.

Joe Biden, qui avait organisé jeudi un dîner à la Maison Blanche, avait ouvert le sommet en promettant 150 millions de dollars dans des domaines tels que les infrastructures, la sécurité, la préparation à une pandémie et l'énergie propre.

Beaucoup de symbolique, encore peu d’économique

Mais les promesses des États-Unis font piètre figure face à celles de la Chine, qui, rien qu'en novembre, a promis à l'ASEAN 1,5 milliard de dollars d'aide au développement sur trois ans pour lutter contre le COVID et soutenir la reprise économique.

L’administration Biden travaille sur d’autres initiatives, comme le plan "Build Back Better World" qui prévoit des investissements dans les infrastructures, et le Cadre Économique Indo-Pacifique (IPEF). Mais ni l'un ni l'autre ne sont finalisés.

Selon Gregory Poling, expert de l'Asie du Sud-Est au Centre d'études stratégiques et internationales, un think-tank basé à Washington, ce qui ressort de ce sommet de Washington repose en grande partie sur des éléments symboliques, mais le volet économique est absent.

"Tout le monde semble heureux et le message diplomatique d'engagement est en train de toucher terre. Mais (…) un modeste - c’est un euphémisme - 150 millions de dollars ne va impressionner personne", a-t-il déclaré. "Cela fait que l’essentiel va reposer sur l'IPEF."

Representants de Singapour lors du sommet US-ASEAN
Singapour, représenté vendredi par son Premier ministre Lee Hsien Loong, devrait faire partie du premier groupe à s'inscrire aux négociations de l'IPEF. Photo REUTERS/Elizabeth Frantz

Annoncé en octobre, l’IPEF ne devrait pas être lancé avant la visite de Joe Biden au Japon fin mai. Or, l'IPEF n'offre pas pour l’heure l'accès élargi au marché souhaité par les pays asiatiques en raison de la préoccupation de Joe Biden pour les emplois américains. Et selon des analystes et des diplomates seuls deux pays de l'ASEAN – Singapour et les Philippines – devraient faire partie du premier groupe à s'inscrire aux négociations. 

Rehausser la relation vers un partenariat stratégique global correspond à ce que l'ASEAN a déjà fait avec l'Australie et la Chine l'année dernière. "C'est symboliquement important, même si cela ne change pas grand-chose concrètement", souligne Gregory Poling.

Ce dernier note que si la déclaration sur l'Ukraine ne condamne pas nommément la Russie, "l'appel au respect de la souveraineté, de l'indépendance politique et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine est une critique évidente de la Russie et semble engager tous les dirigeants de l'ASEAN à ne jamais reconnaître une éventuelle annexion russe en Ukraine."

La prudence est de mise

Les pays du sud-est asiatique partagent un certain nombre des préoccupations avec Washington concernant la Chine, notamment les revendications territoriales de Pékin sur de vastes étendues de la mer de Chine méridionale qui rognent sur des pays comme les Philippines, le Vietnam, ou encore la Malaisie.

Les nouveaux engagements américains incluent d’ailleurs le déploiement en Asie-du Sud-est d'un navire des Garde-côtes pour aider à contrer ce que les États-Unis et les pays de la région appellent la pêche illégale de la Chine.

Cependant, les pays du sud-est asiatique restent prudents quant à l’idée se ranger plus franchement du côté de Washington, compte tenu de leurs liens économiques importants avec Pékin et des intérêts économiques limités qu’offrent les États-Unis. De plus, certains, comme le Vietnam, le Laos et le Cambodge, ont des liens historiques résiduels avec la Russie.

Les pays de la région ont également été déçus par le délais qu’il a fallu aux États-Unis pour détailler leurs plans d'engagement économique depuis que l'ancien président Donald Trump a fait sortir son pays du Partenariat transpacifique (TPP) en 2017. 

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