Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Les banques centrales d’Asie dans le tourbillon mondial de la hausse des taux

Voici la banque centrale d'IndonésieVoici la banque centrale d'Indonésie
Reuters
Écrit par Lepetitjournal.com Bangkok avec Reuters
Publié le 22 juillet 2022, mis à jour le 22 juillet 2022

Après avoir résisté pendant un an à la ruée mondiale vers le resserrement monétaire, les banques centrales asiatiques se démènent aujourd’hui pour rattraper leur retard afin de lutter contre la hausse de l'inflation et de défendre les devises qui s'affaiblissent.

 

Singapour et les Philippines ont surpris les marchés la semaine dernière avec des resserrements inopinés, soulignant l'urgence croissante des décideurs à agir.
Un peu plus sereine, la Banque de Thaïlande (BoT) a laissé entendre par l’intermédiaire d’un de ses cadres qu’elle relèverait très probablement son taux directeur, mais que cela pouvait attendre la prochaine réunion de son comité de politique monétaire le 10 août.

Ce vendredi, le gouverneur de la banque centrale thaïlandaise, Sethaput Suthiwartnarueput, a déclaré lors d'une conférence de presse, que la BoT allait empêcher l'inflation de grimper brusquement, mais tout en veilleant à ce que tout ajustement éventuel de la politique monétaire soit progressif.

L'Indonésie, dernière colombe de l’Asie émergente, a maintenu ses taux d'intérêt, jeudi.

L'Asie a pris du retard alors que le reste du monde, y compris les marchés émergents, a commencé à relever les taux dès juin dernier, après que la Réserve fédérale américaine a lancé un calendrier accéléré pour le resserrement de sa politique.

Alors que l'inflation relativement modérée dans la région a permis aux banques centrales d'Asie de maintenir des politiques monétaires accommodantes afin de soutenir la reprise économique post-pandémique, cela a entraîné un affaiblissement des devises et des sorties de capitaux, alors que la guerre en Ukraine a exacerbé la pression sur les prix à l'échelle mondiale.

 

"Très peu de gens l'ont vu venir"

"Les banques centrales ont-elles été trop lentes à agir ? Oui, je sais, c'est une question récurrente", a déclaré mardi Ravi Menon, directeur général de l'Autorité monétaire de Singapour, lors d'une conférence. 

"Et je ne veux pas sembler sur la défensive au nom de mes collègues ailleurs, mais très peu de gens l'ont vu venir. Les marchés ne l'ont pas vu", a-t-il dit. "La montée de l'inflation a été assez rapide. Elle a été inhabituellement rapide… Et beaucoup pensaient que les risques les plus importants étaient à la baisse sur la croissance et ils ne l'ont donc pas vu venir."

Les devises et les obligations en ont fait les frais. Parmi les plus touchés, le peso philippin est en baisse de plus de 10 % depuis le début de l'année, et tout proche de son niveau le plus bas depuis près de 17 ans à 56,53 pour un dollar. Les rendements des obligations d'État des Philippines ont grimpé d'environ 200 points de base (pb) depuis le début de l'année.

 

 

La monnaie thaïlandaise en baisse de 10% sur le dollar

Le baht thaïlandais a pour sa part chuté de plus de 10 % cette année, et la Thaïlande a mis fin à une séquence de cinq mois d'investissements étrangers en actions, perdant 816 millions de dollars en juin. Cela en bonne partie à cause de la hausse des rendements du Trésor américain et du dollar - des facteurs indépendants du contrôle des décideurs locaux, donnant à l'Asie une excuse pour retarder les hausses de taux.

Mais les banques centrales découvrent soudainement qu'elles ne peuvent plus ignorer la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole. La Thaïlande et l'Indonésie ont vu l'inflation atteindre des sommets ce mois-ci.

Même la Corée du Sud, qui a commencé à relever ses taux dès août 2021, a vu en juin les prix atteindre un niveau jamais atteint depuis 24 ans, déclenchant une hausse record des taux d'un demi-point la semaine dernière.

"Ce que je soupçonne qu'ils font à ce stade, c'est vraiment (de) continuer à se concentrer sur la lutte contre l'inflation au cours des prochains mois, car c'est là que réside le problème", estime Euben Paracuelles, économiste en chef pour l'ASEAN chez Nomura.

Il ajoute que la montée de vents contraires mondiaux et le risque de récession dans les principales économies a rendu le défi politique plus compliqué à un moment où l'inflation commençait à bondir en Asie du Sud-Est.

"En fin de compte, nous avons affaire à un climat mondial de politique monétaire beaucoup plus stricte, il y a donc certainement une contrainte pour les banques centrales en général d'augmenter les taux", a déclaré l'économiste d'OCBC Wellian Wiranto.

L'Indonésie tient bon, Philippines et Thaïlande plus vulnérables

L'Inde, qui a vu pour la première fois en mai sa banque centrale relever de façon précipitée ses taux de 40 points de base, a enregistré six mois consécutifs de fuites de capitaux étrangers, contribuant à une chute record de la roupie.

La roupie indonésienne, historiquement volatile, n'affiche pour sa part qu’une baisse d'environ 5 % par rapport au dollar cette année, même si elle a connu sa plus forte baisse mensuelle en juin, reculant de 2,2 %.

Elle a été aidée dans une certaine mesure par l'amélioration de la position commerciale de l'Indonésie, riche en ressources, et par le fait que les étrangers détiennent désormais moins d'un cinquième de ses obligations à haut rendement.

D'autres économies, comme les Philippines et la Thaïlande, sont beaucoup plus vulnérables en raison de leur déficit de compte courant et aussi, pour ce qui est de la Thaïlande, de la dépendance à un secteur touristique toujours en difficulté en raison de la politique sanitaire chaotique du royaume dans sa lutte contre le Covid.

"L'Indonésie a été, pour l'essentiel, capable de retarder les hausses de taux. Mais je pense en fait qu'ils vont devoir augmenter … simplement parce que tout le monde a déjà resserré", estime Nicholas Mapa, économiste principal chez ING.

"La marge de manœuvre pour maintenir une politique monétaire favorable à la croissance touche définitivement à sa fin", ajoute l'économiste de l'UOB Enrico Tanuwidjaja, faisant référence aux banques centrales qui n'ont pas encore relevé leurs taux.

Flash infos