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Mona Kuhn : l’intimité du corps comme poème visuel, au MUCAC de Malaga

Le MUCAC (Museo Centro de Arte Contemporaneo) La Coracha de Málaga accueille jusqu’au 2 novembre la première exposition monographique en Espagne consacrée à la photographe brésilo-américaine Mona Kuhn. Intitulée « Et ton nu sera un grand poème », elle rassemble 43 œuvres réalisées entre 2004 et 2018, retraçant une trajectoire artistique devenue incontournable dans la photographie contemporaine.

Mona Kuhn devant deux de ses oeuvres / Solène Leroy Mona Kuhn devant deux de ses oeuvres / Solène Leroy
Mona Kuhn devant deux de ses oeuvres / Solène Leroy
Écrit par Marine Boullenger
Publié le 9 septembre 2025, mis à jour le 10 septembre 2025

Présente à l’inauguration, Mona Kuhn est revenue sur la philosophie qui guide son travail. Pour elle, la photographie n’est pas seulement un acte esthétique, mais le prolongement de relations profondément humaines.



Lorsque je photographie quelqu’un, je photographie des personnes qui font déjà partie de ma vie. Mon travail consiste à réunir la vie et l’art

Le corps  miroir de l’existence

L’exposition s’organise comme une constellation d’images où le nu devient langage poétique, entre ombres, lumière et fragments de nature. Loin d’une représentation frontale et froide, ses photographies révèlent une délicatesse rare. « Je ne veux pas forcer l’histoire. Je veux que l’histoire continue à se dévoiler entre vos mains », explique l’artiste à propos de ses séries conçues souvent comme des livres, objets intimes qui invitent à une lecture lente, tournée vers l’intériorité du spectateur. Son approche du nu, qu’elle revendique comme un acte de rébellion contre l’esthétique hypersexualisée des années 1990, prend racine dans son enfance et son héritage familial. Elle raconte : « Pour moi, la nudité a commencé avec mes grands-parents en Allemagne. C’était une affaire de famille, il n’y avait pas de quoi être timide. » Cette vision décomplexée nourrit aujourd’hui une œuvre où le corps est surtout symbole de vulnérabilité, de liberté et de mémoire collective.

Mona Kuhn : « Y tu desnudo sera un gran poema » / Marine Boullenger
Mona Kuhn : « Y tu desnudo sera un gran poema » / Marine Boullenger

 

Des séries emblématiques

Au fil de l’exposition, le visiteur découvre plusieurs ensembles marquants. Dans « Evidence » (2000-2008), la photographe plonge dans une communauté naturiste du sud de la France, qu’elle photographie de l’intérieur après de longs moments d’intégration. Dans « Bordeaux » (2011), elle explore les identités multiples de jeunes français d’origine maghrébine. La série « She Disappeared Into Complete Silence » (2014-2019), réalisée dans une maison moderniste de verre au désert de Mojave, interroge la permanence humaine à travers les reflets et la lumière, jusqu’à tendre vers une abstraction troublante. Enfin, avec « Bushes and Succulents » (2018), elle associe gros plans de plantes et fragments de corps féminins, renouant avec les débats féministes autour de la représentation du corps des femmes dans l’histoire de l’art. A propos de cette question du féminisme, elle souligne :

Je préfère me considérer comme une humaniste. J’essaie d’éviter les catégories, les étiquettes. Pour moi, ce qui compte, c’est de trouver ce qui nous rapproche

 

Mona Kuhn : « Y tu desnudo sera un gran poema » / Marine Boullenger
Mona Kuhn : « Y tu desnudo sera un gran poema » / Marine Boullenger

 

Une œuvre en dialogue avec l’histoire

Influencée par l’histoire du nu dans l’art occidental, Mona Kuhn en propose une vision contemporaine, à la fois intime et universelle. « Le nu, pour moi, c’est une manière de nous interroger sur qui nous sommes et sur notre place dans l’univers », confie-t-elle. Ses œuvres, présentes dans les plus grandes institutions, du Getty Museum au LACMA (Los Angeles County Museum of Art) de Los Angeles en passant par le Musée de l’Elysée en Suisse, lui ont valu une reconnaissance internationale, couronnée en 2021 par le prix Stieglitz. Pourtant, malgré ce succès, Mona Kuhn maintient une approche faite de simplicité et de proximité. À ses modèles, qui sont ses amis, elle répète : « Ne fais rien. Sois toi-même. »

Le plus important est que vous puissiez vous projeter dans certaines de ces images et y trouver des éléments de vous-même


Le musée de Málaga offre ainsi une occasion rare de plonger dans l’œuvre de Mona Kuhn, où la photographie devient un espace de confiance et de poésie visuelle. Pour l’artiste, le véritable enjeu réside dans la rencontre avec les spectateurs. 

Marine Boullenger
Publié le 9 septembre 2025, mis à jour le 10 septembre 2025
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