Née en Afrique du Nord, au Maroc, journaliste, Evelyne Abitbol a vécu la majeure partie de sa vie au Québec où elle a consacré une grande partie de sa carrière au dialogue des cultures et des civilisations et travaillé au sein d’organisations internationales et nationales à la défense des droits humains et de la démocratie. Elle partage maintenant sa vie entre l’Andalousie et le Québec.
LePetitJournal.com s’est entretenu avec elle à la suite de la parution de son dernier ouvrage qui parle du passage, en 1912, de Rainer Maria Rilke à l'hôtel Catalonia Reina Victoria de Ronda… un livre idéal pour les amoureux de l’Andalousie.
Parlez-nous de votre dernier ouvrage, Evelyne Abitbol, de votre amour pour la région de l’Andalousie
J'ai été toute ma vie irrésistiblement attirée par l'Andalousie de par mes origines séfarades
Evelyne Abitbol: C’est Salvador Chica Jimenez, l'illustrateur du livre, un andalou fier de son coin de pays qui m'a transmis son amour inconditionnel pour l'Andalousie et sa fierté d'être né à Ronda. Je l'ai découvert par ses cartes postales et affiches-posters de peintures aquarelles qu’il vend dans les boutiques pour touristes de Mijas, Marbella, Benalmadena, Arroyo de la Miel, Torremolinos, Fuengirola, jusqu’à la boutique qui fait face au musée Picasso de Malaga. Et, pour ma part, j'ai été toute ma vie irrésistiblement attirée par l'Andalousie de par mes origines séfarades puisque mes aïeuls ont dû y vivre et la quitter pour se rendre en Afrique du Nord.
Quels sont les liens entre l’Andalousie et ce grand auteur qu’est Rilke, certainement le poète le plus important du 20e siècle
Effectivement, Rilke est l'incarnation même de la poésie!
En 1912, Rilke s'est rendu en Andalousie, à la recherche d'une compréhension de Dieu, de la religion et pour poursuivre son œuvre « Les Élégies de Duino ». Il a dû être fasciné par la période de l'Âge d'or. Je raconte dans ce livre, par le biais d'une discussion à bâtons rompus avec un jeune poète, mon interprétation de son attirance pour l'Espagne et particulièrement pour l'Andalousie avec en filigrane ma propre attirance pour cette belle région.
Le fait de la présence depuis 1572 de la Real Maestranza de Caballería de Ronda, (RMR), dont les initiales sont aussi les siennes Rainer Maria Rilke (RMR), n'avait pas dû lui échapper, lui si attentifs aux signes et aux appels des anges.
Dites-nous, en quelques mots, le thème de votre livre
C'est un roman qui se déroule en une journée, durant laquelle trois personnages discutent, en se promenant dans les rues de Ronda, de la recherche faite par l'écrivain Rilke en Andalousie de Séville à Cordoba en passant par Grenade pour enfin poser ses valises le temps d'un hiver à Ronda. Comme l'ont fait avant lui Ernest Hemingway et Orson Welles.
Hannah, la narratrice admiratrice de Rainer Maria Rilke, est venue en Andalousie sur les traces de l’Âge d’or aussi puis du poète autrichien.
Hannah avait débuté son périple en Andalousie à la recherche de ses racines séfarades et se trouve au cœur des trois religions monothéistes. Werther, Hannah et le peintre Chica, dissertent de l’amour, qu’il soit sexuel ou platonique et elle acquiert peu à peu le sentiment que sa rencontre avec ce jeune poète est une page essentielle de sa vie et qu’elle éclaire tout ce qu’elle cherchait jusque-là et lui permet de mieux comprendre l’œuvre et la personnalité de Rilke qu’elle étudie depuis des décennies.
Dans mon livre, la narratrice évoque Rilke, la peinture, la poésie, la bible, Éluard, Breton et Lou Andreas Salomé, son modèle de femme libre depuis son adolescence. Sa rencontre avec un poète beaucoup plus jeune qu’elle lui permet de comprendre la personnalité et l’œuvre de Rilke dont elle est tombée très jeune amoureuse.
Qu’est-ce qui est remarquable chez cet auteur pour une amoureuse de la poésie telle que vous, Evelyne Abitbol?
Comme le disait si justement Marguerite Yourcenar:
Le souvenir de Rilke est maintenant devenu pareil à cette brise, qui rouvre comme une rose de Jericho le coeur desséché des solitaires. Parce que Rilke fut triste, notre amertume est moins grande; nous sommes moins inquiets parce qu'il vécut sans sécurité; nous sommes moins abandonnés, parce qu'il fut seul
Se sentir moins seuls, moins inquiets, moins abandonnés à la lecture de la poésie de Rilke. Son attente d'une réponse des anges qui forment notre constellation personnelle nous interpelle.
Et vous, Evelyne Abitbol, qu’est-ce qui vous interpelle? Votre combat pour la laïcité? L’importance que vous accordez au dialogue des cultures?
Mon combat pour la laïcité, je le dois justement à mes origines juives séfarades, et donc espagnoles, par la présence dans mon inconscient des trois religions monothéistes. Comme sont mises en évidence ces trois religions dans plusieurs villes andalouses.
Pour moi, la laïcité est le socle de la démocratie. Le reste, la spiritualité, appartient au domaine privé
Dans la préface de Rilke, l’Andalou, vous lirez le sentiment d'avoir vécu ma vie de « séfarade sans patrie réelle » jusqu'au moment où j'ai décidé de partager ma vie entre le Québec et l'Andalousie.
J’ai été comblée lorsque, à Cordoba, j'ai découvert la merveilleuse maison séfarade: la Casa de Sefarad.
Pour moi, la laïcité est le socle de la démocratie. Le reste, la spiritualité, appartient au domaine privé. Je reprends ici les mots de Raif Badawi, dont j'assure la défense, lus sur les murs de sa prison en Arabie Saoudite: “la laïcité est la solution.”
Le livre, coup de cœur du quotidien québécois Le Devoir, est disponible sur Amazon dès aujourd'hui et en ligne sur le site de la librairie Numérilab
Il y aura aussi des livres déposés à l'Hôtel Catalonia Reina Victoria ainsi qu'à la librairie Dumas et les librairies indépendantes à Ronda et dans certaines boutiques-souvenirs où les affiches et les cartes postales du peintre Chica sont déposées.