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La seconde vague n'a pas surpris les dirigeants français d'Espagne

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Jeremy Bishop
Écrit par
Publié le 17 novembre 2020, mis à jour le 17 novembre 2020

Après la résignation du printemps, l'optimisme de l'été a laissé place au réalisme d'un automne marqué par la seconde vague de Coronavirus, qui a très vite marqué le tempo concernant nos habitudes, notre organisation et nos projets. Consultés par nos soins, les dirigeants français installés en Espagne s'avèrent néanmoins particulièrement préparés à cette situation. De leurs témoignages, nous retiendrons, exprimés non sans une pointe d'angoisse, un certain pragmatisme, une capacité de rebondissement qui est tout à leur honneur, une empathie et une solidarité qui, depuis le début de la crise, n'ont jamais été démenties.

 

Pas surpris, mais...

On nous l'a dit et rabâché, les exemples venus d'Asie ont pu nous mettre en garde et pourtant... La parenthèse de l'été, le relâchement qui s'est avéré si nécessaire après les mois de confinement, ont peut être eu tendance à nous faire oublier la menace, ou simplement à nous faire imaginer qu'après tout, le pire scénario n'était pas forcément le seul à envisager. Et tandis que début septembre nos agendas étaient chargés d'événements et de réunions en tous genres, la réalité a très vite rattrapé les Français d'Espagne. À l'instar de Guillaume, directeur marketing et responsable de la French Tech à Barcelone, qui se dit n'être "malheureusement pas vraiment pris au dépourvu", nous êtions tous conscients que la seconde vague pouvait nous frapper. "Elle était annoncée depuis le premier confinement", rappelle-t-il. "Pas surprise, correctement informée, elle était prévisible au plan régional comme mondial", écrit, laconique, Valérie, proviseure à Madrid. Certes. "Je l'attendais plus tardive et moins violente", avoue néanmoins Grégoire, CEO d'une fintech basée à Madrid. "Je suis surpris par son ampleur et par le fait qu'on ne sache pas quand l'activité reprendra normalement", évoque quant à lui Guillaume. 

La seconde vague était annoncée. Prévoyants, les dirigeants l'ont prévue, en adaptant leur stratégie d'entreprise : "Nous étions restés en mode «protection» depuis le printemps dernier", évoque ainsi Pascal, conseiller consulaire à Barcelone, entrepreneur dans l'immobilier et la relocation. "Il y aura certainement d’autres vagues à suivre, plus ou moins importantes", avertit d'ailleurs Emmanuel, président des conseillers du commerce extérieur et CEO d'une entreprise de technologie dans la capitale. Ils n'ont donc pas été surpris, mais n'en ont pas moins, dans de nombreux cas, payé les pots cassés. "Au niveau professionnel, l'impact est énorme, en positif pour certains aspects et malheureusement en négatif pour d'autres", résume Grégoire. "Les perspectives de reprise d’activité sont malmenées du fait du manque de visibilité", observe Emmanuel. "Je note beaucoup de frilosité et d’attentisme", constate quant à elle Patricia, coach à Madrid. Le travail à distance "ralentit notre rythme de travail et notre efficacité", surenchérit pour sa part François, expert-comptable et commissaire aux comptes. 

 

S'adapter ou périr

Marielle, fondatrice d'une entreprise de conseil, analyse la situation avec la hauteur et le sang froid que sa profession requiert : "Cette deuxième vague (...) nous a tous surpris mieux préparés, sachant que tant les entreprises que les entrepreneurs avaient déjà pris les dispositions nécessaires pour travailler à distance suite à la première vague", estime-t-elle. Selon elle, il faut pour affronter cette deuxième vague "maintenir et continuer de développer les compétences digitales (...), profiter des transformations en cours pour les instaurer dans la durée, revoir les méthodes de travail et/ou se réinventer afin de se mettre au diapason quand à l’avenir du travail qui nous est arrivé par la force des choses un peu prématurement, mais décisivement". Cette capacité d'adaptation est de fait notoire chez nombre de dirigeants français en Espagne. "Il est fondamental de faire le maximum pour les équipes qui travaillent dans l'entreprise. S'assurer de leur bien-être, écouter leurs craintes et répondre à leurs besoins", complète Grégoire. Qui ajoute : "Il faut penser aux impacts de la crise pour les clients et partenaires, afin de les accompagner dans le temps. Tout le monde est affecté et seule l'écoute constructive entre tous les acteurs économiques et politiques permettra de mettre en place des solutions à court, moyen et long terme". "Toutes les crises doivent être gérées en se fixant des objectifs et des moyens pour y parvenir", résume, pragmatique, François.


"Toute crise amène opportunité"

Le slogan est connu, et si on avait eu l'occasion de le découvrir un peu en 2008, il est redevenu d'actualité en 2020. "On constate une forte accélération des projets de transformation digitale et de Big DATA", commente ainsi Emmanuel. "Cette période m'a permis de préparer «l'après», le secteur dans lequel je travaille risquant d'être impacté pendant longtemps, au moins profité-je de cette période pour développer d'autres activités et renforcer certaines compétences", déclare Guillaume. "Je crois aussi profondément que nous devons rester en mouvement, continuer à avancer dans nos vies et apprendre à vivre dans un monde d’incertitudes", résume assez bien Patricia, en une formule qui fait la synthèse entre les réflexions entrepreneuriales mais aussi les inquiètudes plus philosophiques, à caractère plus général, qui se retrouvent dans l'ensemble des réponses apportées par les sondés. "Il faut se concentrer sur les aspects positifs, comme par exemple le simple fait d'avoir été épargné par le virus", juge ainsi Julian, directeur d'un centre d'enseignement du français. "C'est peut-être un bon moment pour faire un bilan des éléments qui comptent dans une vie, qui comme on le constate face à des enjeux majeurs, ne sont pas nécessairement les éléments matériels", complète-t-il. "Même s'il est compliqué de comprendre où sont les opportunités dans ces temps incertains, elles existent ! La nature humaine est ainsi faite que, malgré le marasme économique qu'on nous prédit -et qui ne manquera pas d'arriver- il y a des avantages à notre situation actuelles : professionnellement de se poser les questions sur son avenir (comment trouver un secteur qui serait acyclique), et personnellement : passer plus de temps en famille, lire et se reposer, car la reprise va être sportive !", déclare Guillaume. "Chacun a ses propres défis et ses propres démons mais il me semble que lorsqu'on n'a pas la maîtrise sur une situation, mieux vaut l'accepter et la positiver au maximum", corrobore Valérie.

 

Résilience

"Passer par des étapes de pauvreté économique dans notre secteur artistique est chose que nous connaissons et peut être sommes nous plus résilients face à cette situation que dans d'autres secteurs", considère Fabienne, responsable d'une galerie d'art à Barcelone, qui apporte un regard un tant soit peu décalé concernant la réalité entrepreneuriale dans le pays, depuis sa perspective la plus culturelle. "Cette année je finissais de payer mes prêts bancaires ... J'ai dû en prendre d'autres... J'ai profité de toutes les aides qui pouvaient être données dans notre secteur sous formes de prêts ou subventions. Il y en a eu pas mal (de la Generalitat et de l'Etat) et il y en aura d'autres, mais il faut se tenir informé -d'oú l'intérêt de s'affilier aux Associations Professionnelles par secteur", explique-t-elle. "J'ai apprécié voir des Catalans ou résidents qui normalement évitent nos quartiers touristiques reprendre un peu possession de zones dont ils se sentaient boutés (...) Beaucoup d'entre eux ont découvert la galerie. J'ai donc eu accès à d'autres clients, plus locaux... Je pense qu'il faut vivre cette situation avec fatalité, nous n'avons pas beaucoup de choix, résister tant qu'on peut, s'aider tant qu'on peut, profiter de cette parenthèse d'activité obligatoire et préparer notre retour en fanfare !" conclut-elle.


Se serrer les coudes

"Le temps reviendra ou nous pourrons de nouveau donner libre cours à des sentiments longtemps confinés, mais pour le moment rien ne nous empêche de communiquer plus souvent avec tout ce que la technologie offre de possibilités, de multiplier les rencontres virtuelles pour réduire la distance physique. Nul doute que nous essayerons de compenser le temps perdu par des échanges plus intenses quand la distance sociale disparaîtra", avance Julián. Ce besoin de communiquer, d'échanger, d'aider l'autre, de s'identifier à une communauté aussi, qui s'était avéré si pregnant au cours du confinement, ne s'essoufle pas. À Barcelone, Pascal conseille notamment de "réserver du temps pour des actions de bénévolat ou caritatives". "C’est un bon moment pour penser aux autres qui vivent des conditions pires que les nôtres !", estime-t-il. "Nous ne nous en sortirons que collectivement !" rappelle Patricia.

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