Il n’existe pas de chiffres officieux ni officiels du nombre de Français infectés ou décédés en Espagne du Coronavirus. Ils sont pourtant nombreux et lepetitjournal.com a souhaité leur rendre hommage. Plusieurs Français qui ont survécu à ce terrible virus ont accepté de témoigner.
Chaque jour, le gouvernement espagnol publie trois chiffres officiels sur le Coronavirus. Les deux premiers, effroyables, font référence au nombre de morts et de personnes infectées. Le troisième offre en revanche une lueur d'espoir. Il s'agit de ceux qui s’en sont sortis, parfois non sans mal, et peuvent maintenant le raconter.
Je ne savais plus où j’étais
Alain est l’un d’eux. A bientôt 78 ans, ce fringant journaliste à la retraite était encore en pleine forme il y a à peine deux mois. « A l’époque, tout le monde continuait encore de voyager. Après un court séjour en France, j’ai commencé à me sentir mal, puis j’ai été pris dans la tourmente. Je débloquais complètement… Je ne savais plus où j’étais, j’avais du mal à marcher. Mais je peux difficilement en parler. Je l’ai vécu, mais je ne m’en souviens pas !
Ma compagne, qui n’arrivait pas à joindre le numéro Covid-19, a fini par m’emmener aux urgences. Heureusement, sinon je ne serais pas là pour le raconter. Je suis resté deux semaines à l’hôpital et j’ai eu droit à la totale, testé positif, avec double pneumonie aiguë et arythmie cardiaque. Les infirmières ont été formidables et je leur tire mon chapeau, de même qu’à la Sécurité sociale espagnole. J’ai vraiment eu de la chance, car beaucoup y sont restés. Je suis enfin à la maison, avec un cocktail de médicaments à prendre, et l’hôpital continue de m’appeler pour voir comment je vais ».
Jean, 53 ans, consultant à Madrid depuis 11 ans, est un autre rescapé du Covid-19. « Après une semaine de légère fièvre et mal de tête, j’ai soudainement eu des douleurs abdominales insupportables. Nous avons donc fini par aller aux urgences où j’ai immédiatement été opéré d’une hernie intestinale, peut-être provoquée par le virus... On ne le saura sans doute jamais. Une opération risquée car le test Covid-19 était positif et le scanner du thorax montrait un début de pneumonie ».
Une véritable ruche
« Deux choses m’ont marqué à jamais. La première, c’est lorsque je me suis réveillé en réanimation. A côté de moi, j’avais deux rangées de personnes en coma artificiel ; c’était très impressionnant de voir le contraste entre ces gens immobiles qui se battaient pour leur vie, et les infirmières qui couraient dans tous les sens, luttant contre la mort ; c’était une véritable ruche. Et la deuxième chose, c’est précisément l’attitude exemplaire du personnel médical. Il faut les voir à l’œuvre. Lorsque j’ai pu leur demander comment ils faisaient pour tenir, ils m’ont simplement dit qu’ils étaient à fond, surmotivés et investis d’une mission ».
En quelques heures, tout peut basculer
« Quant au débat franco-français sur les médicaments, ici, ils ne se posent pas la question. J’ai reçu un mélange –continue Jean- de Kalétra, d’azithromycine et d’hydroxychloroquine. J’ai eu beaucoup de chance. Il est clair qu’il faut bien se surveiller et réagir très vite parce qu’à un moment donné on peut être bien et quelques heures plus tard, tout bascule ».
Julie, qui travaille à Barcelone depuis quelques années, pense qu’elle a attrapé le virus lors d’une réunion de travail. « L’un de nos collègues n’arrêtait pas de tousser et, en plaisantant, on lui a dit : ‘T’as le coronavirus ou quoi ?!’. Quelques jours plus tard on a appris que c’était malheureusement le cas… »
Beaucoup ne figurent pas dans les statistiques
« J’ai été malade pendant une dizaine de jours, et je suis restée à la maison confinée. J’ai essayé en vain d’appeler le numéro d’urgence du Covid-19. Au moins cinq collaborateurs ont été touchés et l’un d’eux ne pouvait pratiquement pas parler et est encore très faible. Il y a plein de gens comme nous qui ont été malades, mais qui ne figurent pas dans les statistiques ».
Olivier, 50 ans, vit à Madrid depuis cinq ans. Il voyage énormément puisqu’il s’occupe de l’Europe du Sud pour une grande entreprise française du luxe. C’est pourtant dans un restaurant à Madrid qu’il aurait attrapé le virus. « J’ai eu beaucoup de fièvre pendant une quinzaine de jours et du mal à respirer, surtout la nuit. Je n’ai jamais pu joindre le numéro d’urgence du Covid-19. J’ai vraiment réalisé que je n’allais pas bien quand j’ai vu que j’avais du mal à marcher dans la rue. J’ai été testé positif mais j’ai dû rester tout seul chez moi. Un docteur français formidable m’appelait quotidiennement. Il m’a recommandé un jour d’aller à l’hôpital, mais ils m’ont renvoyé chez moi, en me prescrivant de la chloroquine. Le paracétamol aussi me calmait. J’ai eu beaucoup de chance, par rapport à d’autres gens, même si, plus d’un mois après, je suis toujours extrêmement fatigué. »
Changer notre mode de vie
Romuald travaille à Madrid depuis 27 ans. Lui aussi était seul pour tout gérer. « Au début, c’était juste des maux de tête, un peu de fièvre et ça disparaissait, puis revenait. Ensuite se sont ajoutés la fatigue, des problèmes gastriques et une grosse poussée de fièvre. Je me souviens être en pyjama dans la salle de bain, complètement trempé de sueur et au bord de l’évanouissement, me laissant glisser par terre. Cela a été comme ça, en dents de scie, pendant plus de 15 jours. J’ai été testé positif, mais comme je n’avais pas de toux ni de problèmes respiratoires, on m’a dit de rester à la maison, avec comme seul traitement du paracétamol. Je vais mieux mais je n’ai toujours pas récupéré le goût ni l’odorat. J’ai eu beaucoup de chance. Il faut absolument que les gens fassent très attention et prennent conscience du danger. Cela va être très compliqué de reprendre une vie normale, car on va être amené à changer notre mode de vie ».
Abandonnés à notre sort
Beatrice, 60 ans, qui vit depuis 30 ans en Espagne, dénonce la situation. «J’ai alterné pendant quelques semaines toux, fièvre, mal de tête et fatigue. En regardant autour de moi, je me rends compte qu’il y a de nombreux cas non diagnostiqués. Nous sommes des milliers à être passés par là d'une manière ou d'une autre. Et comme beaucoup, je me suis sentie abandonnée à mon triste sort. Par exemple, le téléphone d’urgence du Coronavirus est du ‘fake’! Après plusieurs jours à essayer de les avoir, leur seule réponse a été de me dire que si la fièvre ne baissait pas, que je devais appeler mon centre de santé (qui était fermé), rester chez moi et n'aller à l'hôpital que si j'atteignais 39º de fièvre, en conduisant ma propre voiture car une ambulance ne viendrait pas me chercher! »
6 semaines après, toujours essoufflés
Marina vit depuis quelques années avec sa famille à Barcelone. « C’est notre fils de 13 ans qui nous l’a refilé. Il a juste été un peu fiévreux une journée. Par contre, mon mari et moi nous sommes écroulés avec une fièvre de cheval et des douleurs musculaires, et cela a duré deux semaines, avec alternance de fièvre plus ou moins forte, toux, perte de goût et d’odorat et souffle un peu court. Actuellement, plus de 6 semaines après, nous sommes toujours essoufflés au moindre effort physique. Il n’y a pas eu de test ni d’hospitalisation. Juste du paracétamol et 10 jours d'antibiotiques. Le médecin de l’entreprise de mon mari l’a appelé tous les jours jusqu’à sa guérison. Cela rassurait, parce que c’est angoissant quand se déclarent des problèmes respiratoires et que la fièvre ne baisse pas. On ne sait jamais comment cela peut dégénérer.»