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En Espagne, plus de 96 % des nouveaux auto-entrepreneurs sont étrangers depuis 2021

Le visage du travail indépendant en Espagne est en pleine mutation. Depuis 2021, plus de 96 % des nouveaux auto-entrepreneurs enregistrés sont étrangers. Une tendance aussi discrète que massive, portée notamment par la Communauté valencienne, la Catalogne et l’Andalousie, qui révèle un déplacement profond — et désormais impossible à ignorer — du centre de gravité économique du pays.

des autonomos étrangers femmes et homme en train de travailler sur leur ordinateur dans un co working en espagnedes autonomos étrangers femmes et homme en train de travailler sur leur ordinateur dans un co working en espagne
Canva Studio, Pexels.
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 28 mai 2025

Autónomos : 96 % des nouveaux inscrits sont étrangers

Ils ont ouvert une boulangerie, lancé une entreprise de rénovation, développé un cabinet de conseil ou encore monté leur propre food truck... Discrets, souvent invisibles dans les grands récits économiques, les auto-entrepreneurs étrangers sont pourtant devenus les artisans de la croissance du travail indépendant en Espagne.

Selon les dernières données de la Fédération nationale des associations de travailleurs indépendants (ATA), entre mars 2021 et mars 2025, 96,5 % des nouveaux inscrits au Régime spécial des travailleurs indépendants (RETA) sont de nationalité étrangère. Oui, vous avez bien lu : sur les 108.155 nouvelles affiliations enregistrées, 104.338 concernent des entrepreneurs venus d’ailleurs ! Derrière ce chiffre, un glissement structurel du paysage productif espagnol.

 

 

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Valencia, première terre d’accueil des entrepreneurs étrangers en Espagne

De toutes les régions espagnoles, c’est la Communauté valencienne qui illustre le mieux cette bascule. Avec 22.391 autoentrepreneurs étrangers supplémentaires depuis 2021, elle se hisse largement en tête, devant la Catalogne (+21.046) et l’Andalousie (+15.509). Une dynamique puissante, portée presque exclusivement par des ressortissants venus d’ailleurs : les Espagnols, sur la même période, ne représentent que 3,5 % des nouvelles affiliations à l’échelle nationale.

 

 

À l’inverse, certaines régions comme le Pays basque ou l’Estrémadure enregistrent à peine quelques centaines de créations menées par des étrangers. Mais partout, ou presque, le mouvement est le même : les autonomos espagnols reculent ou stagnent, pendant que leurs homologues étrangers avancent à grands pas.

 


 

Les travailleurs indépendants investissent tous les secteurs

Les autonomos étrangers investissent tous les secteurs. En tête : la construction, avec 17. 446 nouveaux inscrits, suivis des services professionnels, scientifiques et techniques (+13 .906), de la restauration (+12.670) et des technologies de l’information et de la communication (+11.115). Un maillage large, qui illustre leur capacité à occuper aussi bien les marges du marché que ses niches à haute valeur ajoutée.

 

 

mains de freelance en train de travailler sur leurs ordinateurs sur une table

Canva Studio, Pexels. / Les travailleurs indépendants étrangers investissent tous les secteurs de l’économie espagnole, des plus traditionnels comme la construction ou la restauration, aux plus spécialisés comme les services techniques, le numérique ou la communication.

 

 

Pour Lorenzo Amor, président de l’ATA, ces chiffres traduisent « la vitalité et le dynamisme » apportés par les entrepreneurs étrangers. Avec plus d’un demi-million d’affiliés étrangers au RETA, leur rôle dans la soutenabilité du système devient central. 

 

Piliers de l’économie espagnole, mais fragiles sur leurs fondations

Mais derrière ces chiffres flatteurs, une autre réalité se dessine, plus rugueuse. Car si les travailleurs indépendants venus d’ailleurs injectent énergie et initiative dans l’économie espagnole, leur position reste fragile. En Espagne, le statut d’autónomo implique des charges sociales fixes élevées — souvent plus de 300 euros par mois —, quel que soit le revenu généré. Un seuil d’entrée qui peut vite devenir un plafond de verre, surtout pour ceux qui lancent leur activité sans filet.

À cela s’ajoute un cadre encore flou, où l’auto-entrepreneuriat sert parfois de paravent à des rapports de subordination déguisés. Avec le risque, à terme, que cette dynamique masque une précarisation silencieuse du travail indépendant. Si ces entrepreneurs étrangers constituent un moteur pour l’économie espagnole, reste à veiller à ce qu’ils ne deviennent pas de simples rouages sous tension. Raison de plus pour que les institutions regardent en face cette mutation — et qu’elles garantissent à celles et ceux qui font tourner l’économie, les droits qui vont avec.


 

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