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Comprimés d'iode stable, attaques, urgence radiologique : le point sur la situation

Centrale nucléaire attaqueCentrale nucléaire attaque
Vladimir Poutine n’exclut pas le recours aux armes nucléaires, se disant déterminé à user de « tous les moyens à [sa] disposition pour protéger la Russie et [son] peuple »
Écrit par Bénédicte Mezeix
Publié le 27 septembre 2022, mis à jour le 27 septembre 2022

Vladimir Poutine a ouvertement évoqué une possible attaque nucléaire, ce 21 septembre : si l’intégrité territoriale de la Russie est menacée, il n’exclut pas le recours aux armes nucléaires, déclarant être prêt à user de « tous les moyens à [sa] disposition pour protéger la Russie et [son] peuple ». Quelques jours auparavant, le 19 septembre - date à laquelle les troupes russes ont tiré une roquette sur la zone industrielle de la centrale nucléaire d'Ukraine du Sud, le ministère de l'Intérieur et de l'Administration polonais avait publié un communiqué sur la distribution d'iodure de potassium, à la population, en cas d’attaque nucléaire. En Pologne, la dernière menace majeure de radiation remonte à 1986, lors de la catastrophe de Tchernobyl, mais le danger plane à nouveau, depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Lepetitjournal.com/varsovie fait le point sur l'ensemble du parc nucléaire ukrainien ainsi que sur les récentes attaques visant les sites et démêle le vrai du faux, au sujet des comprimés d'iode stable, délivrés en cas d'urgence radiologique.

 

Que contient le communiqué du ministère de l'Intérieur et de l'Administration polonais ?

« Dans le cadre des activités de gestion de crise et de protection civile, en lien avec les informations des médias sur les combats dans la région de la centrale nucléaire de Zaporijia, la semaine dernière, des comprimés contenant de l'iodure de potassium ont été remis au siège du district des pompiers de l'État. Il s'agit d'une procédure standard prévue par la loi et utilisée en cas d'éventuelle urgence radiologique.

Dans le même temps, nous tenons à vous informer qu'il n'y a pas de menace de la sorte pour le moment et que la situation est surveillée en permanence par l'Agence nationale de l'énergie atomique. Les services chargés de la sécurité de l'État sont constamment prêts ainsi que la quantité appropriée d'iodure de potassium est fournie à toute personne qui en aura besoin.

Il convient de souligner que l'utilisation préventive d'iodure de potassium par vous-même n'est pas recommandée par les médecins et les spécialistes. »

 

Le vice-ministre de l’Intérieur, Błażej Poboży a justifié la démarche du gouvernement au micro de Radio Zet : « Après les reportages des médias sur les batailles près de la centrale nucléaire de Zaporijia, nous avons décidé... à l’avance pour prendre des mesures de protection pour distribuer de l’iode ». 

 

 

D’où pourrait venir le danger ?

Le parc nucléaire ukrainien en service a une puissance installée de 13,1 GW, ce qui en fait le 8e plus important parc nucléaire au monde en matière de capacité installée (95,5 GW nucléaires aux États-Unis, 61,4 GW en France).

L’Ukraine possède quatre centrales nucléaires actuellement en service :

  1. La centrale nucléaire de Khmelnitski à Niecieszyn : en service, 2 réacteurs d’une puissance cumulée de 1.900 MW.​​​​​​
  2. La centrale nucléaire d’Ukraine du sud ou Youjnoukraïnsk dans l’oblast de Mykolaïv : en service, 3 réacteurs, d’une puissance cumulée de 2.850 MW. Sur le site de l'AIEA (Agence Internationale de l'Energie Atomique) on peut lire que d'après SE NNEGC « Energoatom », (dont le nom complet est National Nuclear Energy Generating Company of Ukraine), le 19 septembre 2022 à 00:20, les troupes russes ont tiré une roquette sur la zone industrielle de la centrale nucléaire d'Ukraine du Sud. Une puissante explosion s'est produite à seulement 300 mètres des réacteurs de la centrale nucléaire d'Ukraine du Sud. Les bâtiments de la centrale ont été endommagés par l'onde de choc et plus de 100 fenêtres ont été brisées. Une des unités hydroélectriques de la centrale hydroélectrique d'Oleksandrivska a été arrêtée. La centrale hydroélectrique d'Oleksandrivska fait partie du complexe énergétique de l'Ukraine du Sud. Trois lignes électriques à haute tension ont également été déconnectées. Les trois unités de production fonctionnent normalement. Aucune victime n'est à déplorée parmi le personnel de la centrale.
  3. La centrale nucléaire de Rivne ou Rovno suivant la traduction à Varash : en service, 4 réacteurs d’une puissance cumulée de 2.657 MW.
  4. La centrale nucléaire de Zaporijia à Enerhodar : en serviceL’unité de Zaporijia est la plus grande centrale nucléaire d’Europe6 réacteurs d’une puissance cumulée de 5.700 MW. Les bombardements sur le site de Zaporijia ont endommagé des bâtiments proches des six réacteurs et coupé des câbles électriques, risquant une catastrophe nucléaire qui affecterait les pays voisins. 

 

Une centrale hors-service

  1. La centrale nucléaire de Tchernobyl, à 18 km de Tchernobyl est aujourd'hui hors service. Les quatre réacteurs de la centrale nucléaire ont été arrêtés en 1986, suite à la catastrophe survenue sur le site de Tchernobyl, néanmoins, les trois réacteurs non accidentés ont été redémarrés à la fin de l'année 1986. Quant au réacteur numéro 3, le dernier à être resté en service, il a été définitivement stoppé le 

 

Quatre centrales inachevées

L'Ukraine compte également des centrales inachevées. A la suite de la crise de Tchernobyl, les constructions des centrales :

  1. de Kharkiv,
  2. de Crimée,
  3. d'Odessa,
  4. de Tchyhyryne ont été définitivement arrêtées. Aucune matière radioactive n'est donc présente au cœur de ces ruines de béton.

 

Rafael Grossi, lundi 26 septembre, à l’ouverture de la conférence générale annuelle de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique à Vienne a déclaré : « Cette guerre doit cesser. Mais avant cela, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter un accident nucléaire qui ajouterait une tragédie à la souffrance ». 

Le directeur général de l’AIEA ne cesse de réclamer une zone de protection autour du site de Zaporijia...

 

Comprimés d’iode stable : efficaces ou pas, démêlons le vrai du faux !

1 - Il est possible de prendre des comprimés d’iode stable en prévention 

FAUX. Les comprimés d’iode stable doivent être administrés en situation accidentelle et uniquement sur instruction des autorités. Pour être efficace, le comprimé doit être ingéré au plus tard 8 heures après l'accident nucléaire. Toute nouvelle prise du traitement ne devra se faire que sur instructions des autorités compétentes.​

 

2 - L'iode stable est indispensable au bon fonctionnement de la thyroïde

VRAI. L’iodure de potassium, appelé iode stable, est indispensable au bon fonctionnement de la glande thyroïde. La prise d’iode stable, associée à la mise à l’abri est un moyen de protéger efficacement la thyroïde contre les effets des rejets radioactifs qui pourraient se produire en cas d’accident. Dans ce cas, le rejet d'iode radioactif dans l’atmosphère constituerait le risque sanitaire le plus important pour la population. Respiré ou avalé, ce dernier se fixerait sur la glande thyroïde et pourrait accroître le risque d’apparition de cancer de cet organe, surtout chez les enfants. L’iode stable sature la glande qui ne peut plus capter ou fixer l'iode radioactif.

 

3 - L’iode stable protège de tous les éléments radioactifs

FAUX. La prise de comprimés d’iode stable ne protège pas des autres éléments radioactifs (comme le césium 134 ou le césium 137 - rejets des centrales nucléaires en fonctionnement normal, rejets accidentels des centrales et les essais nucléaires atmosphériques réalisés après 1945).

 

4 - Tout le monde peut prendre des comprimés d’iode stable 

VRAI ET FAUX. En l’état actuel des connaissances, en dehors de quelques pathologies immunologiques préexistantes rarissimes, il n’y a pas de contre-indication à l’administration d’iodure de potassium, notamment aux enfants et adolescents jusqu’à 20 ans et aux femmes enceintes.

Néanmoins, il existe des contre-indications rares à la prise de comprimés d’iode stable. Comme tout médicament, ces comprimés sont des produits actifs.  Il est important de demander conseil à votre médecin traitant dès maintenant si :

  • vous avez une allergie connue à l’iode, même si cela est très rare.
  • Vous avez un antécédent ou une maladie thyroïdienne en cours (hyperthyroïdie ou hypothyroïdie…) ou si vous avez été opéré de la thyroïde.
  • Si vous avez eu une ablation totale de la thyroïde, les comprimés d’iode ne vous sont pas utiles. Mais si l’ablation est partielle, les comprimés d’iode conservent toute leur utilité et il est donc nécessaire de les prendre.

 

5 - Il est possible de développer une allergie lors de la prise des comprimés d’iode stable

VRAI - Les allergies connues à l’iode sont extrêmement rares. S’il est possible d’être allergique aux excipients contenus dans les comprimés d’iode, c’est également très rare. En cas d’allergie avérée, consultez votre médecin traitant pour obtenir plus d’informations sur les solutions de remplacement.

 

6 - Certains spécialistes affirment que l’iode stable n’a aucune efficacité sur les adultes

FAUX - Plus la personne est jeune, plus la sensibilité de la thyroïde à la fixation de l’iode est importante, et ceci explique que les femmes enceintes, les nouveau-nés et les enfants sont les personnes à protéger en priorité. Néanmoins, la protection de la thyroïde des adultes est justifiée car il est difficile de déterminer une limite d’âge quant à l’efficacité de la prise du comprimé d'iode.  

 

En cas d’accident nucléaire, la priorité est donnée à l’évacuation des populations. Le reste des mesures : mise à l’abri, prise d’iode sont des mesures de prévention.