La communauté chinoise en Indonésie représente aujourd’hui 3 % de la population. Elle est en grande majorité constituée de descendants de familles chinoises arrivées dans l’archipel depuis plusieurs générations. Originaires principalement des provinces du Fujian et du Guangdong, les différentes communautés se sont établies sur Java et Sumatra au sein des villes où elles ont développé des activités de commerce ; très peu exerce le métier de pêcheur ou fermier.
L’arrivée exacte des premiers migrants en Indonésie n’est pas connue. Mais dès le Vème siècle, la Chine est engagée dans le commerce avec les pays de la région. Les marchands s’installent dans les ports où ils font du commerce. Les événements au sein de l’empire du milieu au cours des siècles forcent certains à quitter le pays. Entre 1405 et 1433, plusieurs expéditions commandées par l’Amiral Zheng He débarquent à Java et Sumatra à la recherche d’opportunités.
Lorsque la VOC - la Compagnie Néerlandaise des Indes Coloniales - s’établit en 1619 à Batavia (ancien nom de Jakarta), les Hollandais encouragent la présence de la communauté chinoise reconnue pour son travail et son habilité. Sous le gouvernorat de Jan Pieterszoom Coen, surnommé «le boucher de Banda », des Chinois sont kidnappés dans les provinces du sud de la Chine pour être emmenés en tant que prisonniers pour peupler « Batavia, mais aussi Ambon et Banda, les fameuses iles aux épices ».
À Batavia, la communauté chinoise intègre et accueille les règles de l’empire colonial hollandais. Le commerce se développe et le rôle de la communauté est primordial dans la ville. Entre 1619 et 1740, un historien hollandais décrit Batavia comme une ville chinoise sous protection hollandaise. Avant 1740, les Chinois qui habitent Batavia se considèrent égaux aux Hollandais. On enregistre en 1674, 2.747 Chinois et 2.024 Hollandais entre les murs de la ville. En 1739, la population chinoise s’est multipliée par cinq. Afin d’organiser la société, le régime colonial divise la société en trois : au-dessus de la pyramide, on trouve les Hollandais, au milieu, les Chinois, et les natifs en bas.
En-dehors des murs de Batavia, de nombreuses exploitations de sucre se développent et elles font appel à une large main d'œuvre venant de Chine. Il est alors difficile de gérer cette population hors des murs qui ne répond pas aux ordres des Hollandais ni de la communauté chinoise installée.
En 1740, trois jours de massacres sanglants entraînent la mort de plus de 5.000 Chinois. Le nombre croissant de la population chinoise en-dehors de Batavia difficile à contrôler, la chute du cours du sucre en Europe dès 1730 qui a provoqué des licenciements et la fermeture de plusieurs moulins à sucre et des rumeurs sont sans doute à l’origine de ces émeutes. Tout comme les rumeurs concernant les bateaux qui ramenaient les ouvriers chinois à Ceylan pour les installer. Ces ouvriers auraient été jetés par-dessus bord. En réaction, de nombreux Chinois s’organisent en bande et attaquent les soldats hollandais. Le gouverneur général ordonne que toutes les maisons chinoises soient fouillées à la recherche de caches d’armes. Dans la nuit du 9 octobre 1740, la ville est en feu, la population panique, toutes les maisons chinoises sont détruites et une grande partie de la population hommes, femmes et enfants est massacrée.
Les survivants quittent Batavia, emportant avec eux leurs compétences qui faisaient la force de la ville. Ils s’installent en-dehors de la ville, dans le quartier qui porte le nom de Glodok et qui est toujours le cœur de Jakarta aujourd’hui.
Durant les deux siècles qui suivront, la communauté chinoise subira de nombreuses périodes de répression. Entre autres, en 1959, le gouvernement interdit en zone rurale que les commerces soient détenus par de Chinois, forçant ceux-ci à transférer leurs entreprises à des natifs ; dans certaines régions, les Chinois n’ont plus l’autorisation de construire, ce qui entraîne le retour d’une partie de la communauté en Chine. Suite au coup d’état de 1965, dans une époque où règne un climat anti-communiste, la réussite de la communauté est vue comme suspecte, il y aura de nombreux assassinats.
Sous l’ère du président Suharto, l’Indonésie est une jeune démocratie et elle doit développer son économie. Après avoir initié un programme « Banteng » en 1950, pour tenter d’inciter les « pribumi » à développer leur entreprise et devant le peu de résultats, le président Suharato favorise le développement de la communauté chinoise. Elle bénéfice d’opportunités, et durant les 20 années qui suivront, les entreprises détenues par des Chinois-Indonésiens fleurissent et réalisent de beaux succès.
Néanmoins, durant cette période, des mesures sont prises pour que la communauté se sépare de ses traditions afin de s’assimiler à la population locale. Les écoles et journaux en chinois sont interdits, les Chinois doivent transformer ou « indoniser » leur nom, les fêtes chinoises sont prohibées, les temples fermés…
En 1998, une crise économique frappe la région, la communauté chinoise est à nouveau la cible. Glodok est incendié, des massacres sont perpétués, plus de 1.000 morts et de nombreux viols sont commis. Des événements qui laissent aujourd’hui encore une cicatrice profonde dans la communauté.
Le nouvel an chinois n’est célébré en Indonésie que depuis 2002, c’est sous la présidence de Megawati Soekarnoputri que cette journée a été déclarée fériée. En 2006, l’Assemblée Nationale adopte une loi permettant aux citoyens d’origine chinoise de bénéficier du même statut que les « pribumi » ou natifs. La communauté se fait une place légitime dans le pays.
Deux origines possibles du nom Glodok :
- Glodok viendrait du mot sundanais « GOLODOG » qui signifie l’entrée de la maison, la vieille ville de Sunda Kalapa étant la porte de l’ancien royaume Soudanais.
- L’autre explication viendrait de « grojok grojok », bruit que faisait l’eau en sortant d’une fontaine située sur la place Batavia à Jakarta.