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ENQUÊTE - Istanbul, capitale mondiale de la chirurgie esthétique

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Écrit par Charlotte Meyer
Publié le 25 août 2020, mis à jour le 11 janvier 2021

(Cet article a été publié une première fois en juillet 2019.)

Certains rejoignent Istanbul pour la beauté de Sainte Sophie, d’autres pour visiter les cliniques de chirurgie esthétique. Liposuccion des cuisses, rectification du nez, implants capillaires ou augmentation mammaire, le tourisme médical esthétique en Turquie a de beaux jours devant lui.  

Admirer les rives du Bosphore depuis sa chambre d’hôpital, c’est ce qu’a choisi Jorge pour son premier séjour à Istanbul. « Ça faisait plusieurs années que cette idée me tournait dans la tête et un ami m’a encouragé à sauter le pas Noël dernier. Il a eu raison » témoigne-t-il. Venu tout droit d’Espagne pour des implants capillaires, le client sourit sous sa casquette ouverte. Il poursuit : « Mes proches me répétaient toujours que les cheveux, ce n’est pas grave, que j’en avais assez comme ça. Dans l’esprit de la plupart des gens, aller se faire opérer en Turquie c’est inimaginable. C’est vrai que ça peut paraître loin juste pour une opération. Mais bon, ce n’était plus possible ! » conclut-il en désignant son crâne.

Le client ne tarit pas d’éloges sur son expérience turque. Très enthousiaste, il raconte son arrivée à Istanbul, son soulagement d’être pris en charge dès l’aéroport, le professionnalisme et la gentillesse de la clinique. Il lance un clin d’œil au médecin assis à côté de lui : « Franchement, il n’y avait pas de quoi s’inquiéter ! »

Pourquoi la Turquie ?

Jorge est loin d’être le premier à céder aux tentations des cliniques stambouliotes. Si le tourisme médical y a le vent en poupe, le pays est devenu le pôle incontournable de la chirurgie esthétique. Depuis une dizaine d’années, ce secteur a été multiplié par dix : sur le podium, elle apparaît à la troisième place, juste derrière les Etats-Unis et la Corée du Sud. De l’Europe au Moyen-Orient, les clients internationaux sont de plus en plus nombreux. Première raison de cet engouement : un prix dérisoire par rapport à ceux proposés dans les cliniques européennes.

« Pourquoi la Turquie plutôt que la France ? Sans parler de l’aspect low cost, qui est loin d’être négligeable, j’ai surtout choisi cette clinique pour les délais d’attente. Par rapport à ici, ce n’est clairement pas la même chose ! » Théo a délaissé les cliniques françaises pour les paysages turcs. Il est d’ailleurs un habitué. S’il est venu à Istanbul cette année pour une rhinoplastie, il s’était déjà rendu à Ankara trois ans plus tôt pour une greffe de cheveux. Deux services dont il s’estime satisfait : « Moins cher et tout autant de qualité ! » affirme-t-il. Le prix reste le point décisif du départ en Turquie. Dans le cas de Théo, une rhinoplastie revient à 2500 euros contre le double en France. Quant à Jorge, il a réalisé son implant capillaire pour 4 000 euros contre 8 000 en Europe. Certains chirurgiens seraient même 90% moins chers que dans d’autres pays. Le délai d’attente mentionné par Théo est lui aussi bien réel : là où un Européen doit patienter parfois plus de six mois pour une opération, la Turquie propose des rendez-vous sous huit jours.

Formation

Que les probables clients se rassurent : le prix ne semble pas avoir d’impact sur la qualité de l’opération. Si beaucoup d’étrangers hésitent à rejoindre les cliniques turques par crainte du résultat, la plupart en sortent un sourire aux lèvres. Venue spécialement de Suisse pour une rhinoplastie, Anaïs a été confrontée aux mêmes hésitations que Jorge avant son départ. Elle témoigne : « Que ce soient mes amis, ma famille ou encore les gens avec lesquels je discutai sur des forums, on me déconseillait de faire autant de kilomètres pour arranger mon nez. Pour eux, il y avait d’énormes risques que je bousille mon corps. » La jeune femme est pourtant loin d’être déçue : « Tout s’est bien passé. L’équipe est très accueillante et mon médecin a été très efficace. J’ai eu raison de lui faire confiance. » Son opération lui a coûté cinq fois moins cher qu’en Suisse.

Si Anaïs, Jorge et Théo ont pu s’envoler sans problème pour la Turquie, c’est grâce aux agences qui font le lien entre les patients et les cliniques du pays. C’est par exemple le cas de Medical Holidays Services (MHS) et de Novacorpus. Leur rôle ? « Nous conseillons les patients depuis leur désir de se faire opérer en Turquie et les suivons jusqu’après l’opération» explique MHS. « On s’assure aussi que le patient ne rencontre aucune difficulté sur place. Par exemple, nous faisons en sorte qu’il soit pris en charge à l’aéroport mais aussi que la langue ne constitue pas une barrière entre lui et la clinique. »  La langue reste le frein majeur dans le pays. « J’ai eu la chance d’être épaulée par un traducteur qui parlait français » s’exclame Anaïs en secouant sa queue de cheval. « Heureusement car je ne parle pas un mot de turc, et j’ai eu l’impression que l’anglais y était assez faible. »

2 millions de patients internationaux en 2030

Face à l’augmentation du tourisme médical, le pays a mis les moyens dans les formations d’expertise en chirurgie plastique. Depuis plusieurs années, les hôpitaux publics comme privés ont largement investi dans les équipements technologiques de pointe afin de concurrencer les pays occidentaux. Leurs médecins sont de mieux en mieux formés. Régulièrement envoyés en Europe ou en Amérique afin de se spécialiser, ils suivent l’apprentissage de plusieurs langues étrangères pour attirer la clientèle internationale.

En mai 2019, le service de santé privé turc MLP Saglik Hizmetleri a déclaré que les revenus du tourisme médical à l'étranger avaient augmenté de 79% par rapport à l'année précédente et que ce secteur restait un moteur de forte croissance à l'avenir. En 2018, le tourisme médical aurait rapporté 1,5 milliard de dollars au pays. Les simples implants capillaires rapporteraient à eux seuls plus d’un milliard d’euros chaque année à l’économie turque. Devant ces chiffres, le ministère turc de la santé a fixé un objectif de 2 millions de patients internationaux pour 2030, espérant recueillir 7.5 milliards de dollars. Selon le ministère, les hôpitaux des grandes villes comme Istanbul et Ankara pourraient devenir le pivot du tourisme de santé.

En plus de s’être lancé dans la construction de nouvelles infrastructures, le pays a créé un service de traduction pour les patients internationaux. L'unité internationale d'assistance aux patients (IPAU) du ministère turc de la Santé fournit désormais une traduction orale 24h/24, 7j/7 en anglais, allemand, français, russe, arabe et farsi pour aider les touristes étrangers ou les personnes cherchant des soins médicaux en turc. Une chose est sûre, le tourisme médical esthétique en Turquie n’est pas prês de s’arrêter.

Publié le 25 août 2020, mis à jour le 11 janvier 2021

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