Chers lectrices, chers lecteurs, depuis le COVID19, de nombreux locataires ont été confrontés à des indexations de loyers excessives ou encore à des menaces de résiliation de leur bail. Aussi est-il opportun de connaître vos droits en tant que locataire et de ne pas céder aux "harcèlements" de certains bailleurs.
Alors que les loyers en Turquie (même dans une mégalopole comme Istanbul) étaient plutôt "raisonnables" par rapport à d’autre pays, notamment européens, la pandémie a fait exploser les prix. Les habitations avec jardin et espaces de plaisance (aire de jeux pour enfants, piscine, tennis etc) ont doublé, voir triplé de valeur avec le confinement. Cet épisode passé, l'inflation galopante et la spéculation, ont conduit à des niveaux de loyers identiques voire supérieurs à ceux de nombreux pays d'Europe.
Agents immobiliers et bailleurs ont fait monter la pression et nombreux sont les locataires qui se trouvent confrontés à des demandes pas toujours justifiées. Aussi nous paraît-il important de vous en dire un peu plus sur vos droits.
Dans quel cas le loyer peut-il être indexé ?
Les baux résidentiels et commerciaux en Turquie sont régis par la deuxième section de la Loi sur les obligations n°6098 (Türk Borçlar Kanununun (TBK), Konut ve çatılı işyeri kiraları).
En application de l'article 344 de cette loi, le taux d'indexation applicable à l'occasion du renouvellement annuel du bail ne peut être supérieur à l'indice des prix à la consommation (Tüketici Fiyat Endeksi - TÜFE) de l'année précédente. De plus, au regard de l'hyper inflation actuelle, le Gouvernement a décidé en 2022 de plafonner pour le moment cette indexation à 25% en ce qui concerne les baux résidentiels. Toute clause contraire de votre contrat de bail est par conséquent considérée comme nulle et donc non applicable.
Il est toutefois important de noter que cette disposition n'est applicable que lorsque le loyer est payé en livres turques (TL). En revanche, si le locataire n'est pas turc et que le loyer est payé en devises (Euro, Dollar), le bail ne peut pas être indexé pendant les 5 premières années.
Par ailleurs, si les bailleurs doivent pouvoir augmenter leurs loyers compte tenu de l'inflation, les locataires sont considérés comme devant être protégés. Aussi la loi prévoit que le bail d'un locataire qui paye régulièrement son loyer dans les délais et dont le loyer a été indexé de 25% ces deux dernières années (jusqu'en juillet 2024) ne peut être résilié sauf exceptions ci-après.
Dans quels cas le contrat de bail peut-il être résilié ?
En application de l’article 347 de la Loi, le locataire peut mettre unilatéralement fin au contrat de bail, par écrit, jusqu’au 15ème jour avant son expiration.
Il n'en va pas de même pour le bailleur, qui ne peut résilier le contrat que pour un des motifs suivants :
- le locataire est en place depuis 10 ans ou plus (dans ce cas, la rupture doit être notifiée au locataire 3 mois avant la date d'expiration du bail. A défaut, le bail est reconduit pour un an supplémentaire) ;
- en cas de force majeure, si le bien loué a été détruit ou nécessite des réparations conséquentes (par exemple par décision de la municipalité en raison du risque sismique) ;
- le bien est nécessaire pour abriter le bailleur ou les membres de sa famille (époux / épouse, ascendant, descendants) ;
- le locataire ne paye pas le loyer et les charges (avec cependant certaines exceptions) ;
- le locataire est décédé (sans la présence d'héritiers vivant sous son toit).
Même dans ces hypothèses, il est aujourd'hui en pratique difficile pour un bailleur de faire expulser son locataire compte tenu des lenteurs procédurales liées à l'encombrement des tribunaux : la première audience n'est souvent programmée qu'au bout d'un an et la mise en œuvre de la procédure d'expulsion peut quant à elle durer entre 3 et 5 ans (sachant qu'en outre une médiation doit être mise en œuvre dans certains cas).
Aujourd'hui, dans notre pratique, nous assistons à des tentatives de reprise des biens par des bailleurs au motif qu'ils veulent y habiter ou y loger un de leurs proches. Dans cette hypothèse, sachez que si vous acceptez de quitter votre logement et que le bailleur le reloue finalement à une tierce personne au lieu d'y habiter lui même ou d'y loger des membres de sa famille au cours des 3 ans qui suivent votre congé, vous pouvez obtenir des dommages et intérêts d'une valeur équivalente à au moins un an de loyer.
En conclusion, chers bailleurs, choisissez bien vos locataires ! Et chers locataires, n’ayez pas de crainte d’expulsion tant que vous payez vos loyers et vos charges à temps !
Ihsan Osman Yarsuvat, Avocat au Barreau d’Istanbul