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Retour sur l'histoire de l'inestimable bibliothèque de l’EFEO à Chiang Mai

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Catherine Vanesse - Louis Gabaude et Mme Rosakon, la bibliothécaire de l'EFEO
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 5 novembre 2021, mis à jour le 1 janvier 2022

Avec plus de 100.000 ouvrages, la bibliothèque de l’EFEO est l’une des plus riches de la région. Retour sur la constitution de cette collection d’exception. 

Installée depuis 1976 au bord de la rivière Ping à Chiang Mai sur l’ancien site du consulat français, l’Ecole française d’Extrême-Orient n’a cessé d’évoluer au fil du temps. “Le centre a été construit par François Bizot en 1976”, raconte Yves Goudineau, directeur de l’EFEO à Chiang Mai depuis 2018. 

Après avoir dû quitter le Cambodge et le régime des Khmers rouges, le spécialiste du bouddhisme et écrivain François Bizot est venu s’installer à Chiang Mai sur le terrain actuel de l’EFEO où il a construit sa maison à partir d’éléments traditionnels de la région. Habitation personnelle, le lieu devient également un centre de recherche sur le bouddhisme et rejoint l’EFEO en 1976, un réseau de 18 centres répartis entre l’Inde et le Japon. 

 

EFEO
Arrivé en 1976, François Bizot a construit pendant 7 ans la partie la plus ancienne de l'EFEO. Photo Catherine Vanesse

Dans les années 1980, la bibliothèque de l’EFEO de Chiang Mai a commencé à se développer avec l’arrivée de Louis Gabaude. “Tout a commencé en 1982, à l’occasion du bicentenaire de la dynastie Chakri, le directeur de l’EFEO à Paris m’a demandé d’acheter toutes les publications en lien avec cet événement et de les envoyer à Paris. Ensuite, il m’a demandé de continuer, sauf que j’ignorais ce qu’ils avaient à Paris!”, se souvient Louis Gabaude. 

À une époque où les ordinateurs ne faisaient pas encore partie du quotidien, les recensements de livres, ou ce que l’on appelle bibliographie, se faisaient encore à la main. En tant que chercheur et collectionneur invétéré de livres et publications, Louis Gabaude avait engagé une bibliothécaire pour faire des fiches sur chaque livre. Afin de se faire une idée du contenu de la bibliothèque à Paris, il l’a envoyée deux fois en mission en France. “Finalement, en 1989, nous avons sorti le premier catalogue de ce qu'on appelait le fonds de Thaïlande de la bibliothèque de l'École française d'Extrême-Orient à Paris. Aujourd’hui, qui prendrait la peine de lire ces fiches écrites à la main, c’est un peu préhistorique! Mais cela avait le mérite d’exister et de permettre de savoir ce qu’il y avait à Paris afin de ne pas envoyer de doublon”, ajoute le spécialiste français du bouddhisme theravada d’Asie du Sud-Est. 

 

publication EFEO
Tout en constituant un fonds d'ouvrage de références sur la Thaïlande, Louis Gabaude continuait d'alimenter sa bibliothèque personnelle. Photo Catherine Vanesse

En parallèle des ouvrages envoyés à Paris, Louis Gabaude continue d’élargir sa collection personnelle ainsi que le fonds du centre de Chiang Mai. Avec l’arrivée des ordinateurs, Louis Gabaude recense et enregistre dans des bases de données les livres, revues, publications, mémoriaux de décès, etc. 

“Au milieu des années 1990, j’étais capable de fournir des bibliographies intéressantes aux étudiants français ou étranger et même aux journalistes qui s’intéressaient à la Thaïlande. Ils me demandaient ce que j’avais sur les femmes, la prostitution ou les éléphants, en faisant une recherche dans ma base de données, je pouvais sortir 200 titres sur les éléphants ou 500 sur les femmes. À l’époque, c’était rare, c’était peut-être même unique”, détaille celui qui fût le directeur du Centre de l’École française d’Extrême-Orient de Chiang Mai de 1995 à 2005. 

Le fonds Gabaude

Au début, le centre de l’EFEO était principalement tourné sur les recherches sur le bouddhisme, mais au fil du temps, il y a eu une ouverture vers l’histoire, l’anthropologie, l’ethnologie, l’épigraphie et les relations diplomatiques régionales. 

Dans les années 1990, Louis Gabaude montait à la fois la bibliothèque de l’EFEO tout en développant sa bibliothèque personnelle, au point que cette dernière a pris des proportions plus importantes que celle de l’EFEO”, commente Yves Goudineau. 

 

Yves Goudineau
Yves Goudineau est directeur d’études (‘Ethnologie comparative de l’Asie du Sud-Est’) et actuel responsable du Centre EFEO de Chiang Mai. Photo Catherine Vanesse

Dès lors, l’idée émerge peu à peu d’acquérir la collection de Louis Gabaude. C’est d’ailleurs avec beaucoup de modestie qu’il évoque le moment où il a réalisé la valeur de sa collection personnelle : “Lors d’une réunion à Chiang Mai avec les directeurs de l’EFEO en 1993, j’avais organisé un dîner chez moi et bien sûr, ils m’ont demandé de voir ma bibliothèque qui occupait quand même deux grandes pièces de ma maison! Ils ont dit que l’EFEO devrait acheter ma bibliothèque. Je ne pensais pas que ma bibliothèque pouvait avoir un intérêt pour d’autres personnes que moi ou mes proches”

45.000 livres et 25.000 périodiques

Pour autant, il faut attendre le début des années 2000 avant qu’un spécialiste ne vienne évaluer la collection de Louis Gabaude composée de près de 35.000 monographies et plus de 25.000 périodiques. Pour beaucoup, des ouvrages rares, publiés à peu d’exemplaires et à un niveau très local. Le chercheur a en effet accumulé au cours des années de nombreuses petites publications dans les monastères, les écoles, les universités, ainsi que des mémoriaux de décès, ces mémoriaux sont souvent constitués d’une biographie de la personne, de témoignages de l’entourage, etc. 

Sur les 35.000 monographies, 25.000 livres sont en thaïlandais, le reste est en langues européennes, principalement en français et en anglais, mais aussi quelques-uns en allemand. “Sur ma collection, je pense qu’environ 10.000 livres sont consacrés au bouddhisme et le reste est partagé entre les beaux-arts, la littérature, l’archéologie, la céramique, l’anthropologie, l'ethnologie et même des revues plus ‘sexy’ des années 1970-80!”, détaille Louis Gabaude. 

Après plusieurs années de négociations et grâce au soutien du directeur actuel du centre de Chiang Mai, Yves Goudineau, l’EFEO fait l’acquisition de ce qu’on appelle aujourd’hui “Le fonds Louis Gabaude” en 2008. La bibliothèque est dès lors passée de 9.000 volumes à près de 45.000 livres et 25.000 périodiques. Elle n’a ensuite cessé de s’élargir pour atteindre aujourd’hui plus de 100.000 ouvrages.

Un centre ouvert à tous

En parallèle, le centre s’est également développé puisqu’un nouveau bâtiment abritant les fonds documentaires et une salle de lecture ont été construits en 2011. Un troisième bâtiment est venu compléter cet ensemble en 2017, composé d’une salle de conférence, de nouveaux bureaux pour les chercheurs et d’une partie réservée à l’habitat du personnel de gardiennage et d’entretien.

Majoritairement fréquentée par des chercheurs, la bibliothèque de l’EFEO est accessible à tout le monde, même si actuellement elle est accessible uniquement sur rendez-vous en raison des restrictions liées au Covid-19. 

 

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La grande et lumineuse salle de lecture de l'EFEO a été inaugurée en 2011. Photo Catherine Vanesse

“C’est un lieu ouvert, même si c’est vrai qu’il impressionne ou que certains, en particulier les étudiants, pensent qu’il n’y a que des documents en français, alors que nous avons plus de la moitié des livres en langues asiatiques”, avoue Yves Goudineau. 

Grâce à des collaborations avec les universités de Chiang Mai et en invitant des étudiants à venir dans le centre, cette appréhension tend à diminuer selon le directeur de l’EFEO. Avant le Covid-19, l’EFEO organisait régulièrement des conférences et des expositions, une façon de s’ouvrir au public. Dans les prochains mois, ces activités vont reprendre du service avec entre autre une prochaine exposition en collaboration avec l’Alliance française de Chiang Mai sur les tatouages traditionnels thaïlandais en février 2022. 

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