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INTERVIEW - Vivre dans une ferme bio en Mazurie

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Écrit par Natalia Pikna
Publié le 4 octobre 2018, mis à jour le 4 octobre 2018

Le marché du bio connaît de plus en plus de succès en Pologne. Les agricultures écologiques se multiplient et leurs produits ne sont plus tous exportés en Europe de l’ouest. Le jeune Belge Thibaut Detroz a l'espoir de participer au développement de ce marché, en direct de Mazurie. Dans un entretien avec lepetitjournal.com/Varsovie, il nous livre ses réflexions et revient sur son parcours et ses projets.

 

LePetitJournal.com/Varsovie : Pouvez vous me parler de votre parcours avant votre installation en Mazurie?

Thibaut Detroz: Je viens de Belgique, mes parents sont agriculteurs, et j’ai moi même suivi une formation d’agriculture. Ensuite, j’ai complètement changé d’orientation, en poursuivant des études d’instituteur. A la fin de mes études je suis parti en République Démocratique du Congo avec mon épouse Astrid. J’ai travaillé à l’école belge de Lubumbashi. Après une année, j’ai quitté l’enseignement car j’avais envie de revenir à l’agriculture. Une société de catering m’a embauché et j’ai été responsable des fermes de la société pendant quatre ans. En décembre 2016, via un ami, j’ai été contacté par un Belge qui m’a parlé de sa ferme en Pologne et de son souhait de trouver un jeune pour travailler avec lui avec une perspective de collaboration sur le long terme. Je suis venu visiter la ferme en juillet 2017, et le 1er avril 2018 j’ai pris les fonctions de gérant de la ferme. 

 

Est ce que la Mazurie, qui doit être une région assez différente du Congo, vous convient pour l’instant, est ce que vous vous y êtes adapté ?

Comme nous sommes arrivés en avril nous n’avons pas encore connu l’hiver donc c’est encore le point d’interrogation. En été, la Mazurie étant un endroit très touristique, il y a beaucoup de passage et c’est agréable. Pour l’instant ça se passe bien, c’est une belle région. La difficulté par rapport au Congo c’est surtout la langue car ici à la ferme personne ne parle ni anglais ni français, on est en immersion totale et nous n’avons pas d’autre choix que d’apprendre le polonais. 

 

Quelle est la taille de la ferme et l’importance de la production, et quelle est votre production principale ?

C’est une ferme de grandes cultures d’un peu plus de 800 hectares dont 650 cultivés. On retrouve principalement des céréales comme le seigle, le froment, l’épeautre, l’avoine, l’orge brassicole, des protéagineux, comme le pois sec, le lupin ou encore la féverole et des oléagineux comme le colza ou la caméline. 

 

Donc principalement une agriculture sèche?

Oui, pour l’instant nous ne comptons pas changer cela.

Nous pensons plutôt à mieux valoriser certains produits. On se renseigne pour faire de la transformation. En effet, on pourrait produire par exemple de l’huile avec le colza et la caméline, de la farine à partir des diverses céréales ou même des grains secs comme les pois cassés, le lin ou le quinoa qui se commercialisent dans les magasins bio. On pense qu’avec des petits conditionnements on peut viser le consommateur polonais. La philosophie du bio c’est aussi de vendre localement. 

On cherche également de nouvelles cultures intéressantes à produire, cette année on a par exemple fait un essai avec du quinoa ainsi que des lentilles. L’année prochaine nous comptons semer du petit épeautre, du lin et du chanvre. Pour l’instant, cela fonctionne donc on aimerait bien se diriger en partie vers ces cultures plus spécifiques qui demandent moins de transformation et qui représentent un intérêt pour la vente directe et les petits commerces.

 

Quel rapport les Polonais entretiennent-ils avec le bio, peut être n’y a t-il pas une demande importante pour ces produits ?

Pour l’instant il faut savoir qu’en Pologne il n’y a pas un grand marché pour le bio du moins pour les matières premières brutes comme les nôtres d’où notre envie de proposer un produit plus fini. Actuellement, la majorité des acheteurs sont des sociétés d’Europe de l’Ouest. 

Nous sommes passé au bio récemment. Ces deux dernières années ont été des années de transition parce que légalement vous devez être en conversion durant deux années avant d’obtenir la certification. C’est un peu le temps qu’on estime devoir attendre avant que le sol ne se nettoie des résidus notamment de pesticides, laissés par l’agriculture conventionnelle. Il existe un contrôle assez strict à ce niveau là. 

C’est encore relativement nouveau pour nous, il nous est donc difficile de définir le rapport qu’entretiennent les Polonais avec le bio. 

 

Pensez vous à vous diriger vers la production? 

On pense que l’agriculture en conventionnel ou en bio forme un ensemble et que les animaux ont leur place dans le système. Ici, nous sommes dans une ancienne ferme laitière des années 70 avec des bâtiments qui permettent d'accueillir des animaux et suffisamment de prairies pour les faire pâturer. Il y a donc le projet de redévelopper un peu l’élevage, nous avons d’ailleurs acheté nos premières vaches de race Limousine qui arriveront à la ferme durant le mois d’octobre.

 

Une question plus personnelle; quel est l’intérêt pour vous du bio et qu’est-ce qui vous motive dans cette production?

Le Congo comme d’autres pays d’Afrique a connu et connaît toujours un braconnage terrible, il n’y a quasiment plus de mammifères à l’état sauvage dans la région ou je vivais, c’est assez dramatique. Je pense que c’est de là qu’est née une approche plus environnementale de l’agriculture. Lorsque nous avons commencé à discuter de cette exploitation bio en Mazurie je crois que c’est le fait qu’elle soit en bio qui nous a le plus plu. On sait que beaucoup de choses inquiétantes se passent au niveau de la faune et de la flore dues à l’agriculture intensive, ce n’est plus à démontrer. C’est en travaillant de cette manière qu’on préserve l’environnement. Aujourd'hui on a mis en place des techniques de mécanisation qui nous permettent de nous passer d’interventions chimiques. 

 

Est-ce que ce type de carrière et de mode de vie en Mazurie est quelque chose que vous envisagez à long terme ?

Il y a un an, au Congo, nous avons eu un bébé, ce qui nous a donné envie de nous rapprocher de nos familles sans rentrer pour autant en Belgique. Nous souhaitions trouver un environnement sain et stable pour une vie de famille. J’ai la possibilité d’évoluer dans la ferme, c’est vraiment une collaboration sur le long terme et pas seulement un poste d’employé. Donc même s’il y a encore des points d’interrogation, mon projet est d’être impliqué d’avantage.

 

Quels sont vos projets pour le futur?

Hormis la transformation d’une partie de nos productions, on aimerait bien se rapprocher de Varsovie parce qu'on sait qu’il y a énormément de francophones là bas. On a commencé à construire ici un chalet en forme de champignon, quelque chose d’original pour pouvoir accueillir des visiteurs. On voudrait également développer l’agro tourisme, et attirer ainsi des francophones dans cette région  en offrant   des choix de balades, en développant des activités à la ferme et en proposant des produits de la ferme afin de les faire connaître.

l'exploitation

 

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Publié le 4 octobre 2018, mis à jour le 4 octobre 2018
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